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Il n’y a pas de solution simple au phénomène de l’itinérance

8 Décembre 2020

  • Julia Posca

L’itinérance touche beaucoup de gens à Montréal et, sans surprise, la pandémie pourrait avoir aggravé la situation. L’enjeu a retenu l’attention le mois dernier dans la foulée de l’ouverture d’un refuge pour itinérants à l’hôtel Place Dupuis, situé dans le quartier Ville-Marie. Les commerçants du Village ont exprimé leur mécontentement face à cette décision et partagé leurs craintes de voir les « incivilités » augmenter avec l’afflux de personnes en situation d’itinérance dans un quartier par ailleurs passablement déserté en raison de la pandémie. La Ville a depuis annoncé la mise en place de nouvelles mesures visant à faciliter la « cohabitation » entre les différents résidents de ce secteur adjacent au centre-ville.

Le sujet défraie aussi la chronique depuis qu’un campement de fortune a pris forme cet été aux abords de la rue Notre-Dame, dans l’est de la métropole. Le démantèlement du camp, qui abritait encore des dizaines de personnes, a toutefois débuté ce lundi.

L’itinérance est un problème complexe qui se nourrit de plusieurs causes, et pour lequel il n’existe donc pas de solution unique. Une de ces causes (et de ces solutions!) réside bien entendu dans l’accès à un logis. Or, la situation du logement à Montréal est préoccupante à plusieurs égards, et le ralentissement économique des derniers mois n’a pour l’instant rien changé à cette donne.

Dans les dernières années, la spéculation immobilière a notamment contribué à la hausse des loyers à Montréal. Dans le quartier Ville-Marie, que côtoient de nombreuses personnes en situation d’itinérance, le loyer moyen des logements (maisons en rangée et appartements d’initiative privée) atteignait 1271 $ (930 $ pour un studio et 1208 $ pour un appartement d’une chambre) en octobre 2019.

Quant au taux d’inoccupation des logements, il était de 2,5 % pour ce quartier (centre-ville et Île des Sœurs) en octobre 2019, soit en deçà du taux considéré comme représentant une situation d’équilibre, qui est de 3 %. À cette rareté s’ajoute le fait que, selon le site Inside Airbnb, il y avait en novembre 2018 dans le quartier Ville-Marie 5155 logements annoncés sur le site Airbnb. 78,6 % de ces offres d’hébergement concernaient un logement entier et le prix moyen pour une nuit était de 132 $ (et de 149 $ pour un logement entier).

Ces quelques chiffres nous permettent rapidement de comprendre que le marché locatif, considéré inabordable par plusieurs locataires montréalais, est tout simplement inaccessible aux personnes itinérantes qui fréquentent le centre-ville de Montréal. Or, les logements sociaux sont trop peu nombreux pour satisfaire à la demande et les récentes annonces en la matière, dont l’entente entre Québec et Ottawa qui fait suite à l’adoption de la Stratégie nationale sur le logement en 2017, ainsi que la récente mise à jour économique présentée par Québec, laissent penser que le problème n’est pas près d’être réglé.

Dans ce contexte, s’abstenir d’offrir des services aux personnes itinérantes dans les quartiers qu’elles fréquentent, comme souhaiteraient le faire certains commerçants du centre-ville, ne réglera en rien le problème de l’itinérance. Il pourrait même aggraver la situation pour ces personnes vulnérables, comme ce fut le cas suite à la fermeture du refuge The Open Door Montreal, qui avait pignon sur rue près de la station de métro Atwater avant de déménager dans le quartier Milton Parc. Démanteler les camps de fortune comme celui qui a accueilli de nombreuses personnes à la recherche d’un toit dans les derniers mois ne les fera pas non plus échapper à leur sort; cela risque cependant de faire diminuer l’attention que les autorités ont pu accorder à cet enjeu.

Les différents paliers de gouvernement ont pourtant bel et bien le pouvoir d’agir en implantant des solutions structurantes qui, comme la construction de logements sociaux, sont susceptibles de contribuer à sortir durablement plusieurs personnes de la situation d’itinérance dans laquelle elles ont été plongées. Accroître les investissements dans le domaine du logement social devrait à cet égard être considéré comme une mesure de relance au même titre que les autres mesures prévues pour faire face à la pandémie de COVID-19.

 

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