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Le Québec est-il en retard au niveau de la diplomation postsecondaire?

19 février 2019

  • Philippe Hurteau

Les bas droits de scolarités québécois encouragent-ils la fréquentation scolaire et la diplomation? Sur le premier point, il n’y a pas vraiment de débat : la majorité des intervenants s’entendent pour reconnaître que le cumul entre la quasi-gratuité scolaire au collégial et les bas droits de scolarité à l’université représente un puissant stimulant pour encourager la fréquentation. Cependant, d’après certains, le Québec serait systématiquement en retard au niveau de diplomation, ce qui fait dire aux détracteurs de la situation québécoise que celle-ci ne parvient pas à inciter suffisamment d’étudiant.e.s à non seulement s’inscrire dans un établissement d’enseignement postsecondaire, mais à effectivement terminer leur parcours avec un diplôme.

J’ai voulu vérifier si tel était bien le cas : souffrons-nous, au Québec, d’un retard de diplomation postsecondaire par rapport au reste du Canada? Pour répondre à cette question, j’ai utilisé les données fournies au tableau 14-10-0019-01 de Statistique Canada. Voyons cela de plus près.

La situation des 25 ans et plus

Le graphique 1 indique que le Québec souffrait en effet d’un important retard, chez les 25 ans et plus, au niveau de la diplomation postsecondaire à la fin du siècle dernier. Avec seulement 32,4 % avec un diplôme en main, le retard du Québec par rapport à la moyenne de l’ensemble du Canada était de 4 points de pourcentage. Cet écart était encore plus important une fois rapporté aux principales provinces canadiennes, puisque le Québec accusait 8,3 points de pourcentage de retard par rapport à l’Alberta, 5,2 points par rapport à l’Ontario et 6,7 points par rapport à la Colombie-Britannique.

Est-ce que cela indique que le modèle tarifaire québécois ne remplit pas ses promesses d’accessibilité? Pas nécessairement. Il serait plus juste d’indiquer que ces écarts sont le reflet du retard historique qui séparait la situation des Canadiens français d’avec celle des Canadiens anglophones.

Toujours au graphique 1, nous constatons que ce « retard » québécois s’est progressivement résorbé chez les 25 ans et plus. Aujourd’hui (décembre 2018), le taux de diplomation postsecondaire du Québec affiche 64,6 %, soit 1 point de pourcentage devant la moyenne canadienne. Le Québec a même légèrement dépassé l’Ontario (64,2 %) et la Colombie-Britannique (63,3 %). Seul l’Alberta fait mieux que le Québec, avec son taux de diplomation de 65,4 %.

Graphique 1 : Taux de diplomation postsecondaire au Canada et par province chez les 25 ans et plus, en % de la population, de janvier 1990 à décembre 2018

Source: Statistique Canada.  Tableau 14-10-0019-01. Caractéristiques de la population active selon le niveau de scolarité atteint, données mensuelles non désaisonnalisées. Calcul de l’auteur.

Ces résultats, déjà intéressants en ce qu’ils montrent que la politique de bas droits de scolarité (couplée évidemment avec la mise en place du programme d’aide financière aux études) nous a permis de combler un retard historique, se doivent d’être raffinés afin de bien prendre la mesure de la hausse vertigineuse de la diplomation postsecondaire au Québec de ces dernières années.

La situation des 55 ans et plus

Isolons d’abord la part de la population plus âgée de notre échantillon : les 55 ans et plus. Sans surprise, le Québec était en dernière place dans cette tranche de la population en 1990 et y est toujours aujourd’hui. L’écart avec la moyenne canadienne s’est certes réduit (de 6,1 points de pourcentage en janvier 1990 à 2,3 points en décembre 2018), mais il n’a pas été entièrement comblé.

Qu’est-ce que cela nous dit? Deux choses :

  • Cela vient confirmer le caractère « historique » de ce retard, puisqu’il est plus important au sein de la tranche de la population plus âgée.
  • Même au sein de cette catégorie, on remarque que la situation québécoise tend à rejoindre la réalité canadienne, signe que les bas droits de scolarité ont pu dynamiser cet effet de rattrapage.

Graphique 2 : Taux de diplomation postsecondaire au Canada et par province chez les 55 ans et plus, en % de la population, de janvier 1990 à décembre 2018

Source: Statistique Canada.  Tableau 14-10-0019-01. Caractéristiques de la population active selon le niveau de scolarité atteint, données mensuelles non désaisonnalisées. Calcul de l’auteur.

La situation des 25-54 ans

Le plus intéressant en fait est de porter notre attention vers les « plus jeunes », soit les 25-54 ans (une catégorie d’âge au sein de laquelle la vaste majorité des parcours académiques est terminée et pour qui le retard historique de diplomation du Québec devrait être moins lourd). Que remarquons-nous? D’abord, nous retrouvons encore une fois les traces de ce retard en début de période, puisque le taux de diplomation postsecondaire des 25-54 ans enregistrait alors un recul de 3,3 points de pourcentage par rapport à la moyenne canadienne. Ce recul était de 6,7 points par rapport à la situation prévalant en Alberta, de 4,7 points lorsque comparé à l’Ontario et de 4,1 points vis-à-vis la Colombie-Britannique.

Cependant, une chose étonnante s’est déroulée durant la décennie 1990 et les premières années du nouveau millénaire : non seulement le Québec a fait disparaître le retard qui le séparait du Canada, mais il est devenu en fait le champion de la diplomation postsecondaire. Aujourd’hui, c’est au Québec que l’on retrouve les plus hauts taux de diplomation avec une avance de 4,3 points de pourcentage par rapport à la situation canadienne.

Graphique 3 : Taux de diplomation postsecondaire au Canada et par province chez les 25-54 ans, en % de la population, de janvier 1990 à décembre 2018

Source: Statistique Canada.  Tableau 14-10-0019-01. Caractéristiques de la population active selon le niveau de scolarité atteint, données mensuelles non désaisonnalisées. Calcul de l’auteur.

Peut-on alors conclure que l’unique facteur pouvant expliquer ce retournement complet sont les bas droits de scolarité québécois? Non. Il faut aussi regarder du côté du programme d’aide financière aux études, ainsi que du côté  des établissements d’enseignement public situés partout sur le territoire (pensons aux cégeps et aux antennes régionales de l’Université du Québec). Mais, en même temps, il serait ridicule de bouder notre plaisir en se privant de reconnaître l’évidence : permettre à plus de gens de poursuivre leurs parcours scolaires après le secondaire sans leur demander de payer des sommes astronomiques participe évidemment à l’élargissement de l’accessibilité aux études.

Cet élargissement a un impact concret: si le Québec avait aujourd’hui le même taux de diplomation postsecondaire que le Canada, c’est 143 243 diplômés en moins que compterait la province. C’est à méditer la prochaine fois qu’un intervenant proposera de copier chez nous le modèle prévalant à l’Ouest de la rivière des Outaouais.

Crédit photo : Reuters / Brian Snyder

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