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Le projet Mine Arnaud de Sept-Îles est voué à l’échec

20 février 2014

  • RG
    Renaud Gignac

Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) a conclu dans son rapport rendu public hier que le projet de mine d’apatite Arnaud, pour lequel Investissement Québec souhaitait engager 465 M$ à titre de partenaire principal, n’est pas acceptable dans sa forme actuelle. Face aux perspectives plus qu’incertaines quant à la rentabilité à long terme du projet, en plus des maintes questions laissées sans réponse en matière de droits autochtones, d’environnement et de santé publique, il paraît aujourd’hui logique de mettre le projet de côté.

Rentabilité du projet : une impossibilité mathématique

Porté par Investissement Québec à 67 %, en partenariat avec le producteur de fertilisants Yara International à 33 %, le projet Mine Arnaud prévoit la production d’1,3 million de tonnes de concentré d’apatite par an sur l’horizon 2016-2040. Le minerai serait livré en Norvège via deux voyages de bateau par mois à partir du port de Pointe-Noire. L’exploitation permettrait la création de 330 emplois directs et de 425 emplois indirects.

L’apatite est un minerai qui entre dans la fabrication d’engrais à base de phosphore. Or, en raison principalement du boum récent du gaz de schiste aux États-Unis, les cours mondiaux des fertilisants, fortement dépendants du prix du gaz naturel, sont sujets à des prévisions à la baisse pour les années à venir. Selon le Commodity Markets Outlook publié le mois dernier par la Banque mondiale, le prix de l’apatite (ou « phosphate rock ») passera de 139 $US la tonne en 2013 à 71 $US la tonne en 2025. Une chute de 49 %.

graphique

Sources : Banque mondiale, Commodity Markets Outlook, Janvier 2014 et Index Mundi, Rock Phosphate Monthly Price.

Prix en $US de 2010 par tonne métrique. L’étude de préfaisabilité de juillet 2013 réalisée par la firme SGS, dévoilée récemment par la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, indique que pour assurer la rentabilité du projet, l’apatite tirée de la mine Arnaud doit se vendre minimalement au prix de 180,50 $ la tonne. Il faut cependant savoir qu’en raison de la qualité supérieure de l’apatite québécoise, celle-ci se vend à un prix plus élevé que celui des cours mondiaux. Cependant, la prime de qualité ne serait de toute évidence pas suffisante pour combler l’écart entre le prix mondial et le seuil de rentabilité du projet.

Par exemple, pour la mine d’Arianne Phosphate, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, l’étude de faisabilité d’octobre dernier prévoit une prime de 75 $ de plus par tonne d’apatite. En transposant cette même prime de 75$ au projet Mine Arnaud, il faudrait ajouter une surcharge à un prix mondial déjà élevé de 105 $ la tonne. Ainsi, pour assurer la viabilité du projet et l’atteinte du seuil de rentabilité il faudrait charger 180,50 $ la tonne. Or, le prix mondial est appelé à tomber sous la barre des 100 $ la tonne dès 2015, et poursuivra vraisemblablement sa dégringolade durant la décennie suivante minimalement. Dans ce contexte, la rentabilité du projet est mathématiquement impossible.

Plusieurs questions laissées sans réponse

Mise à part la question de la rentabilité, le rapport du BAPE a reconnu que l’exercice de la chasse, de la pêche et du piégeage par les communautés autochtones locales sur le territoire visé par le projet minier serait affecté. Il s’agit pourtant de pratiques traditionnelles qui sont au cœur de l’identité des Innus de Uashat et Maliotenam.

Les informations présentées par le promoteur du projet omettent par ailleurs de répondre à plusieurs préoccupations d’environnement et de santé publique. Par exemple, notons les risques pour la biodiversité locale liés aux 2 000 à 4 000 tonnes de contaminants qui pourraient se propager dans les eaux de surface pendant l’exploitation, l’impact des résidus miniers sur la qualité des eaux souterraines et les risques de glissement de terrain dû au dynamitage quotidien.

Enfin, en prenant majoritairement en charge le projet minier, Investissement Québec a choisi une approche de socialisation des risques. Ce faisant, un organisme public comme Investissement Québec ne peut agir comme une simple corporation privée; la société doit faire preuve de transparence et donner accès au plan d’affaires du projet, chiffres à l’appui. Ainsi, les citoyen.ne.s seront en mesure de poser un regard critique et de participer au débat public en toute connaissance de cause.

Compte tenu de ce qui est aujourd’hui connu, Investissement Québec serait mieux avisé de miser sur une réelle diversification économique de Sept-Îles plutôt que de s’engager dans la voie sans issue du projet Mine Arnaud.

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