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Le Plan Nord : tant qu’il y a de l’argent à faire, tout va bien.

8 novembre 2011

  • Bertrand Schepper

Dans deux billets publiés récemment (ici et ici) le chroniqueur économique Pierre Duhamel se porte à la défense du Plan Nord . Il soutient que les opposants au projet lèvent le nez sur des investissements privés de 20 G$ (chiffre qu’il reprend de La Presse) dont le Québec aurait bien besoin.

Son argumentaire repose sur deux points :
1- L’injection d’investissements privés liés au Plan Nord aurait pour effet d’augmenter la part des investissements privés dans l’économie québécoise.
2- Les opposants au Plan Nord font erreur en affirmant que les redevances minières exigées sont trop faibles puisqu’elles connaissent une hausse marquée en 2010-2011. Il ajoute même que le discours écologiste de réduction de l’extraction mène tout droit au chômage et à la misère.

Suivant ce raisonnement, il serait capricieux de refuser des investissements étrangers lorsqu’il est question d’exploiter les ressources du Nord québécois. Voilà qui n’est pas sans rappeler les politiques de gestion des ressources naturelles sous Duplessis, où le capital étranger était présenté comme le seul pouvant exploiter les ressources du Nord. Penchons-nous sur ces affirmations à la lumière de quelques projections (ou données connues) sur le Plan Nord.

A) Notons d’abord que les investissements privés dont il est question sont encore incertains alors que le financement public, lui, est déjà engagé. En effet, sur les 20 G$ d’investissements privés mentionnés par M. Duhamel, la moitié provient d’une entreprise chinoise qui n’investira que si Québec ou Ottawa construisent des infrastructures ferroviaires. Une autre entreprise exige de Québec qu’elle couvre 85 % des coûts de construction d’une route devant se rendre à une future exploitation de diamants. Les investissements privés sont conditionnels à de lourds investissements publics, avant même de commencer à percevoir la moindre redevance.

B) C’est donc 2,1 milliards de dollars que Québec engouffrera dans le Plan Nord durant les cinq prochaines années. On espère en retour des redevances de l’ordre de 1,4 M$. Considérant que Québec aspire à ce que l’ensemble des investissements du Plan Nord s’élève à 80 G$ sur 25 ans (public et privés combinés et incluant des investissements d’Hydro-Québec),  tout indique que les contribuables pourraient fournir la part du lion pendant que l’industrie engrange les profits. On constate aussi qu’il est loin d’être évident que le Plan Nord représentera un ratio d’investissement privé élevé comme le souhaite M. Duhamel.

C) M. Duhamel se réjouit des 304 millions $ de redevances pour 2010-2011 alors que les minières annoncent 6,7 G $ en revenus, les redevances représentent donc un bien maigre 4,54 % de leurs revenus. Est-il indécent de penser aller chercher des montants plus importants?

D) Sachant que les ressources naturelles se font de plus en plus rares, il appert peu prudent de les vendre à rabais aux corporations étrangères qui ne s’intéressent, pour le moment, qu’à l’extraction des ressources et préfèrent réaliser leur transformation ailleurs. Cela signifie que les emplois créés par le Plan Nord seront avant tout des emplois d’installation d’infrastructure et d’extraction et non des emplois stables qui assurent de bons revenus à long terme.

E) On sait déjà que les êtres humains consomment l’équivalent de la production de 1,5 planète Terre annuellement. Ceci implique que, pour retourner à une empreinte écologique viable, la gestion des ressources naturelles et énergétiques doit être planifiée au-delà des aléas du marché financier qui d’un jour à l’autre fait fluctuer la valeur monétaire des ressources naturelles et qui peut ainsi mener à leur sur-exploitation pour profiter d’une montée des prix. Ainsi, le Québec gagnerait à se doter d’un programme de gestion des ressources naturelles sur le long terme et non à courber l’échine devant l’industrie pour des montants au final forts modestes.

L’IRIS a déjà démontré que l’industrie minière profite largement des investissements publics sans donner un retour sur investissement qui serait intéressant et ce, tant du point de vue économique qu’environnemental.

Un véritable plan de développement des ressources naturelles commencerait par le remplacement du régime de redevances actuel par l’instauration d’un système fondé sur la valeur brute des minerais extraits. Ainsi,  l’État se garantirait des compensations suffisantes et continues en échange de l’extraction des ressources. Ce choix nous mettraient sur un pied d’égalité avec les autres nations du monde qui font l’extraction des ressources de leur sous-sol.

De plus, il faudrait réévaluer à la baisse les dépenses publiques dans l’industrie minière. De manière plus importante, le Québec doit se doter de lois (et s’assurer qu’elles soient appliquées) qui obligeront l’industrie à agir de manière écologiquement responsable. Cela implique, au minimum, une vision de la production sur le long terme, l’assainissement des eaux usées et le nettoyage complet des sites lorsque l’extraction est terminée.

Contrairement à ce que semble défendre M. Duhamel, il apparaît au final plutôt sage de se questionner sur la mouture actuelle du Plan Nord puisque tout indique que les pertes y seront publiques tandis que les gains, eux, iront au secteur privé.

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