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Le Pacte pour la Transition et la crise de confiance

9 novembre 2018

  • Bertrand Schepper

Hier, des centaines d’artistes et personnalités publiques se sont mobilisés pour présenter aux médias une nouvelle initiative citoyenne nommée le Pacte pour la transition (pour le signer) qui se veut une manière de passer de la parole aux actes en environnement. À l’heure où les changements climatiques occupent une part grandissante des inquiétudes sur l’avenir, ce groupe invite la population à s’engager à réduire leur empreinte écologique en contrepartie d’une assurance que le gouvernement fera tout en son pouvoir pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES). Bref, tous les éléments nécessaires sont présents pour faire faire une syncope à votre animateur de radio X moyen. Regardons ce qui en est de plus près.

Ce pacte comporte deux parties: la première présente les changements que les signataires, c’est-à-dire les gens comme vous et moi s’engagent à accomplir. Leur engagement les amènerait, par exemple à réduire la consommation de pétrole, à compenser leurs émissions liées aux voyages en avion, à désinvestir leur épargne du secteur des énergies fossiles, à choisir des aliments locaux, à diminuer leur consommation de viande, etc.  Le tout se réaliserait dans la mesure de leurs capacités sur une période de deux ans ; période qui est définie comme étant critique pour débuter des changements radicaux par le Secrétaire général des Nations Unies.

Évidemment, malgré toute la bonne volonté du monde, les citoyens ne pourront pas, à eux seuls, régler la crise climatique qui s’amorce en changeant simplement leurs habitudes de consommation. C’est pourquoi, en contrepartie, les signataires demandent au gouvernement du Québec d’adopter un plan qui, d’ici 2020, permettra d’assurer que l’on dépasse les cibles de réduction de GES visés dans l’Accord de Paris. Il est proposé que le gouvernement réduise ses  propres émissions de GES de 50 % d’ici 2030, déclenche un grand chantier pour favoriser l’efficacité énergétique, présente un calendrier à court terme pour abolir toute forme de subvention aux hydrocarbures, etc. Bref, le gouvernement doit aussi agir devant la gravité de la situation, de sorte à remplir les engagements qu’il a contractés avec les autres États. Du point de vue des signataires, c’est une manière de reconnaître la co-responsabilité de l’État et des citoyens et des citoyennes dans la lutte aux changements climatiques.

Qu’est-ce que cela nous dit ?

Soyons clairs, je crois que c’est une bonne initiative afin de placer l’environnement au cœur des débats. En ce sens, on doit saluer ce geste qui est certainement un premier pas dans la bonne direction. Cependant, ce type d’initiative démontre tout le manque de confiance que peuvent avoir les gens qui tiennent à l’environnement envers les politiciens et les politiciennes. La CAQ a admis avoir peu de projets en environnement, tandis que le gouvernement précédent n’a presque rien fait pour réellement améliorer la situation.  Pire, des citoyens considèrent qu’il est nécessaire de faire un pacte en environnement uniquement pour que le gouvernement remplisse ses propres engagements internationaux. En ce sens, on peut certainement douter des capacités du gouvernement dans ce dossier, et ce même s’il est rempli de bonnes intentions.

Le gouvernement devra donc faire preuve d’ambition et faire des choix douloureux. Si on veut réduire de manière significative nos émissions de GES, il faudra agir pour réglementer fortement l’industrie, investir massivement dans l’efficacité énergétique et dans des industries vertes, telles que le transport en commun. Ce type d’investissement demandera sûrement à l’État de contracter des prêts ou d’utiliser le Fonds des générations, et ne sera pas rentable à court terme . Une approche qui n’est pas dans l’ADN de la CAQ, un parti où abondent les comptables.

Surtout, le gouvernement devra se distinguer du précédent en rejetant les projets de certains de ses amis du monde des affaires (pétrolière, bétonnière, etc.) et en s’opposant à sa base électorale qu’il a séduite, entre autres, en promettant de nombreux projets autoroutiers. Si l’on veut atteindre des objectifs ambitieux, il devra refuser des projets comme le troisième lien à Québec ou d’offrir gratuitement des permis de polluer. Encore une fois, on est loin de l’ADN de la CAQ, qui joue la carte du populisme et qui est proche du secteur privé.

D’ailleurs, l’éléphant dans la pièce, ce sont bien les entreprises privées, à commencer par les grandes corporations multinationales, que les auteurs du Pacte pour la transition n’interpellent pas, alors que leur poids dans l’économie est – c’est un euphémisme de le dire – énorme. Il faudra bien leur demander à elles aussi de faire leur juste part.

Bref, le pacte pour la transition est ambitieux; souhaitons que nous serons collectivement à la hauteur de cette ambition.

Pour signer, c’est ici.

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