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Le Bonhomme Sept Heures

2 décembre 2014


Le président du Conseil du trésor a ouvert son allocution de mardi en voulant nous rappeler des chiffres. D’abord le service de la dette, ensuite le montant absolu de la dette. Une fois ces mots prononcés, tout était clair et plus rien n’était possible. Sans les mettre en rapport avec rien, par leur seule valeur en soi, ces chiffres exigeaient impérieusement, d’eux-mêmes, les changements que M. Coiteux allait par la suite nous présenter.

Au Québec, mais ailleurs aussi soyez-en assurés, la dette est un Bonhomme Sept Heures. Comme pour les enfants indisciplinés qui refusent d’aller se coucher, la dette publique sert à mettre fin aux discussions sur les finances publiques. Vous pouvez avoir n’importe quelle bonne idée, offrir une réflexion originale ou importante, on vous répondra systématiquement: «oui, mais la dette» comme si sa seule évocation suffisait à clore le débat. Mon collègue Francis Fortier et moi nous sommes penchés sur l’état de la dette du Québec pour voir dans quelle situation nous étions réellement et si la dette justifiait vraiment tous les sacrifices.

Quand on compare le Québec avec le reste du Canada, la thèse généralement défendue semble se concrétiser: en effet, le Québec est la province la plus endettée, elle a le même taux d’endettement que le gouvernement fédéral. Donc, le gouvernement du Québec est en effet plus endetté que les autres provinces canadiennes (quoique l’Ontario se rapproche de plus en plus).

Cependant, le Canada n’est pas seul au monde. Qu’arrive-t-il quand on compare le Québec avec le reste des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), que l’on appelle parfois les «pays développés»?  En utilisant la méthode de calcul de la dette de l’OCDE avec les données les plus récentes, on se rend compte que le Québec se retrouve dans une situation avantageuse. En 2013, lorsque l’on tient compte de ses importants actifs financiers, le Québec est parmi les États les moins endettés de l’OCDE. Par exemple, il est moins endetté que les États-Unis, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas. Comme le montre le graphique 1 ci-dessous, même en attribuant au Québec une part de la dette fédérale, notre niveau d’endettement est plus bas que la moyenne de l’OCDE. L’alarmisme sur la situation économique au Québec à ce propos est donc injustifié.

Graphique 1 : Comparaison internationale des engagements nets, % du PIB, OCDE (2013)

Graphdette-web

Source: OCDE, Perspectives économique de l’OCDE, volume 2014, numéro 1, tableaux 33; Gouvernement du Québec, Comptes publics, 2014; et Ministère des Finances du Canada, Tableaux de références financières – 2013, calculs des auteurs.

De plus, on pourrait craindre que la dette du Québec soit soumise aux investisseurs étrangers, qui viendraient éventuellement réclamer leur dû. Or, la part détenue par des intérêts étrangers est assez restreinte. En effet, bien qu’il soit difficile de savoir exactement à qui appartient la dette du Québec, on estime que seulement 15 % de la dette au Québec est possédée par des étrangers. Le reste (85 %) appartient à des Québécois ou des Canadiens et 30 % de la dette est directement contrôlé par le gouvernement du Québec.

Finalement, il est faux d’affirmer que la dette du Québec a été majoritairement contractée par des déficits d’opérations passés, de la «mauvaise» dette. En fait, ce serait plutôt le contraire. Les deux-tiers de la dette québécoise ont été contractés pour la construction d’infrastructures: des écoles, des nouvelles routes ou des hôpitaux. Ces investissements sont généralement considérés comme de la bonne dette. Nous n’avons pas contracté notre dette pour payer l’épicerie.

Bref, beaucoup de ce qui se dit à propos de la dette du Québec n’est pas fondé. Comme pour le Bonhomme Sept Heures, un examen raisonné nous montre que le monstre qu’on fait de l’endettement public n’existe pas. Il est peut-être temps d’arrêter de parler des finances publiques comme on récite une histoire de peur.

*Nous avons pris connaissance d’un court texte de l’IEDM sur le blogue du Journal, s’objectant à notre étude. Nous répondrons au cours de la semaine prochaine, à la suite de la publication complète de leur argumentaire. 

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