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Le Sud : voyager nulle part

26 février 2015

  • Philippe Hurteau

Les voyages dans le Sud sont devenus une vraie tradition hivernale. Il est assez difficile de saisir avec exactitude ce que l’on entend par « Le Sud », sauf qu’on réfère à un endroit où il fait beau et chaud, où il y a des plages, des bars dans les piscines et d’autres sympathiques gens de chez nous.

L’idée n’est pas folle : fuir l’hiver, le froid, le travail, la routine, … fuir un peu tout, pour un peu toutes les raisons afin d’aller vivre une semaine de rêve à se faire servir, à boire et à manger. Et l’essentiel : pouvoir ne penser à rien. Aller dans Le Sud, c’est se donner une semaine par année où l’on peut vivre comme des reines et des rois en se laissant servir par une armée de domestiques dont la seule fonction semble être de pourvoir à nos besoins. Le rêve, quoi!

Vivre le luxe donc, mais à rabais et dans des lieux formatés.

Un des grands secrets du Sud, c’est son caractère indifférencié. Qui peut vraiment distinguer un Tout inclus d’un autre? Ce n’est pas au final toujours la même plage, les mêmes sorties de plongée ou de wakeboard, les mêmes soirées dansantes et les mêmes buffets à volonté? Tout ceci ressemble à un juteux paradoxe : faire quelques milliers de kilomètres pour vivre une expérience aussi vide et répétitive que la routine que l’on veut pourtant fuir.

Vraiment, quand on va dans Le Sud, cessons de dire que nous allons au Mexique, à Cuba, en République ou au Costa Rica. Le Sud, c’est un peu toujours pareil : un espace qui a de multiples formes, mais qui reviennent toutes au même. Et quand on veut sortir du formatage des belles plages, avouons que notre curiosité culturelle s’arrête plus souvent qu’autrement aux limites des tours organisés d’une journée à La Havane. Bien que nous puissions nous berner nous-mêmes en pensant que tout ceci est bon pour les économies locales, la vérité c’est que les seuls gagnants à ce jeu sont les Elvis Gratton de ce monde, les principaux promoteurs de l’industrie du voyage de masse et quelques proxénètes.

Le Tout inclus : la plaisance souveraine

En fait, partir dans un Tout inclus, c’est un peu partir nulle part. Dans une zone franche, si on veut. Un lieu où les lois nationales ne s’appliquent pas vraiment et où c’est la volonté et les besoins de consommation du voyageur de passage qui prime sur les ambitions des gens du pays.

Pour moi, le Tout inclus est à la plaisance ce que le paradis fiscal est à la finance : un endroit de non droit qui permet au plus fort de tirer profit de la pauvreté de l’autre. Ce qui est perturbant dans ce cas, c’est que le « plus fort » en question n’est pas un obscur banquier ou un grand magnat de la haute finance, mais la masse des gens ordinaires.

Face à la stagnation des salaires, à l’endettement épouvantable des familles et au démantèlement constant de nos services publics, il est en effet bien difficile de blâmer qui que ce soit de vouloir partir au loin pour se changer les idées. Pourtant, il faut peut-être poser quelques limites à nos désirs de luxe à bon marché. Partir avec toute la marmaille durant la relâche scolaire est certes une option séduisante, mais à quel prix?

Si la condition de nos vacances est de transformer des portions entières de pays des Caraïbes ou d’ailleurs en Îlots indifférenciés destinés à satisfaire nos besoins de détente et de confort cheap, il est assurément temps de revoir notre conception des vacances de qualité.

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