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Pourquoi nous choisissons la discrimination positive

8 mars 2013

  • Eve-Lyne Couturier

À l’IRIS, suffit de regarder la page « chercheur·e·s » pour s’apercevoir que l’équipe est plus masculine que féminine : sur 11 chercheur·e·s, trois sont des femmes. Ce n’est pas mieux du côté des chercheur·e·s associé·e·s où se trouvent trois femmes sur la douzaine que nous avons. On est loin de la parité. Pour pouvoir un jour dépasser cette situation, nous avons choisi comme Institut d’appliquer une politique de discrimination positive. Celle-ci s’effectue sans douleur, avec peu d’efforts et avec des résultats appréciables.

D’abord, contrairement à ce que prétendent certains préjugés persistants, la discrimination positive ne veut pas dire de mettre de l’avant des personnes incompétentes en raison seulement de leur sexe. Au contraire. Il s’agit plutôt de reconnaître la compétence des femmes et de les encourager à prendre plus de place dans l’espace public, de prendre la parole, d’exercer du pouvoir. Croire que le sexe « faible » n’a qu’à « mettre ses culottes » et s’imposer d’elle-même, c’est oublier des années de socialisation et des siècles d’oppression. Doit-on vraiment rappeler qu’il n’y a pas si longtemps les femmes étaient considérées comme mineures toute leur vie? Qu’encore plus récemment, une femme autochtone ne pouvait transmettre son statut à ses enfants si elle se mariait à une personne non-autochtone, ce qui n’était pas le cas pour un homme autochtone? Encore aujourd’hui, la crédibilité féminine n’est pas acquise. Suffit de s’impliquer un peu, de participer à des réunions pour se rendre compte qu’une paraphrase masculine vaut encore trop souvent plus qu’une nouvelle idée féminine.

Vous ne me croyez pas? Parlez-en à Martine Desjardins dont on trouvait que les cernes étaient un signe de faiblesse alors que la barbe pas faite de ses collègues symbolisait leur ténacité. Parlez-en à Gina Trapani, Haddie Cooke et Jen Simmons, trois femmes qui travaillent à développer des sites et des applications informatiques, mais qui se font systématiquement aborder comme si elles étaient des incompétentes qui connaissent à peine le HTML. Parlez-en à Anita Sarkeesian qui voulait simplement faire des vidéos qui analysaient la représentation des femmes dans les jeux vidéo et qui s’est retrouvée avec une campagne haineuse qui appelait à rendre publiques l’ensemble de ses informations personnelles, à fermer tous ses comptes Internet et qui diffusait des images et des messages invitant à la battre et à la violer. Si c’était un homme, est-ce qu’il y aurait eu autant de violence en réponse? Alors ne vous surprenez pas que plusieurs femmes n’aient pas envie de risquer ce genre de réactions, n’aient pas envie de se mettre de l’avant dans l’espace public.

Quand nous voulons ajouter des chercheur·e·s à l’équipe, nous tentons en priorité d’aller chercher des femmes. Aussi, lorsqu’on appelle l’IRIS pour participer à un panel où il n’y a que des hommes, on tente de voir d’abord si une de nos chercheures est disponible et intéressée. Parfois, notre petit groupe de trois n’est pas à l’aise : les personnes présentes seront trop nombreuses, la conférence trop longue, le sujet trop complexe à vulgariser. Croire que les hommes ne possèdent pas ces angoisses est irréaliste. Croire que, parce qu’ils disent « oui » plus rapidement que les femmes, ils seront meilleurs est également une erreur. Croire qu’insister auprès d’une collègue qu’on sait intelligente, éloquente et compétente, c’est du sexisme à l’envers, bien c’est insultant.

Je lisais récemment sur le blogue de l’homme moyen ces sages paroles: « Pour avoir deux ans d’expérience dans un domaine, ça prend deux ans. » En cette journée du 8 mars, je vous invite à méditer sur cette phrase, et à l’appliquer à la question de l’égalité homme-femme : si on veut avoir plus de femmes qui prennent la parole et qui participent aux décisions, peut-être faudrait-il faire l’effort de les inviter à le faire et de les écouter.

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