Mâles alpha, femmes bêta? À compter du 29 novembre, les Québécoises travaillent gratuitement pour le reste de l’année
29 novembre 2024
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Les discours conservateurs promouvant le reconfinement des femmes dans des rôles sexués traditionnels, contestant les droits sociopolitiques conquis par les mouvements féministes et dénonçant une prétendue « crise de la masculinité » ne sont pas nouveaux. Néanmoins, l’élection du « masculiniste en chef » à la tête de la première puissance mondiale et la diffusion du documentaire Alphas par Télé-Québec témoignent de la vigueur, stupéfiante en 2024, de ces discours qui tentent de recaler les femmes en deuxième place de l’alphabet grec. Mais pendant que les idées rétrogrades progressent et qu’un nombre croissant d’hommes craignent un ébranlement de leur masculinité, la condition réelle des Québécoises stagne, comme le montre la persistance d’un écart salarial injustifiable entre les hommes et les femmes.
Les données les plus récentes sur la rémunération au Québec montrent qu’en 2023, les femmes ont gagné en moyenne 30,86$ de l’heure, soit 91% de la rémunération horaire masculine, qui était alors de 33,84$. Cet écart de 9%, en légère diminution par rapport à celui de 10% constaté l’année précédente, signifie que c’est la date du 28 novembre qui, cette année, représente le jour symbolique à partir duquel les femmes travaillent gratuitement pour le reste de l’année.
Précisons d’emblée que cet écart salarial ne s’explique pas par la surreprésentation des femmes dans les emplois à temps partiel puisque les données présentées ici concernent la rémunération horaire, et non les revenus annuels, pour lesquels l’écart entre hommes et femmes est beaucoup plus grand. En effet, les femmes ont un revenu annuel total moyen qui représente seulement 78% de celui des hommes, soit un écart de 22%.
Ainsi, pendant que des hommes s’inquiètent d’un renversement de leurs privilèges, les femmes avec un diplôme d’études secondaires continuent de gagner moins, pour chaque heure travaillée, que les hommes sans aucun diplôme, et les hommes avec un diplôme d’études secondaires continuent de gagner plus que les femmes avec un diplôme d’études collégiales. En fait, quel que soit leur âge, leur niveau de scolarité ou la taille de l’entreprise dans laquelle elles travaillent, le salaire horaire moyen des femmes est inférieur à celui des hommes de la même catégorie. Ceci est également vrai dans pratiquement toutes les industries.
À cela s’ajoute le fait que, comme l’IRIS le rappelait l’année dernière, certaines femmes travaillent gratuitement plus longtemps que les autres. En effet, pendant que des ministres du gouvernement attribuent aux immigrant·e·s la responsabilité de tous les problèmes qu’ils n’ont eux-mêmes rien fait pour régler, les femmes immigrantes gagnent à peine 86% du salaire horaire des hommes, ce qui signifie que pour elles, la date symbolique à partir de laquelle débute leur période de travail gratuit serait cette année le 9 novembre, soit près de trois semaines plus tôt que l’ensemble des femmes du Québec. Plus précisément, le salaire horaire des femmes immigrantes représente 85% de celui des hommes natifs du Québec, 87% de celui des hommes immigrants et 92% de celui des femmes natives.
C’est sans compter que les très légers et très lents progrès réalisés au cours des dernières décennies dans la réduction des écarts salariaux entre les hommes et les femmes sont loin d’être suffisants pour permettre aux femmes de cheminer vers une égalité réelle. En effet, pendant que des hommes imaginent leur position sociale menacée, les femmes demeurent largement sous-représentées dans les différents lieux de pouvoir, que ce soit dans les sphères économique, politique ou médiatique. Pendant que des hommes rêvent de renvoyer les femmes au foyer, les reculs dans l’accès aux services de garde nuisent déjà à l’accès des femmes au marché du travail. Mais surtout, pendant que des hommes croient nécessaire de construire et de diffuser une « alphattitude » toxique et potentiellement dangereuse pour les femmes, celles-ci demeurent les principales victimes des violences sexuelles et conjugales qui, loin de diminuer, sont en augmentation, et les féminicides atteignent des records tragiques.
On le constate, les progrès vers l’égalité entre les hommes et les femmes sont lents, et freinés par de nombreux reculs. Le contexte actuel, où les discours réactionnaires semblent gagner en influence, notamment auprès des jeunes hommes, nous rappelle durement qu’en matière de droit des femmes, rien n’est jamais acquis.
L’égalité est une utopie. L’équité est tout à fait souhaitable.
Cela dit, à travail égal, salaire égale.
Dans le monde syndical ou j’ai oeuvré pendant plus de 35 ans, un salaire était harnaché à un poste et cela n’avait absolument rien à voir avec le sexe ou l’âge de l’employé. La capacité de faire le travail est le facteur dominant. Il est vrai que j’ai constaté que certains postes, majoritairement occupés par des femmes étaient sous-payés. Dans ces cas-là, les homme avaient cependant le même salaire que les femmes.
Là ou une grand écart existait, c’est chez les non-syndiqués. Leurs salaires était pratiquement un secret d’état. Pourquoi? Parce que certains cadres avaient su se négocier un salaire plus élevé que d’autres, même si les responsabilités étaient équivalentes.
Toutes les avancées sociales dont les travailleurs jouissent aujourd’hui proviennent des guerres syndicales du début du XXe siècle.
Tous les reculs sociaux que subissent les travailleurs aujourd’hui proviennent de la montée en puissance de la spéculation, l’outil de prédilection de la finance, qui joui de plus en plus de la dérégulation depuis plus de 50 ans.