Logement, immigration et natalité : le monde imaginaire de PSPP
31 octobre 2024
Lecture
6min
En début de semaine, Paul St-Pierre Plamondon a dévoilé le plan que mettrait en œuvre le Parti québécois en immigration advenant une victoire électorale en 2026. Fixant un seuil de nouveaux arrivants permanents à 35 000 personnes, le chef du PQ semble vouloir faire de cet enjeu son cheval de bataille afin d’accéder au pouvoir. En plus de défendre l’idée de robotiser davantage la production agricole afin de contrer le manque de main-d’œuvre, M. St-Pierre Plamondon y est allé d’une bien étrange affirmation :
« C’est relié, car si nos seuils d’immigration sont trop élevés, il n’y a pas de logements, le logement coûte très cher, les gens sont étouffés au niveau du paiement de l’hypothèque et du loyer, a-t-il expliqué en point de presse à l’Assemblée nationale. Est-ce qu’ils vont prendre la décision d’avoir un enfant ou un enfant de plus? Les deux sont reliés ».
Nous ne nous attarderons pas trop longtemps sur l’association trompeuse entre immigration et crise du logement. Or, il faut au moins rappeler les facteurs qui sont bel et bien à l’origine de la pénurie de logements, de la hausse des loyers ou encore des coûts hypothécaires. 1) La pénurie perdure depuis le désinvestissement des gouvernements en matière de construction de logements sociaux, soit il y a maintenant 30 ans. 2) Les loyers augmentent trop vite depuis et le fait de confier le marché immobilier à des promoteurs uniquement soucieux de construire des condos et de maximiser leurs profits n’a rien fait pour aider. Et ne parlons même pas du fait de laisser la location à court terme de type Airbnb se développer au détriment du marché locatif ou encore de la réglementation qui permet trop facilement les évictions pour différents motifs. 3) Quant aux hausses hypothécaires, elles sont dues à la politique monétaire mise de l’avant par la Banque du Canada pour lutter contre l’inflation post-covid.
Bref, en pointant du doigt les personnes migrantes, PSPP évite de critiquer les politiques néolibérales des différents gouvernements – dont celles de son propre parti –, de se mettre à dos d’importants acteurs économiques et endosse la politique monétaire dogmatique du gouvernement fédéral.
Et la natalité dans tout ça?
Revenons à l’affirmation mise en exergue plus haut : peut-on lier immigration et déclin de la natalité? Non, et voici pourquoi.
Les données présentées dans Le bilan démographique du Québec 2024 nous apprennent quelque chose d’intéressant. Le taux synthétique de fécondité était de 1,48 en 2022. Ce résultat place le Québec au-dessus de la moyenne canadienne (1,33) et, fait notable, au-dessus de l’Ontario (1,27) et de la Colombie-Britannique (1,11). Les résultats québécois dépassent également ceux des provinces maritimes, indiquant une déconnexion entre les flux migratoires et le taux de fécondité.
Rappelons-nous aussi que l’enjeu de la natalité en est un au long court, qui n’a rien à faire avec l’état actuel des politiques migratoires. Pour s’en convaincre, analysons les données du graphique ci-bas.
Un sommet a été atteint en 1954, avec un taux de fécondité de 4,04. Depuis, la tendance à la baisse est des plus évidente et, au début des années 1980, le taux de fécondité s’est stabilisé autour de 1,5. Bien entendu, personne ne songerait à mobiliser l’état de l’immigration au pays, ni pour expliquer cette baisse ni pour comprendre le niveau atteint depuis. Si le plan péquiste prévoit de diminuer les seuils d’immigration à 35 000 comme en 2000, il faut rappeler à cette formation politique que le taux de fécondité enregistré alors était… de 1,45, soit littéralement un résultat similaire à celui observé en 2022 et 2023!
Aussi, afin de nous situer un peu, il est bon de ne pas oublier que le taux synthétique de fécondité du Québec dépasse celui de pays notoirement fermés à l’immigration. Par exemple, le Japon avait un taux de fécondité de 1,26 en 2022 tandis que celui de la Corée du Sud s’établissait à 0,78. Pendant ce temps, l’Allemagne, avec sa politique d’accueil massive de migrants ayant fui la guerre en Syrie, affichait un résultat de 1,46. Et les États-Unis, pourtant en épisode de psychose permanente au sujet de l’immigration, affichent un taux de fécondité de 1,66.
En somme, il est manifeste que l’affirmation lancée par PSPP n’a aucun fondement empirique.
Les faits : l’immigration tend à faire augmenter le taux de fécondité
Finalement, rappelons certains faits élémentaires à ceux qui seront tentés de croire sur parole ce qu’avance le chef péquiste. Non seulement l’immigration ne décourage pas la natalité, elle semble plutôt l’encourager.
Comme l’indique le graphique qui précède, la parentalité au Québec rime de plus en plus avec des familles comptant au moins un parent né hors Canada. En effet, 12,6 % des naissances correspondaient à ce cas de figure en 1980, contre 37,1 % aujourd’hui. Cette hausse s’explique bien entendu par celle de l’immigration récente, mais elle indique également que cette dernière joue un rôle positif pour maintenir notre balance démographique.
En ce sens, il est révélateur de présenter ces mêmes données, mais cette fois en fonction du nombre de naissances par mille habitants au Québec. C’est ce que fait le graphique suivant, en séparant les résultats observés de cette façon : d’un côté le nombre de naissances par mille habitants ayant deux parents nés au Canada et de l’autre, les naissances avec au moins un parent né à l’étranger. En procédant ainsi, nous saisissons mieux l’ampleur de la participation de la seconde catégorie à la croissance démographique.
Ainsi, le nombre de bébés par mille habitants ayant deux parents nés au Canada est passé de 13 en 1980 à 5,5 en 2023. À l’inverse, pour la catégorie pointée du doigt en début de semaine par celui en passe de devenir premier ministre, on note que le nombre de nouveau-nés par mille habitants avec au moins un parent né hors Canada est passé de 1,9 en 1980 à 3,3 en 2023.
Pour être clair en terminant : loin de moi l’idée de vouloir participer à stimuler une certaine angoisse collective au sujet de la natalité. Pour le dire le plus simplement du monde, si les femmes du Québec font moins d’enfants aujourd’hui qu’hier, c’est parce qu’elles en décident ainsi. Il arrive parfois que les explications les plus simples soient les meilleures.
En utilisant des arguments si faciles à démolir, le chef d’un parti détruit les chances de son parti à se faire élire.
Le seul défaut de ce texte est de passer sous silence le fait que tous les autres partis font de même sur différents sujets. Ils s’ingénient à promettre tout et n’importe quoi, juste pour se faire élire, sans égards pour les conséquences.
En fait, un seul parti affirme ne pas faire de promesses et prétend faire une obligation pour lui de ce qu’il propose, s’il forme le gouvernement.