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Un gouvernement de propriétaires

14 septembre 2023

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Le projet de loi 31 sur le logement déposé par la ministre responsable de l’Habitation France-Élaine Duranceau prévoit qu’un propriétaire pourra refuser une cession de bail sans motif sérieux. La cession de bail est pourtant un outil important des locataires pour éviter les augmentations de loyer. En entrevue en juin dernier, la ministre Duranceau a soutenu que les locataires ne devraient pas avoir le droit de choisir qui va occuper les lieux : « Le locataire qui veut faire ça, qu’il investisse en immobilier! », a-t-elle lancé. Par cette déclaration, elle a révélé à quel point elle était insensible à la situation des locataires. Le quart des ménages locataires du Québec consacrent déjà plus de 30% de leur revenu à se loger, ce qui correspond au seuil d’abordabilité. Touché·e·s par l’endettement, l’inflation et la hausse du coût du logement, deux Québécois·es sur cinq déclarent être à 200 $ ou moins de ne pas pouvoir s’acquitter de leurs obligations financières à la fin du mois. Ils et elles réfléchissent donc sans doute davantage aux dépenses à payer qu’aux manières d’investir en immobilier. La ministre Duranceau paraît donc déconnectée de la réalité de beaucoup de Québécois·es.

Dans un billet précédent, on s’interrogeait sur le milieu socioprofessionnel d’où proviennent les personnes qui forment le conseil des ministres. Partant de l’idée que le milieu dans lequel nous évoluons façonne notre point de vue sur le monde et nous inculque certains biais et préjugés, on constatait que le gouvernement Legault ne compte presque personne appartenant aux classes populaires et à la classe moyenne. Presque tous les membres du cabinet sont des notables, des gens faisant partie de la fraction privilégiée de la société. Cela peut expliquer en partie certains choix politiques fondés sur l’ignorance de ce que vivent la majorité des résident·e·s du Québec.

Un constat semblable peut être fait en ce qui a trait au logement et à la propriété. Une enquête du Journal de Montréal a montré que 28 des 31 ministres du gouvernement Legault sont propriétaires. C’est donc le cas de 90,3% d’entre eux et elles, alors que 59,9% des ménages du Québec sont propriétaires. La valeur du parc immobilier possédé par les ministres propriétaires du gouvernement Legault varie de 252 300$ à 5,6 millions de dollars et s’élève, en moyenne, à 1,6 million de dollars. À titre comparatif, la valeur moyenne des logements occupés par les ménages propriétaires au Québec est de 376 800$, selon le recensement de 2021. Quand on sait à quel point les ministres du gouvernement Legault sont plus choyé·e·s que la majorité en ce qui concerne leurs avoirs immobiliers, on peut comprendre que la crise du logement ne les atteigne pas. Le gouvernement Legault a d’ailleurs longtemps refusé de reconnaître l’existence même de la crise.

Se pourrait-il aussi que le gouvernement Legault se soucie peu de la crise du logement parce qu’il n’y voit pas d’intérêt électoral? Parmi les 89 député·e·s de la CAQ, seules deux députées ont été élues sur l’île de Montréal, alors même que Montréal compte 23% de la population du Québec et 37% des ménages locataires selon le recensement de Statistique Canada. La crise du logement touche d’abord et avant tout les ménages locataires. Or, bien que 40,1% des ménages du Québec soient locataires, le taux moyen de locataires dans les circonscriptions des députés·e·s caquistes est de 32,9%. En comparaison, il est de 51,3% dans les circonscriptions des député·e·s du Parti libéral du Québec et de 68,4% dans celles des député·e·s de Québec solidaire. On peut supposer que les élu·e·s de la CAQ sont moins à l’écoute des préoccupations des locataires parce qu’ils et elles représentent des circonscriptions où les ménages locataires sont moins nombreux. La députation caquiste a donc moins de chances d’être confrontée à la réalité des personnes qui ne possèdent pas de propriété. Pourtant, celles-ci sont souvent parmi les plus défavorisées. Elles devraient être pleinement prises en compte dans les politiques gouvernementales en matière de logement.

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