Fonds des générations : s’endetter pour des peanuts
1 avril 2015
La semaine dernière, le ministre des Finances était très fier d’annoncer le retour du Québec au déficit zéro. Pour l’occasion, il s’est bien gardé de faire la liste des compressions, des diminutions de service et des coupures d’emploi qui furent nécessaires à l’atteinte du Saint Graal budgétaire.
Aussi, jamais il n’a été question de l’absurdité qu’a pu être de verser, année après année, des sommes importantes dans le Fonds des générations pendant que les finances de l’État étaient dans le rouge.
Ce Fonds a été créé en 2006 afin de faire diminuer la dette du Québec. Son fonctionnement est simple : confier la gestion d’un portefeuille d’investissements à la Caisse de dépôt et placement et espérer de bons rendements. Le tout, sur papier, doit servir à rassurer les marchés financiers et les agences de notation : au Québec, le gouvernement prend le « problème » de l’endettement public au sérieux.
Creuser le déficit pour diminuer la dette
Le problème, c’est que depuis sa création, la majorité des versements au Fonds ont été financés à même des déficits budgétaires. Si on remonte au moment du premier versement, c’est 8 866 M$ qui furent ainsi redirigés du financement des services à la population vers le Fonds des générations. Pendant la même période, le gouvernement a enregistré un solde budgétaire négatif de 15 617 M$.
C’est donc 56,8 % de l’ensemble des déficits des dernières années qui aurait pu être évité simplement en cessant les versements ou en décaissant les sommes qui dorment dans le Fonds.
Versements au Fonds des générations et solde budgétaire, 2006-2007 – 2015-2016, en M$
Source : Budgets du Québec, 2006-2007 à 2015-2016.
Durant les six années où le retour à l’équilibre budgétaire a pris un tournant de franche austérité (2010-2011 à 2015-2016), les versements au Fonds des générations équivalent à 7 246 M$. Le tout en période de coupures et de restrictions.
Quand vous irez à l’hôpital et que vous trouverez des listes d’attente plus longues ou quand vous aurez la désagréable surprise de constater que les ressources destinées à épauler votre enfant souffrant d’un déficit d’attention n’existent plus; dites-vous que les générations futures vous remercient de votre sacrifice.
Versements au Fonds des générations et déficit budgétaire du Québec, en M$
Source : Budgets du Québec, 2006-2007 à 2015-2016.
Tout ça pour ça?
Est-ce que la stratégie en vaut la peine? Une analyse rapide – qui oui, je sais, gagnerait à être développée davantage – indique que non.
Pour 2014-2015, le Fonds des générations comptait 7 280 M$ en actif. La Caisse a réalisé avec cette somme des revenus de placement de 302 M$, pour un rendement de 4,1 %.
Comme il est raisonnable de considérer que 100 % de l’argent alloué au Fonds a simplement été financé à même les déficits, il faut se demander combien coûte en intérêts les emprunts gouvernementaux nécessaires à la constitution de cette cagnotte?
L’an dernier, le taux d’intérêt moyen de l’État pour ses emprunts s’élevait à 3,9 %.
C’est donc dire qu’en 2014-2015 les intérêts versés par l’État sur ses dettes qui lui ont permis de constituer le Fonds nous ont coûté 283,8 M$.
Tout ceci nous laisse alors avec un maigre 18,1 M$ en profit.
Il semble assez évident que les générations futures, au nom desquelles ce Fonds existe, bénéficieraient davantage de bons services publics.