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Fin de la crise du logement? Pas dans les régions ressources

27 juin 2013

  • Eve-Lyne Couturier

Qu’on se rassure. Il y a assez de logement pour tout le monde. Il semble bien que la crise soit une chose du passé. À Montréal et dans quelques régions de la province. Mais pas partout. En effet, la crise perdure de façon aigüe dans certaines villes du Québec. On pense ici à Rouyn-Noranda et Sept-Îles, où le taux d’inoccupation n’atteint même pas 1%. En plus d’avoir un taux anémique, ces deux centres régionaux ont un autre point en commun : ce sont des villes qui connaissent un certain « boom » économique lié aux ressources naturelles. Ainsi, ils connaissent présentement un afflux de travailleuses et de travailleurs qui viennent trouver un emploi pendant que le prix des ressources favorise leur extraction.

Ailleurs dans le monde, on assiste à des migrations similaires. Avec la découverte et l’exploitation du gaz de schiste en Pennsylvanie, les conséquences sur le marché du logement sont sans précédents. Au cours des dernières années, le coût des loyers a triplé dans certains comtés. La cause en est très simple : l’offre et la demande.  Alors que le nombre de logements disponibles est inférieur à la demande, le salaire de ceux et celles qui cherchent explose.

Le même phénomène se déroule au Dakota du Nord qui connaît un boom pétrolier. Même avec un salaire moyen de 98 000$, des gens dorment dans leur voiture ou dans des camps de travail rudimentaires. Il en résulte également pour plusieurs personnes habitant la région depuis longtemps une incapacité de pouvoir payer les prix demandés pour les logements locatifs privés. L’offre très limitée de logements sociaux n’aident pas à la situation. Les conditions sont les mêmes pour celles et ceux travaillant à l’extérieur de l’industrie pétrolière qui n’ont pas les moyens de suivre le prix du marché, dopé par les nouveaux hauts salaires. Par exemple, pour loger des enseignant·e·s, des écoles installent des maisons mobiles sur leur terrain, seul moyen de garantir un logement relativement décent pour une main-d’œuvre dont les revenus sont limités.

Bien que dépassant la simple question du logement, les booms miniers apportent leur lot de problèmes sur la gestion d’une ville, ne serait-ce que par l’augmentation du trafic routier et de la population (surtout masculine…) ou par l’insuffisance de réseaux électriques, d’aqueduc ou de collecte de déchets. Les services et les commerces de proximité manquent aussi à l’appel à court et moyen terme. Ainsi, pour attirer et retenir une population, il est nécessaire non seulement de développer des services de base (hôpitaux, écoles, etc.), mais également de chercher à diversifier l’offre commerciale et de divertissement.

Bien entendu, certains promoteurs immobiliers flairent la bonne affaire et se proposent de construire de nouvelles propriétés, ici comme chez nos voisins du sud. Cependant, plutôt que de s’assurer de diversifier le marché et de le rendre plus abordable pour l’ensemble de la population, c’est vers les nouveaux (et plus fortunés) résidents que l’on s’oriente. Pourtant, il s’agit de gens généralement plus mobiles, qui ne resteront sur place que tant que l’industrie nécessite leur force de travail, à preuve l’alternative qui se trouve dans la multiplication de camps de travail temporaires. Dans le cas de gaz et de pétrole de schiste, c’est l’installation initiale des puits qui est le plus exigeant en termes de ressources humaines. Une fois ce stade dépassé, les villages devenus villes retrouvent un certain calme, voyant se vider du même coup plusieurs propriétés trop chères pour celles et ceux qui n’ont pu se loger jusque-là. Il devient alors difficile pour les municipalités de structurer le développement des infrastructures et des services de façon durable.

Au-delà de la question environnementale et de la logique extractiviste du projet économique, voilà un des défis majeurs du boom minier que promet un Plan nord dont on attend encore le déploiement concret… En misant sur l’exploitation et l’exportation, on limite le développement régional aux dépens trop souvent d’une population locale qui souhaite plutôt une redynamisation autant culturelle qu’économique. En effet, une ville ou une région, ce n’est pas simplement des gens et du travail, c’est aussi une communauté et une culture et comment on y loge est central au sentiment d’appartenance.

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