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Des avions F-35 canadiens au lourd bilan environnemental

13 janvier 2023

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4min


Le gouvernement canadien a annoncé cette semaine l’achat de 88 avions de chasse F-35, une mesure de défense qui arriverait trop tard selon certains groupes conservateurs. Pourtant, Justin Trudeau avait fait la promesse en 2015 que le gouvernement libéral ne céderait pas à l’achat de ces avions militaires. En tant que puissantes armes de guerre, l’achat d’avions F-35 ne constitue pas une décision à prendre à la légère. Bien que tous les enjeux humains liés à la course à l’armement soient des plus importants, j’aimerais soulever ici un enjeu moins discuté: les conséquences environnementales de l’achat d’avions F-35. 

Le coût écologique des avions F-35

Il apparaît en effet contradictoire d’effectuer une transaction de la sorte alors que le Canada s’est engagé à atteindre la carboneutralité pour 2050. Pour rappel, la carboneutralité désigne le fait pour une économie d’émettre autant de tonnes de CO2 qu’elle en absorbe, menant ainsi à un bilan carbone nul. Bien qu’il soit tout à fait possible d’atteindre cet objectif, cela nécessite toutefois que le gouvernement aligne dès maintenant l’entièreté de ses décisions sur un budget carbone strictement limité. Au niveau mondial, le GIEC estime qu’il ne reste que 580 gigatonnes de CO2 à ce budget pour avoir seulement 50% de chances de respecter l’Accord de Paris. Le Canada émet présentement plus de 600 mégatonnes de CO2 par année. Afin d’atteindre la carboneutralité en 2050, il faudra réduire ces émissions de 40 à 45 % d’ici 2030, et de plus de 90% d’ici 2050. Dans ce contexte, il faudra bien réfléchir à comment nous souhaitons utiliser le budget carbone qu’il nous reste en tant que société.

Or, ces avions F-35 ont un lourd bilan carbone. Leur fabrication nécessite une grande quantité d’aluminium, en plus de plusieurs métaux rares tels le cobalt et le samarium. De plus, leur utilisation nécessite la combustion d’environ 5 600 litres de carburant par heure. L’utilisation d’un seul avion pendant une heure équivaut donc à faire le plein d’environ 119 voitures de marque Honda Civic. Remplir une seule fois le réservoir de ces 88 avions brûle 2 464 tonnes de CO2 de notre budget carbone. Cela constitue l’équivalent des émissions de CO2 annuelles de 164 Canadien·ne·s. On est donc bien loin de nos objectifs climatiques! Ce bilan carbone n’est qu’une estimation minimale, car il ne tient pas compte d’éléments parmi les plus importants pour mesurer l’empreinte écologique des F-35, mais dont l’information n’est pas disponible, soit l’énergie consommée lors de leur fabrication et de leur entretien, les émissions résultants du transport des matériaux nécessaires à leur fabrication, la matière et l’énergie nécessaires à la fabrication de leurs munitions (cet avion pouvant notamment transporter des armes nucléaires), la destruction matérielle et la contamination environnementale résultant des combats militaires dans lesquels ils sont impliqués, etc. 

La préparation à la guerre et la lutte contre la crise écologique: des combats à armes inégales

Afin d’atteindre la carboneutralité, il faudra à la fois investir dans des projets allant dans la direction de la transition écologique et retirer les fonds actuellement destinés aux projets fortement polluants. Or, le contrat pour l’acquisition des 88 avions F-35 représente le plus grand investissement militaire canadien depuis 30 ans. Il s’agit d’un investissement de 19 milliards de dollars, un montant qui grimpe à 70 milliards de dollars pour la durée complète du cycle de vie des appareils. À titre comparatif, 100 milliards de dollars ont été investis par le Canada depuis 2015 pour lutter contre les changements climatiques et pour protéger l’environnement. Plus spécifiquement, le dernier budget du gouvernement fédéral n’a accordé que 2,3 milliards de dollars à la protection de la nature et de la faune; 3,4 milliards de dollars au Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes et 319 millions de dollars pour stimuler le développement des technologies de captage, d’utilisation et de stockage du carbone. 

Les décisions économiques que nous prenons aujourd’hui sont décisives pour la trajectoire écologique future des sociétés. Celles-ci ont toujours des répercussions – positives ou négatives – sur notre précieux environnement. Le respect de l’Accord de Paris et l’atteinte de la carboneutralité nécessitent donc tout autant de repenser l’utilisation sociale des ressources naturelles que de décider collectivement à quoi sont destinés les investissements majeurs de notre économie.

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2 comments

  1. Vu la taille du Canada, un avion qui aurait un rôle d’intercepteur doit impérativement avoir un rayon d’action de bien plus plus de 2,000 Km. et celui du F35 n’est que de 1,000 Km.

    Un pays qui occupe un territoire de plus de 5,000 Km par 3,500Km doit avoir au minimum 18 bases des bases pour que ses F35 aient la capacité de couvrir tout le territoire. C’est moins de 5 F-35 par site en plus des 18 avions réservoirs pour faire le plein en vol.
    Cela implique aussi que certains lieus sont à plus d’une heure de vol de toute intervention en autant que le plein peut être fait en vol, le F-35 n’ayant une autonomie que de trois heures s’il reste en autour de MACH 0.75 (~900 Km/h), en subsonique.
    ATTENTION! En supposant 20,000 livres de fuel, un F-35 peut être supersonique (MACH 1.6 ou 2,000 Km/h) pendant seulement 13 minutes… Au détriment de sa peinture anti-radar qui ne supporte cette vitesse que pendant une minute. Son réservoir est donc à sec après avoir parcouru 433 Km.

    Selon le GIEC, la production de carbone est proportionnelle à la consommation d’énergie.
    Comme il est impossible de ne pas consommer d’énergie dans notre société, la carbo-neutralité est donc clairement un mythe!

  2. Merci de nous sensibiliser au coûts environnent aux de ces avions, coût que tait totalement nos medias

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