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Mise à jour économique fédérale: toujours pas de raison de s’inquiéter

1 décembre 2020

  • Guillaume Hébert

La ministre canadienne des Finances Chrystia Freeland présentait hier l’énoncé économique de l’automne, premier exercice budgétaire depuis la mise à jour économique de l’automne 2019 – et le premier pour celle qui a succédé à Bill Morneau cet été à ce poste-clé du gouvernement. Résultat: le déficit du gouvernement fédéral passe de 343 milliards de dollars à 382 milliards de dollars. Est-ce inquiétant ? Pas du tout, pour au moins trois raisons :

1. Malgré le déficit record, la dette publique du Canada demeure inférieure à ce qu’elle était dans les années 90.

2. Les taux d’intérêt sont au plancher et devraient le rester encore longtemps, ce qui permet de ne pas trop accroître le service de la dette, c’est-à-dire les paiements obligatoires qui doivent être effectués chaque année et qui ont un impact plus direct sur la marge de manœuvre budgétaire.

3. Même avec ce déficit, l’endettement du Canada demeure le plus bas, et de loin, parmi les pays du G7, notamment parce que tous les pays dépensent actuellement pour soutenir leur économie face aux effets de la pandémie.

Le gouvernement fédéral envisage même de faire passer le déficit de 17,5% du PIB à 0,9% du PIB en 2025-2026. Autrement dit, en 2025-2026, selon ces prévisions, le Canada sera assez proche du déficit zéro. De fait, le déficit sera tellement petit que la dette diminuera en proportion de la richesse produite.

***

Il s’en trouvera tout de même pour déchirer leur chemise en affirmant que le gouvernement n’en fait pas assez pour indiquer clairement ses intentions à l’égard du retour à l’équilibre budgétaire et qu’il doit brandir des « ancrages fiscaux » pour « rassurer les marchés financiers ».

Au vu de la situation financière du gouvernement, une telle posture ne peut relever que de la démagogie, du dogmatisme ou d’un mélange des deux. Ceux qui l’appuient ne se satisferont pas d’un minuscule déficit de 0,9% du PIB. Ils veulent absolument voir le chiffre « 0 », comme dans « déficit zéro ».

Pourquoi une telle insistance même si la différence de 0,9 point de pourcentage dont il est question – dans cinq ans de surcroît – n’est pas significative d’un point de vue strictement économique ou budgétaire?

Parce qu’il s’agit d’un symbole puissant. Le « déficit zéro » est une camisole de force idéologique que les néolibéraux sont en train de perdre. Or, ils ont besoin de cet outil pour étouffer les aspirations collectives et justifier les politiques d’austérité.

Par le fait même, la conjoncture rappelle avec force qu’un gouvernement ne gère pas le budget d’un État comme on gère celui d’une famille. Les deux exercices n’ont rien à voir, ne serait-ce que parce qu’au sein d’une famille, de façon générale, personne n’a le pouvoir de créer de l’argent et d’imposer une devise nationale au reste de la famille et au voisinage.

Notons par ailleurs qu’à force d’acheter des obligations gouvernementales, la Banque du Canada (la banque centrale) détient maintenant le tiers de la dette canadienne. L’État s’endette envers lui-même et tout porte à croire qu’une bonne partie de cette dette ne sera jamais remboursée.

Insistons : le budget d’un État n’a rien à voir avec celui d’un ménage.

***

Relativiser et dédramatiser l’état des finances publiques ne signifie pas pour autant que tout va bien dans le meilleur des mondes. Au contraire : nous traversons actuellement une combinaison de crises sociale, sanitaire et environnementale. Pour y répondre efficacement, les politiques budgétaires et fiscales doivent ainsi refléter ces priorités :

1. Prendre nos distances d’avec l’idéologie néolibérale qui nous a menés au bord du gouffre. Cela signifie, entre autres choses, abandonner le dogme du déficit zéro et repenser notre politique monétaire, c’est-à-dire le rôle de la banque centrale dans l’économie.

2. S’assurer que les sommes massives dépensées par le gouvernement fédéral ne créent pas de bulles financière ou immobilière (qui font gonfler d’autant les grosses fortunes), mais qu’elles servent plutôt à soutenir les populations, redistribuer la richesse et transformer l’économie afin qu’elle soit socialement juste et écologiquement soutenable.

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