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Mise à jour économique: les mesurettes d’Eric Girard

7 novembre 2023

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9min


Le gouvernement québécois présentait aujourd’hui sa mise à jour économique. Comme chaque automne, cet exercice permet au ministre des Finances de montrer comment évoluent les finances publiques québécoises depuis la présentation du budget au début de l’année. Le ministre en profite habituellement pour annoncer quelques mesures, ce qui explique pourquoi on désigne souvent une mise à jour économique comme un « mini-budget ».

Finances publiques

Or, les prévisions budgétaires du ministre des Finances n’ont guère évolué par rapport à son budget du mois de mars. Le déficit anticipé de 4 milliards de dollars s’est légèrement creusé, mais ne devrait pas changer par rapport à ce qui était prévu étant donné que le gouvernement a pu utiliser la marge de manœuvre que lui offre la « provision pour éventualité » pour absorber cette diminution. En effet, les revenus dépassent de 1,3 G$ les précédentes prévisions, mais les dépenses sont également supérieures de 2,5 G$ à ce qui était prévu en début d’année. Le gouvernement pigera alors 1 G$ dans sa marge de manœuvre pour combler l’écart. Dans un budget de 150 G$, il s’agit bien entendu de fluctuations mineures.

Pour se donner une meilleure perspective sur l’évolution du budget du Québec, on peut comparer l’évolution des revenus et dépenses du gouvernement depuis quelques années. Au graphique 1, la courbe bleue indique l’évolution des revenus et la rose celle des dépenses. L’IRIS met de l’avant comme à l’habitude les données avant versement au Fonds des générations pour avoir un meilleur portrait de l’état des finances publiques. 

Avant que la pandémie ne frappe, rappelons que le gouvernement québécois accumulait des surplus budgétaires d’année en année. En 2020-2021, les revenus ont chuté en raison de la crise sanitaire, mais – fait remarquable –, les revenus étaient à nouveau supérieurs aux dépenses dès l’exercice 2021-2022 et le gouvernement dégageait un surplus lié aux activités (revenus - dépenses (incluant le service de la dette)) de 2,6 G$. L’impact de la pandémie a donc été limité pour les finances publiques du Québec si on considère l’ampleur et la durée du choc, et d’autant plus si on les compare à la situation budgétaire du gouvernement fédéral qui lui est massivement intervenu pour éviter l’effondrement de l’économie canadienne en 2020.

En 2022-2023, le budget québécois est revenu en zone déficitaire (- 3 G$) et pour le présent exercice (2023-2024), le déficit lié aux activités ne devrait plus être que de 1,3 G$ (ou 4 G$ si on ajoute les versements de 2,2 G$ au Fonds des générations et la provision pour éventualité de 0,5 G$). Malgré le ralentissement économique et la possible récession, le gouvernement compte renouer avec l’équilibre budgétaire (après les versements au Fonds des générations) en 2026-2027. 

En somme, étant donné la petitesse des déficits, l’ampleur des surplus cumulés avant la pandémie, les politiques d’austérité, la faiblesse relative des interventions du Québec pendant la pandémie et, en résumé, l’approche globalement très conservatrice des finances publiques des gouvernements successifs, la dette québécoise continue de se résorber malgré les aléas de l’économie mondiale.

Source : Gouvernement du Québec, Le point sur la situation économique et financière du Québec, Automne 2023, p. E.10.

Indexation du régime fiscal et prestations sociales

Depuis 2002, le régime fiscal québécois est indexé automatiquement. Les prestations ou les paliers d’impôt par exemple sont ajustés en fonction de l’inflation de l’année précédente. Après une indexation record de 6,44 % en 2023, elle sera de 5,08 % en 2024, ce qui augmentera les dépenses de près de 2 G$.

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il ne s’agit pas d’une mesure adoptée par le gouvernement (comme l’était par exemple le « bouclier anti-inflation » ou les baisses d’impôt dans le dernier budget) mais d’un mécanisme automatique. Il faut noter par ailleurs que bien que le 5 % d’augmentation cette année est supérieur au niveau anticipé pour 2024 (2,71%), les ajustements de 2021 (1,26 %) et de 2022 (2,64 %) avaient été bien inférieurs à l’évolution des prix (respectivement 3,77 % et 6,68 %).

En vertu de ces ajustements, le montant versé en assistance sociale sera accru de 146 M$ et se traduira par une augmentation de 444 $ des prestations de bases reçues par les personnes seules, amenant donc celles-ci à 9 144 $ (p. B9). Malgré cette augmentation, la prestation de base d’assistance sociale ne représentera toujours qu’une fraction du revenu viable nécessaire pour une personne seule au Québec. Par exemple, une personne seule vivant à Montréal ne recevrait que 28% du montant nécessaire pour atteindre le revenu viable, soit 32 252$ en 2023. 

Autre signe que le gouvernement fait le minimum pour les personnes vulnérables, afin de « Favoriser la sécurité alimentaire des personnes et des familles », 20,8M$ sont alloués ponctuellement en 2023-2024 à 5 organismes oeuvrant dans le domaine de l’aide alimentaire. Or, l’un de ses organismes, soit le réseau des Banques alimentaires du Québec, évaluait à 18M$ le montant dont il aurait, à lui seul, besoin pour maintenir ses services jusqu’à la fin de l’année.

Logement

1,8G$ supplémentaires seront consacrés au logement d’ici 2027-2028, mais seulement 219M$ en 2023-2024 (p. B17). Concrètement, ces sommes serviront à « réaliser 7 500 nouvelles unités dans le cadre du Programme d’habitation abordable Québec [PHAQ] et du partenariat avec les fonds fiscalisés » et « 500 logements pour les personnes en situation d’itinérance ». Cette année, 210M$ vont au logement dit « abordable ». Comment le gouvernement le définit? Les logements construits dans le cadre du PHAQ « [doivent] être offerts à un loyer maximum fixé par la Société d’habitation du Québec (SHQ) correspondant environ au loyer médian ». Le problème, c’est que le loyer médian ne peut plus être considéré comme « abordable » étant donné les hausses survenues dans les dernières années. 

Il aurait été préférable d’investir autant, sinon plus, dans le logement social, puisque c’est ce type de logement qui est le plus à même de venir en aide aux ménages à faible revenu. Or, rien n’est prévu pour ce créneau cette année, tandis que les sommes prévues pour la construction de logements pour personnes en situation d’itinérance ne commenceront à être dépensées qu’en 2025-26. Le logement est pourtant un pilier de la lutte contre l’itinérance. Quant à la bonification du programme de supplément au loyer, elle ne se réalisera qu’à partir de 2025-2026, alors que bien des ménages ressentent encore fortement l’effet de l’inflation des deux dernières années. En matière de logement, le gouvernement Legault rate toujours la cible, car il se refuse à considérer le fait de se loger comme un besoin essentiel qui doit être protégé des impératifs du marché.

Environnement

Une somme additionnelle de 114,9M$ (292,1M$ d’ici 2027-2028) est consacrée à l’adaptation aux changements climatiques (p. B41). Si cette mesure est essentielle pour appuyer les municipalités qui subissent de plein fouet les conséquences de la crise climatique, le soutien du gouvernement n’est pas à la hauteur des besoins. Une étude commandée par l’Union des municipalités du Québec estimait qu’ils s’élevaient à 20G$ pour la prochaine décennie.

En outre, le soutien insuffisant offert à ces mêmes municipalités pour entretenir et développer leur réseau de transport en commun témoigne du refus du gouvernement d’agir sur la racine du problème (plutôt que simplement sur ces conséquences). Le soutien au transport collectif se limite en effet à une contribution additionnelle de 265M$ pour 2023-2024 (p. B46), soit un montant équivalant à environ 60% seulement du déficit des sociétés de transport collectif du Québec pour l’année 2024. En abandonnant les villes dans le domaine qui émet le plus de gaz à effet de serre au Québec, le transport, le gouvernement mine sérieusement toute velléité de voir une véritable transition écologique prendre forme au Québec.

Main-d’oeuvre

L’annonce de la création de formations accélérées pour certaines professions du secteur de la construction en manque de main-d’œuvre est inquiétante étant donné les enjeux de sécurité qu’une telle réduction des exigences soulève (p. B35). Cette stratégie, qui a cours aussi dans d’autres domaines dont celui de l’éducation ou de la santé, apparaît comme une solution insuffisante qui évite de s’attaquer aux conditions de travail dans les secteurs où le nombre de postes vacants demeure élevé. 

À cet égard, les mesures visant à « Soutenir l’attractivité du réseau public de la santé et des services sociaux » (p. B36) qui sont mises de l’avant dans la mise à jour économique avaient déjà été annoncées il y a quelques mois. Pendant ce temps, le gouvernement refuse d’acquiescer aux demandes des employé·e·s du secteur public en vue du renouvellement de leurs conventions collectives.

***

En somme, le gouvernement de François Legault continue sur la voie d’un conservatisme fiscal qui, en période de crises multiples, apparaît comme tout sauf prudent. Le premier ministre se désolait de voir sa cote de popularité diminuer et attribuait cette détérioration au contexte d’inflation qui place plusieurs ménages dans une situation financière difficile. Mais en étant une fois de plus particulièrement passif face à la situation du logement ou du transport, François Legault réunit les conditions pour s’attirer les foudres de ceux et celles qui croyaient voir en lui cette figure politique responsable.

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2 comments

  1. Merci pour les précisions de votre article sur l’évolution des déficits( malgré pandémie) et de la dette sur PIB. La prudence budgétaire n’est pas opportune; compte tenu de CETTE situation relativement bonne, et compte tenu des besoins de certains secteurs, une bonification des conditions de travail devrait être priorisée pour améliorer les services publics dont les enfants et les malades ont besoin.

  2. La garantie d’accès aux biens premiers doit exister.
    Cela exige la destruction à tout jamais du pouvoir des banques privées de créer et d’utiliser l’argent-dette, ce qui détruira l’inflation.
    Il y a aussi la nécessité d’exclure le logement familial et l’alimentation de toute forme de spéculation. Dans ce sens, taxer sévèrement la spéculation serait une option possible.
    Il faut aussi s’assurer que, là ou le public est actif, le privé ne saurait bénéficier d’aucune forme d’aide que ce soit de l’état. Pas question de subventionner un concurrent.

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