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Budget fédéral : demi-mesures et demi-teintes

17 avril 2024

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4min

  • Maxim Fortin

Le budget déposé hier par la ministre Freeland montre que le gouvernement libéral a pris conscience du défi électoral qui l’attend cet automne, mais pas nécessairement de l’ampleur des défis sociaux, économiques et environnementaux auxquels sont confrontés les Canadiens et Canadiennes. Ce budget offre un florilège de demi-mesures, bénéfiques pour plusieurs segments de la population, mais globalement insuffisantes et trop peu ambitieuses. 

Prévoyant des revenus de 497,8 G$ et des dépenses de 537,6 G$, ce budget soulève déjà les critiques des tenants du conservatisme fiscal étant donné son déficit annoncé de 39,8 G$. Pourtant, la dette du Canada en proportion de son PIB demeure la plus faible de tous les États du G7. La situation du Canada est d’ailleurs loin d’être alarmante, car sa moyenne d’endettement n’atteint que 15 %. Le dernier exercice financier permet même un recul de la dette fédérale relative au PIB.

Une mesure phare de ce budget est la hausse de l’imposition des gains en capital. Ceux supérieurs à 250 000$ seront imposés à 66 % pour les particuliers et les entreprises. Potentiellement, cette mesure peut générer des revenus fédéraux supplémentaires d’environ 4 milliards de dollars par année. Bien que cette initiative aille dans le sens d’une plus grande équité fiscale, celle-ci apparaît comme un rattrapage nécessaire qui survient après des années de mesures fiscales régressives. Par ailleurs, rien n’a été annoncé quant à la lutte à l’évasion fiscale et à l’évitement fiscal des grandes fortunes et des grandes entreprises. 

Face à la crise du logement qui fait rage, le gouvernement a annoncé une série de mesures dont l’utilisation de terrains fédéraux pour la construction de nouveaux logements et la transformation d’immeubles fédéraux en foyers d’habitation. Les mesures annoncées apparaissent intéressantes, mais il est inquiétant de constater que le développement du logement social hors marché demeure le parent pauvre des programmes fédéraux de logement. Il faut aussi se questionner sur l’impact réel des mesures destinées à faciliter l’accès à la propriété. En faisant augmenter la demande, ne pourraient-elles pas contribuer à surchauffer le marché immobilier et à, ironiquement, aggraver la situation en provoquant une hausse des prix?    

Le budget 2024 annonce en outre un investissement d’un milliard de dollars sur cinq ans pour mettre en place un programme d’alimentation scolaire en collaboration avec les provinces et les territoires. Or, une étude publiée par l’IRIS en août 2023 montrait qu’au Québec seulement, un programme d’alimentation scolaire universel coûterait 1,7 milliard de dollars par année. Il faudrait donc des investissements d’environ 7,4 milliards de dollars par année pour étendre ce programme à l’échelle du Canada. Avec les annonces effectuées aujourd’hui, on est donc très loin du compte.

Le dernier budget concrétise aussi la mise en place d’un régime national d’assurance médicaments. Dans sa première phase, ce régime couvrira les frais associés aux moyens de contraception et aux médicaments pour le diabète. On peut s’interroger sur le fait que le gouvernement ne donne aucune indication sur l’échéancier et le budget prévus pour le plein déploiement d’un programme qui couvrirait l’ensemble des médicaments, lequel constituerait une avancée indéniable. En effet, le Canada est le seul pays riche doté d’une assurance-maladie qui n’inclut pas l’assurance médicaments. De plus, après la Suisse et les États-Unis, le Canada est le pays de l’OCDE où les prix sont les plus élevés. L’assurance médicaments publique permettra donc aux Canadiens et aux Canadiennes d’épargner en frais de médicaments et aux ménages les plus pauvres d’éviter d’avoir à couper dans leurs dépenses essentielles pour pouvoir payer leurs prescriptions.

En matière d’environnement, ce budget est une grande déception. Étonnamment, le transport en commun n’obtient aucun financement supplémentaire. Et sur le plan de la consommation énergétique, le gouvernement revoit à la baisse les programmes et incitatifs à l’amélioration de l’efficacité énergétique des résidences au pays. Pourtant,   une étude d’un centre de recherche affilié à l’Université Carleton estimait en 2021 que le Canada devrait investir entre 20 et 40 milliards de dollars annuellement pour améliorer l’efficacité énergétique de ses bâtiments et ainsi diminuer substantiellement la consommation d’énergie au Canada.

Enfin, le budget total de la Défense nationale continue d’augmenter et atteindra 44,2 milliards de dollars en 2025-2026, soit plus du double des dépenses de 2015-2016 (18,7 milliards de dollars). Les dépenses militaires canadiennes nous privent de sommes qui pourraient être investies ailleurs, comme dans des programmes qui amélioreraient le sort des citoyennes et des citoyens ou qui soutiendraient la transition écologique. 

En somme, que ce soit par son progressisme fiscal timide, sa stratégie sur le logement minimisant le rôle du logement hors marché, son programme d’alimentation scolaire non universel ou son régime d’assurance médicaments incomplet, ce budget en est un de demi-mesures.

Ce billet est d’abord paru sous forme de lettre dans l’édition du 17 avril 2024 du Devoir.

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1 comment

  1. La dette publique:
    Le fédéral économiserait, à lui seul, près de 54,000,000,000$ par année s’il empruntait sans intérêt à “sa” banque: la banque centrale du Canada.

    Fiscalité:
    Pourquoi le gain en capital et-il moins taxé que le revenu d’emploi alors que l’inverse est logique?
    Cessons de taxer la sueur!
    Taxons la spéculation!
    En prime, ça mettra du plomb dans l’aile de l’inflation.

    Logement:
    L’établissement de ce que sont les “biens premiers” et leur mise à l’abri de la spéculation serait un véritable premier pas en y incluant le logement familial.

    Alimentation:
    Il n’y a pas que les enfants qui mangent.
    Un programme qui offrirait des revenus bonifiéa aux agriculteurs aurait un effet positif sur le panier à provision de tout le monde.

    Santé:
    Que le fédéral enlève ses doigts de là. C’est une compétence exclusive provinciale. Au mieux, qu’il réduise les impôts fédéraux afin que les provinces puissent avoir les moyens de monter elles-même leur programmes de santé selon leurs critères.

    Environnement:
    Un autre cas ou le fédéral devrait réduire ses impôts pour permettre aux provinces de développer un programme d’économie énergétique approprié à la réalité de chacune. Des programmes d’isolation des maisons et de développement technologique entourant les chauffe-eaux aurait un effet plus important que construire 10 Manic5.

    Défense:
    Sujet difficile à traiter car on se retrouve avec une épée de Damoclès.
    Pour le résoudre, je propose la position suivante: Ou bien on se paye une armée à nous, ou bien on paye pour une armée étrangère. Voila pourquoi le service militaire devrait être obligatoire pour quiconque atteint l’âge de 18 ans et il durerait 3 ans. La police municipale, la GRC et les services de renseignements devraient probablement être absorbés par l’armée.

    Conclusion:
    Toute mesure qui ne déclare pas et/ou ne protège pas la souveraineté nationale n’a aucune valeur.
    Viser l’indépendance manufacturière, alimentaire et militaire sont des objectifs primordiaux.
    Chaque province, ayant des défis différents à surmonter, tout programme national est voué à l’échec.