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Pour ou contre la technologie en agriculture?

6 novembre 2023

Lecture

4min

  • ML
    Maxime Laplante

Le recours à la technologie dans le domaine agricole ne date pas d’hier et a toujours eu pour objectif l’amélioration de la condition humaine, et ce, de multiples façons : alléger le travail, mieux utiliser les ressources, augmenter le revenu net des productrices et des producteurs agricoles, améliorer la productivité, réduire les dépenses, améliorer les outils, sélectionner certaines variétés végétales et effectuer des croisements entre animaux, etc. Les anciens agriculteurs et agricultrices étaient aussi amateurs de technologie. Même avec les chevaux aux champs, les gens ont amélioré constamment leurs techniques de production.

Il ne s’agit donc pas de savoir si on est pour ou contre la technologie. La question essentielle est de savoir si la technologie contribue à l’autonomie de la ferme et à sa santé financière.

Pour ce faire, il semble pertinent d’observer l’évolution du revenu des entreprises agricoles au Canada. Tiré d’une étude du National Farmers Union (NFU, une association agricole canadienne présente partout au Canada sauf au Québec), le premier graphique présenté met en concordance la progression du revenu brut des fermes canadiennes et celle du revenu net depuis près d’un siècle.

Source: Dave Simms, « Incomes, debt have farmers seeing red », CBC, 14 juin 2010.

De façon très visible, il appert que si le revenu brut a nettement progressé, la courbe du revenu net a chuté, au point de se trouver sous la ligne de flottaison, soit dans le rouge. Évidemment, ce sont des valeurs moyennes, mais la tendance est éloquente. Ainsi, entre 1947 et 2002, le revenu brut par ferme est passé de 30 000$ à près de 140 000$. Pendant la même période, le revenu net a dégringolé, allant de près de 20 000$ à moins 14 000$, ce qui représente un déficit. On peut donc se demander comment les entreprises s’en sortent financièrement. Les subventions agricoles, depuis des décennies, comblent cette différence.

Le même graphique apporte de nouvelles informations lorsqu’on y ajoute les dates d’apparition et d’utilisation répandue de nouvelles technologies telles que le tracteur, le tracteur à 4 roues motrices, les pesticides, le drainage souterrain et la moissonneuse-batteuse. À chacune de ces apparitions correspond une hausse du volume de production, donc du revenu brut, mais aussi de l’endettement, entraînant une baisse du revenu net.

Source: Dave Simms, « Incomes, debt have farmers seeing red », CBC, 14 juin 2010.

Les données colligées par le NFU remontant au début des années 2000, on peut se demander si la situation a changé depuis. Sur la base des renseignements provenant de Statistique Canada, le NFU a publié en 2020 le graphique suivant, faisant état de l’équilibre entre le revenu brut et le revenu net des fermes canadiennes.

Source: Statistique Canada, tiré de NFU, Envisioning a Post-Pandemic Agriculture
and Food System, juillet 2020, vol. 68, no 2.

On remarque encore ici que le chiffre d’affaires augmente (troisième colonne) mais que les paiements gouvernementaux (seconde colonne) égalisent ou dépassent le revenu net (première colonne). Le revenu net réalisé inclut les programmes de soutien comme l’assurance récolte, AgriInvest, Agri-stabilité et les programmes provinciaux de paiements.

On constate donc que, de façon générale, les fermes canadiennes dépendent largement des subventions. Les programmes de soutien étant largement liés au volume de production ou à la surface cultivée, il s’ensuit une course à la croissance de la taille des entreprises, rendant incontournable le recours à la technologie pour être en mesure de gérer de plus grandes surfaces ou de plus grands cheptels. Cette technologie, parce qu’elle s’avère coûteuse, devient un facteur d’endettement et de baisse du revenu net, puis rend nécessaires de nouvelles subventions, créant ainsi un cercle vicieux et dispendieux. Autre conséquence de cette situation, une dépendance accrue des fermes envers les subventions, ainsi que d’une foule d’intervenants extérieurs à l’entreprise pour effectuer les réparations, mesurer la production en vue de remplir les formulaires de demande de subvention, assurer le financement, payer les fournisseurs et les consultants…

Et la tendance se maintient. Dans les dernières années, le gouvernement a encouragé financièrement le recours à de nouvelles technologies, comme la robotisation, les cultures OGM, les systèmes de guidage par GPS, la serriculture de grande surface, etc. Ce faisant, il y a fort à parier que le clivage entre les deux formes de revenu ira en augmentant.

Le soutien financier du gouvernement envers l’agriculture pourrait se défendre à la rigueur s’il était lié d’une quelconque façon à l’approvisionnement de la population du Québec en nourriture ou à la création d’emploi en milieu rural. Ce n’est malheureusement pas le cas. On peut donc se demander quel est le bienfait de ce soutien pour notre société.

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7 comments

  1. Merci pour la démonstration. Quelle est l’alternative? Abandonner l’idée d’une production agricole québécoise? Soutenir une agriculture moins technologivore?

  2. Le soutien financier du gouvernement envers l’agriculture pourrait se défendre à la rigueur s’il était lié… aux bonnes pratiques agricoles et à la santé du sol.

  3. Rien de toutes les mesures fiscales aide réellement les fermiers.
    On assiste depuis plus de 200 ans à une migration des campagnes vers le désert alimentaire que sont les villes.
    Jamais autant de gens ont dépendu d’aussi peu d’entre-eux.
    Un tel déséquilibre est annonceur de calamités sans nom.

  4. Agriculture régénération c’est inclure le coût environnemental d’une préservation des sols et même plus de sa valorisation.tout en produisant des denrées. Bâtir un sol fertile est autant valable que l’apport de production de denrées localement et de créer des emplois à la campagne. . Mon prix de vente doit inclure une taxe carbone du fait que vous ne participez pas à la proruction alimentaire, le parent pauvre des activités economiques

  5. Ce petit mot pour se demander s’il est vraiment pertinent de compter dans un seul et même ensemble des technologies comme “le tracteur, le tracteur à 4 roues motrices, les pesticides, le drainage souterrain et la moissonneuse-batteuse”. Je pense évidemment aux pesticides. Le bilan social global et donc économique entendu au sens large est-il positif ? Il me semble que dans les calculs économiques, il serait important de mentionner les dégâts écologiques.

  6. c’est tres regretable que le consommateurs ne puisse pas retrouver ces aides a interieur de son panier epicerie Quel est la soulution

  7. Les programmes gouvernementaux sont en bonne partie responsables de cet état de faits. Pourtant on en minimise les conséquences. Le cas du porc et des multiples “sauvetages” qui ont mobilisé des injections considérables de fonds publics en montrent l’ampleur. Or cette expansion sans précédent, associée à l’explosion des “grandes cultures” depuis 40 ans, n’aurait pu s’opérer sans des programmes comme l’ASRA. Patrick Mundler et Guy Debailleul, dans un ouvrage paru aux éditions de l’Université Laval ( L’éthique du hamburger), ont mis en évidence le rôle des programmes gouvernementaux dans les dérives d’une agriculture, pourtant, de plus en plus high tech. À quelles fins se sert-on de la technologie ?

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