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Quel est le vôtre ? Quatre comportements face à la crise climatique

15 octobre 2018

  • Guillaume Hébert

Malgré Donald Trump, malgré Doug Ford, l’inquiétude vis-à-vis des changements climatiques atteint une ampleur inédite. Les canicules à répétition semblent avoir rendu soudainement plus concret l’enjeu environnemental que des militant-e-s se tuent à faire prendre au sérieux depuis des dizaines d’années. Cet éveil force notamment des journalistes et des politiciens à prendre position et ils le font de quatre façons différentes.

Elle semble révolue l’époque où la question environnementale pouvait être tenue en marge des débats de société. La publication du dernier rapport du GIEC a fait les manchettes partout à travers le monde et la remise du prix de la Banque de Suède à la mémoire d’Alfred Nobel – une récompense qui exprime un peu l’air du temps – a été remise à deux économistes considérés comme des précurseurs en la matière. Mais tous n’adoptent pas une attitude cohérente avec l’ampleur des défis auquel l’humanité est confrontée.

1) Le déni

Les climatosceptiques sont une espèce vouée à disparition, même s’il en reste un spécimen encombrant à la Maison-Blanche et qu’un autre a été récemment élu premier ministre de l’Ontario. Mais la pression et les faits qu’ils s’emploient à nier finiront par les rattraper. Même François Legault qui a réussi à se faire élire à la tête du gouvernement québécois sans aucune vision sur les enjeux environnementaux affirme vouloir « étudier attentivement les conclusions » du dernier rapport du GIEC. Il y a quelques années à peine, un rapport de scientifiques sur le climat n’aurait sans doute pas entraîné, moins de 24 heures après sa publication, une réaction du premier ministre désigné du Québec. Reste maintenant à déterminer quelle sera la réaction de ceux qui se campent encore dans le déni le jour où le ciel leur tombera sur la tête.

2) L’hypocrisie

Le premier ministre Justin Trudeau s’est rendu célèbre entre autres grâce à ses prises de position remarquées lors de la signature des Accords de Paris sur le climat, que plusieurs voyaient alors comme une avancée. Mais sur cet enjeu plus que tous les autres, le gouvernement libéral aura tôt fait de montrer sa faiblesse et abdiquera devant l’industrie des hydrocarbures. Devant les pétrolières au Texas, il déclare l’année dernière « qu’aucun pays ne laisserait sous le sol 173 milliards barils de pétrole ». Il ira jusqu’à racheter à Kinder Morgan, pour le construire lui-même, un pipeline combattu avec acharnements par les militant-e-s écologistes. La ministre McKenna avait l’impertinence de saluer cette semaine le rapport du GIEC comme si son gouvernement n’était pas en pleine dissonance cognitive sur les questions environnementales. Pour d’autres, comme Bill McKibben, que certains présentent comme l’environnementaliste le plus influent des États-Unis, c’est carrément l’hypocrisie qui caractérise le comportement du premier ministre canadien.

Il faut classer dans la même catégorie les grands médias libéraux comme The Economist ou le New York Times qui n’hésitent plus à publier des articles catastrophistes sur l’impact des changements climatiques, mais qui échouent à indiquer comment notre modèle économique est intrinsèquement lié aux désastres qui se multiplient. Le New York Times Magazine a publié en août une édition exclusivement dédiée à la façon dont, dans les années 80, des scientifiques qui sonnaient l’alarme relativement aux dangers du réchauffement de la planète ont été marginalisés et que cet épisode nous a fait perdre du temps précieux. Mais alors que l’auteur semble d’avis que le problème réside dans la « nature humaine », d’autres ont signalé comment le travail de ces scientifiques agissant pour l’intérêt collectif a plutôt été tenu en échec par les promoteurs d’un durcissement du capitalisme qui sert l’intérêt des minorités les plus riches et de leurs grandes firmes privées. À l’heure où les changements climatiques deviennent finalement une préoccupation à grande échelle, il faut cesser de perdre du temps et identifier la véritable source des problèmes qui accablent les peuples et les écosystèmes.

3) L’abandon

Le chroniqueur Patrick Lagacé de La Presse s’est fait le porte-étendard au Québec de cet autre comportement vis-à-vis des changements climatiques. Dans deux chroniques, il a expliqué qu’il ne traite pas de la question des changements climatiques parce qu’il est d’avis que rien ne peut être fait. Venant d’un pauvre diable attablé dans une taverne, on pourrait comprendre, mais venant d’un des chroniqueurs les plus lus (et donc les plus influents) au Québec, on peut craindre l’effet d’une telle désinvolture. Comme on peut déplorer que les grands médias n’aient pas accordé plus tôt l’attention appropriée aux recherches qui s’accumulaient en démontrant l’étendue du problème.

Peu avant Lagacé, le ministre de l’Environnement de France Nicolas Hulot démissionnait en direct à la radio. Il s’est aperçu que passer son temps à rencontrer les lobbyistes de grandes entreprises polluantes était vain. On ne sait pas trop comment celui qui s’était laissé désirer si longtemps en politique française peut se surprendre de son échec après avoir opté pour un parti politique néolibéral – celui du président Emmanuel Macron – et donc incapable d’une critique systémique autre que celle qui mène les gouvernements à couper davantage les services et précariser davantage les travailleuses et les travailleurs. Hulot aura donc montré une fois de plus comment certains écologistes sont politiquement ineptes. Heureusement, il y a aussi d’autres écologistes.

4) La critique systémique

L’un des esprits les plus brillants de notre époque s’appelle Naomi Klein. Née à Montréal, cette auteure canadienne s’est fait connaître avec un ouvrage classique sur la place des marques dans l’économie globale puis a décrypté la stratégie des élites d’affaires qui manient les crises en tout genre pour faire progresser leurs intérêts. Récemment, Klein s’est lancée dans une nouvelle bataille en publiant « Tout peut changer », un ouvrage dont la thèse avance que rien ne peut être fait contre la crise climatique sans dépassement du modèle économique capitaliste. Pourquoi ? Parce que sans la consommation à outrance qui rend nécessaire l’extraction toujours plus dévastatrice de ressources naturelles – notamment d’énergies fossiles – , ce système s’enlise et entre en crise. Le capitalisme s’est souvent adapté en protégeant l’intérêt d’une minorité mais les limites planétaires montrent maintenant l’incohérence du dogme de la croissance infinie. Le modèle économique est en quelque sorte cerné par les différentes crises et il faut désormais se doter d’un meilleur système dans le cadre duquel la préservation des écosystèmes et de la solidarité humaine ne sont jamais subordonnée à d’autres intérêts.

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