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Politique énergétique : Hydro-Québec prend tous les risques

13 avril 2016

  • Bertrand Schepper

Ce jeudi, le gouvernement du Québec présentait sa nouvelle politique énergétique 2020-2030. Elle se décline en 5 points majeurs que je commente ici-bas.

1-AMÉLIORER de 15 % l’efficacité avec laquelle l’énergie est utilisée

Une diminution de 1 % par année de la consommation est certainement impressionnante, cependant cela est loin d’être le Klondike. Pour vous donner une idée, en 2012 (données les plus récentes), les mesures d’efficacité énergétique, en excluant le transport, représentaient 1190 PJ (million de milliards de joules(p.16)). Pour la même année, les programmes en efficacité énergétique des différents distributeurs avaient atteint des diminutions de la consommation de 0,67% grâce aux différents programmes d’efficacité énergétique (p.21, calcul de l’auteur). On n’était déjà pas trop loin du compte. D’autre part, le potentiel technicoéconomique, c’est-à-dire la capacité d’améliorer les économies d’énergie pour Hydro-Québec (p.4) et Gaz Métro (p.6 et 62, calcul de l’auteur) représentaient une hausse d’économie d’énergie pouvant monter jusqu’à 24% et 12,7 % allant au plus loin en 2020. C’est pourquoi des économies de 1 % annuellement sur la période de 2015 à 2030 semblent facilement atteignables.

Pour financer une bonne part de ces programmes, la nouvelle politique énergétique vante ses investissements de 4 G$ sur 15 ans (p.29) pour centraliser l’administration des programmes d’efficacité énergétique pour les consommateurs. Or, cela représente environ 267 M$ annuellement, ce qui est loin d’être une panacée. À titre indicatif, la gestion des programmes d’efficacité énergétique en 2012 avait coûté 275 M$ (p.20). Bref, bien qu’on ait beaucoup insisté sur l’amélioration de l’efficacité énergétique, il s’agit de continuer la « business as usual ».

2-RÉDUIRE de 40 % la quantité de produits pétroliers consommés et 3. AUGMENTER de 25 % la production totale d’énergies renouvelables

Voici l’objectif le plus ambitieux. Le gouvernement compte compenser la diminution des produits pétroliers par l’augmentation de la production d’électricité et le gaz naturel liquéfié (GNL) pour les camions lourds.

Le nœud de la réussite de cet objectif passe par le soutien à l’achat de voitures électriques. Le gouvernement prévoit que 1 000 000 de véhicules légers seront électriques d’ici 2030 (p.41). C’est un pari risqué. Tout d’abord, car les véhicules électriques ne sont pas construits sur le territoire et que la subvention accordée par le gouvernement pour faciliter l’achat passera directement des impôts des contribuables à des constructeurs étrangers. Cela va participer à plomber notre balance commerciale qui est déjà dopée à la voiture et que les résultats environnementaux de la voiture électrique restent encore à prouver. Privilégier le transport en commun est plus intéressant économiquement puisque déjà plusieurs producteurs d’autobus et de métro sont présents sur le territoire.

Produire plus d’électricité pourrait signifier une augmentation des surplus hydro-électriques qui auront déjà coûté au moins 7,9 G$ en 21 ans aux Québécois·e·s. Surtout si finalement le prix des voitures électriques est une barrière à l’entrée trop importante pour les consommateurs. Si les voitures électriques n’inondent pas le marché (le gouvernement espère 20 % de la flotte), on pourrait être pris avec une consommation d’hydrocarbures plus élevée que nos objectifs et des surplus électriques non utilisés.

Pour éviter cette situation, le gouvernement espère réussir à augmenter ses exportations dans le reste du Canada et ailleurs dans le monde. Il s’agit d’un pari risqué puisque la production des minicentrales électriques et des éoliennes coûtent au moins 7 ¢/kWh alors que le prix de vente sur les marchés était jusqu’à récemment de 3 ¢/kWh. Cela s’explique par l’incapacité à vendre de l’électricité à ses partenaires commerciaux. Bien que les prix d’exportations aient connu une légère hausse depuis, ils se tiennent autour 6 ¢/kWh. On ne peut garantir la pérennité de cette stratégie à long terme.

Il y’a bien sûr des opportunités en Ontario, mais cela ne règlera pas tout. Idéalement cette situation sera amoindrie par les recherches sur la technologie de stockage de grande puissance qui pourra à moyen ou long terme faciliter la gestion de la demande à la pointe. Cette technologie que l’on peut comparer à une gigantesque batterie capable de fournir l’équivalent de 23 maisons pendant 24 heures permettra certainement de diminuer la demande à la pointe et favoriser l’exportation, mais c’est un peu trop espérer de ce projet pilote. Bref, le pari de la hausse de la production est donc risqué.

4. ÉLIMINER l’utilisation du charbon thermique

Ceci est un non-objectif, cette énergie polluante et de moins en moins accessible sur le territoire représente 0,7 % (p.16) du marché, une transition vers d’autres énergies sur 15 ans est inévitable.

5. AUGMENTER de 50 % la production de bioénergie

La biomasse est de l’énergie tirée de matière organique, au Québec principalement des résidus de bois. Cette augmentation reste de petite ampleur (présentement la bioénergie représente environ 7,4 % (p.16) de la consommation au Québec). Cela est une bonne idée, cependant il faudra s’assurer que ce ne soit pas simplement une nouvelle manière de soutenir l’industrie forestière qui est déjà amplement subventionnée.

Bref, le gouvernement continue de favoriser les gros joueurs de l’industrie en s’engageant à soutenir l’industrie des hydrocarbures (p.57). Il n’est pas étonnant que le Conseil du patronat se sente soulagé après la sortie de la nouvelle politique énergétique: les pratiques en efficacité énergétique restent similaires aux années précédentes, l’industrie forestière continuera à être soutenue comme l’ensemble des gros pollueurs. Si la politique énergétique fonctionne, tout le monde s’en réjouira, mais si elle échoue, Hydro-Québec sera pris avec les surplus, pendant que l’industrie des hydrocarbures aura empoché les profits des produits polluants.

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