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Le REM : plus avantageux pour la Caisse que pour la population québécoise

18 octobre 2016

  • Bertrand Schepper

On sentait un enthousiasme débordant des classes politiques et médiatiques lorsque la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) annonçait le 22 avril dernier son projet de train électrique : le réseau électrique métropolitain (REM). En tout, 67 kilomètres de rails et 24 stations à Montréal et dans les environs. La CDPQ promettait un réseau rentable, construit rapidement, qui réglerait l’éternelle question du transport en commun entre la Rive-Sud, l’aéroport et l’Ouest-de-l’Île.

Cependant, maintenant que la poussière est retombée et que le BAPE est en train d’étudier la question, vérifions si la proposition reste aussi prometteuse et si la population du Québec en sort réellement gagnante. Bien qu’à court terme le projet du REM touche principalement Montréal et ses environs, ce nouveau modèle d’investissement en infrastructure entre Québec et la Caisse de dépôt pourrait bien faire école partout sur le territoire.

La Caisse, nouveau visage des PPP

Soyons clairs, la CDPQ ne développe pas le projet de REM dans un objectif de saine politique de transport en commun, basée sur des principes d’accessibilité et de facilitation du transport sur l’île. L’unique intérêt ne fait pas de doute : la rentabilité. Pour assurer un rendement suffisamment rapide de l’investissement, le projet sera financé à 45 % par les différents paliers de gouvernement. La CDPQ sera quant à elle responsable des 55 % restants, et ce, à même les investissements des Québécois·e·s. Si le rendement n’est pas au rendez-vous, la Caisse aura tôt fait de hausser les tarifs ou de simplement vendre des actifs.

Ainsi, la Caisse accapare un axe de transport à forte rentabilité, empêchant le système public de bénéficier des profits qu’il pourrait générer. Pendant ce temps, le réseau de transport en commun de la STM devra se débrouiller seul avec l’entretien d’un système vieillissant qui peine à demeurer rentable malgré une augmentation tarifaire de près de 20 % entre 2010 et juillet 2016.

Considérant le coût important de l’investissement de Québec dans l’aventure, on peut certainement supposer que le projet accaparera les investissements en transport en commun pour plusieurs années à venir. Cette concentration des efforts retardera le développement du réseau de transport dans le nord de l’île, qui est déjà moins bien desservi par la STM et l’AMT que le territoire couvert par le projet de REM. Cette situation semble de plus en plus probable.

De nouvelles révélations démontrent jour après jour que le projet de la CDPQ n’était pas bien ficelé au moment où il a été présenté au public. En effet, on avait omis de trouver une manière de relier le REM au métro et on veut maintenant ajouter de nouvelles stations. Au fil des improvisations, le parcours est de moins en moins compatible avec les besoins des usagers et usagères, et on risque de transformer des terres agricoles en immense route vers un stationnement au sud de l’autoroute 30. On peut donc s’attendre à une augmentation significative des coûts que les gouvernements, les usagers et usagères devront ultimement assumer.

Cannibalisme et achalandage

Dans son projet, la Caisse souhaite utiliser les tracés en direction de Deux-Montagnes, une partie des lignes de Mascouche et de Vaudreuil-Hudson en plus de prendre les passagers et passagères provenant de la ligne de Saint-Jérôme, ce qui représente un achalandage de près de 25 000 personnes aux heures de pointe.

Pour donner un ordre de grandeur, les trains de la ligne de Deux-Montagnes soutiennent présentement plus de 7 000 voyageurs et voyageuses par jour aux heures de pointe, et le SLR qui le remplacera espère en desservir 6 000. Il y aura donc, aux heures de pointe, au moment où la vaste majorité des usagers et usagères se déplace, une diminution de service.

De plus, plusieurs stations moins rentables comme celle de Lachine ne seront plus desservies. Bref, nous permettons à une entreprise hors du contrôle du gouvernement de déterminer qui aura droit à un service de transport en commun, et ce, au nom de la rentabilité. Ce choix aura des répercussions – probablement négatives – sur l’utilisation même du transport en commun.

Pour le moment, le projet de REM ressemble de plus en plus au projet de monorail de Springfield dans Les Simpson (un investissement mal avisé) qu’à un projet véritablement enthousiasmant. Bref, on est en droit de s’inquiéter de la possibilité que ce nouveau partenariat ait tendance, à l’image des partenariats public-privé, à privatiser les profits (qui se dirigeront vers les fonds de la Caisse) pour collectiviser les pertes (qui seront refilées aux usagers et usagères du transport en commun sous forme de hausses de tarif).

C’est pourquoi de plus en plus d’acteurs se questionnent sur la pertinence du projet. Ils font valoir que pour les usagers, les usagères et les contribuables, il pourrait être plus rentable de simplement améliorer les services d’autobus et d’étendre le métro plutôt que de chercher à se doter du plus récent gadget pour bien paraître. C’est pour le moment une question légitime à laquelle le gouvernement et la CDPQ devraient répondre promptement.

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