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L’auto en libre-service : une solution à développer davantage

29 septembre 2016

  • Bertrand Schepper

Alors que les émissions de gaz à effet de serre (GES) provenant des véhicules sur nos routes ont connu une hausse de plus de 33 % depuis 1990, il est assez surprenant de constater l’inaction des différents paliers de gouvernement quand vient le temps de soutenir des solutions alternatives. En fait, même s’ils s’évertuent à nous dire qu’ils veulent régler le problème, ils sont souvent contre-productifs.

Un exemple en provenance de la ville de Montréal. Alors qu’à bien des égards l’administration Coderre veut se donner une bonne image environnementale, ses politiques freinent le développement des véhicules en libre-service (VLS), un service qu’on nomme aussi l’autopartage.

Rappelons le principe des VLS : des entreprises comme Communauto et Car2go louent à leurs abonné·e·s des voitures stationnées un peu partout sur le territoire de la ville de Montréal moyennant, en plus de l’abonnement, certains frais à chaque utilisation. Plusieurs Montréalais·e·s utilisent ces voitures comme véhicules d’appoint.

Cette pratique permet de réduire le nombre de véhicules sur le territoire et d’utiliser des voitures généralement peu polluantes sur l’entièreté de leur vie utile, et ce, à peu de frais pour les consommateurs et consommatrices. En effet, selon une étude d’Elliott Martin et de Susan Shaneen de l’université Berkeley, chaque VLS à Vancouver aurait permis de retirer des routes jusqu’à neuf autres véhicules. Un ménage diminuerait de 15 % ses émissions de GES lorsqu’il opterait pour un VLS plutôt que pour une voiture personnelle (p. 5).

Or, l’administration Coderre continue depuis quelques mois à limiter le nombre de VLS. Alors que l’on pourrait avoir plus de 2000 VLS sur le territoire montréalais, la Ville limite présentement les deux fournisseurs à un peu plus que la moitié, soit 1100 VLS. L’administration justifie cette décision par sa volonté d’augmenter le nombre de voitures électriques en autopartage sur son territoire d’ici 2020, soutenant donc que l’autopartage à essence ou hybride doit être contrôlé.

Cette décision est un cas typique d’arbre qui cache la forêt. Bien que la voiture électrique en autopartage puisse être souhaitable, il ne faut pas que son intégration au réseau nuise à la création d’une culture d’utilisation des VLS. Considérant qu’une voiture en autopartage a une durée de vie moins grande qu’une voiture à usage personnel, rien n’empêche la Ville de demander un remplacement progressif de la flotte au cours des prochaines années plutôt que de nuire à l’expansion d’une saine pratique de transport.

L’importance des VLS hors des grands centres

Jusqu’à présent, les VLS ne se trouvent généralement que dans les grandes villes. En effet, comme les entreprises d’autopartage veulent rentabiliser leurs projets, elles s’implantent là où la densité de population est la plus grande. De plus, dans plusieurs régions, les territoires sont trop vastes pour permettre aux VLS de remplacer la voiture individuelle.

Pourtant, on peut supposer que ceux et celles qui habitent hors des grands centres auraient intérêt à utiliser des VLS plutôt que d’acheter un second véhicule. Rappelons qu’une étude de HEC calculait que les coûts réels d’une voiture ajoutent entre 9 900 $ et 23 000 $ par an au prix d’achat du véhicule. Par ailleurs, le Québec est aux prises avec un réel problème lié à l’isolement des personnes à faible revenu, qui ne sont pas toujours en mesure de se déplacer sur le territoire.

C’est pourquoi il faut saluer l’initiative de groupes communautaires et de la CDC Marguerite-D’Youville en Montérégie : ils ont créé un organisme à but non lucratif (OBNL) permettant de faire de l’autopartage en banlieue, dans le royaume de l’automobile. Son territoire couvre notamment Sainte-Julie et s’étend jusqu’à Contrecœur. En se constituant comme OBNL, l’organisme pourra offrir à ses membres des locations de VLS en visant la rentabilité plutôt que le profit à tout prix. Ce choix permettra, à mon avis, de pallier à moyen-long terme les difficultés liées à la taille plus restreinte du bassin de population.

Évidemment, l’autopartage n’est pas une solution miracle en termes écologiques (le transport en commun demeure préférable), mais c’est un pas en avant qui permet à peu de frais de faciliter la vie des personnes qui l’utilisent. En ce sens, il est grand temps que les gouvernements cessent de bouder ce service ou de lui mettre des bâtons dans les roues.

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