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Exportation de gaz naturel liquéfié en Nouvelle-Écosse : les projets se suivent et se ressemblent

6 mai 2021

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6min

  • Colin Pratte

Alors que le projet GNL Québec à Saguenay est en attente d’une décision du gouvernement du Québec, un autre projet d’exportation de gaz naturel liquéfié a récemment fait la manchette. Le projet Goldboro prévoit l’agrandissement d’un gazoduc existant au Québec afin d’approvisionner en gaz naturel un terminal de liquéfaction qui doit être construit en Nouvelle-Écosse. Ce projet initié en 2013 est conçu sur le même modèle que celui entamé en 2014 à Saguenay, en ce qu’il repose entre autres sur le recours à des paradis fiscaux, à des fonds publics massifs, sur des coûts de production élevés, et sur une rhétorique de « blanchiment vert ».

LES PARADIS FISCAUX Y SONT LA RÈGLE

Dans une fiche parue à l’automne 2019, nous révélions que les capitaux des commanditaires du projet GNL Québec allaient transiter par des paradis fiscaux, affectant ainsi à la baisse l’imposition des dividendes de l’entreprise. Le projet Goldboro de l’entreprise Pieriadae a pour sa part choisi de se créer une filiale en Irlande, un paradis fiscal notoire où Pieridae déclare n’y avoir aucune activité particulière. Il est difficile à ce stade-ci de déterminer l’usage fiscal de la filiale irlandaise de Pieridae, sinon que c’est la stratégie générale que nombre de multinationales de l’énergie emploient pour diminuer leur taux d’imposition effectif, en s’efforçant de déclarer leurs profits en sol irlandais où l’imposition y est très faible.

UNE INDUSTRIE DÉPENDANTE DES FONDS PUBLICS…ET GÊNÉE DE L’ÊTRE

Les entreprises qui contournent les cadres fiscaux étatiques ne craignent pas les paradoxes. Si elles mettent tout en œuvre pour diminuer leur contribution fiscale aux trésors publics nationaux, elles ne se privent pas de quémander une aide financière aux gouvernements des pays où se déroulent leurs activités.

Le fait que bien des grandes fortunes privées s’érigent depuis un soutien de l’État est un secret de polichinelle embarrassant pour cette classe qui prétend voler de ses propres ailes. L’entreprise Pieridae, promotrice du projet Goldboro, s’est sentie embarrassée au point d’envoyer une mise en demeure aux opposants du projet ayant révélé publiquement l’information selon laquelle Pieridae avait demandé un prêt de 925 millions $ au gouvernement fédéral.

La dépendance envers les fonds publics de la filière du gaz naturel liquéfié est pourtant avérée. Pour voir le jour, ces projets requièrent des fonds publics sous forme de congés fiscaux ou de subventions. GNL Québec le sait très bien, c’est d’ailleurs pourquoi le mandat de ses lobbyistes inscrits au registre des lobbyistes du Québec comprend la tâche d’obtenir un soutien par l’intermédiaire de  fonds publics. Malgré cette évidence, GNL Québec persiste à prétendre publiquement que son projet est viable sans fonds publics.

UN MODÈLE D’AFFAIRES CHANCELANT

Tout comme le projet GNL Québec, le projet Goldboro aurait à composer avec des coûts de production les plus élevés en Amérique du Nord. Deux facteurs jouent contre les projets situés sur la côte nord-est américaine. Tout d’abord, un coûteux transport du gaz naturel par gazoduc sur plus de 4000 kilomètres leur est nécessaire, contrairement à leurs compétiteurs directs situés dans le golfe du Mexique qui exportent du gaz naturel extrait de puits à proximité. Ce coût de transport additionnel représente 30 à 40% des coûts de production totaux. Le deuxième facteur défavorable est celui du coût des infrastructures : cinq des six terminaux d’exportation opérationnels aux États-Unis sont le fruit d’une conversion de terminaux d’importation de GNL en des terminaux d’exportation, ce qui a pour effet d’abaisser d’environ 40% les investissements en infrastructure requis, selon les calculs de chercheur·e·s de l’Université de Calgary.

Dans un contexte d’incertitude quant à la demande mondiale de gaz naturel liquéfié, ces coûts de production élevés en font des projets risqués et contribuent à expliquer pourquoi tant le projet Goldboro que celui de GNL Québec peinent à boucler leur financement privé.

LA RHÉTORIQUE DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Afin de convaincre la société civile que la construction d’infrastructures de gaz naturel liquéfié est dans l’intérêt général, cette industrie ne ménage pas les mensonges quant aux prétendues vertus de ce gaz naturel. Tant GNL Québec que Pieridae affirment que leur gaz naturel liquéfié contribuerait à substituer avantageusement des hydrocarbures plus émetteurs de GES. Or, non seulement le gaz naturel issu du procédé de fracturation n’est-il pas moins polluant que le charbon, mais l’exportation de gaz naturel liquéfié en Europe y ralentirait le développement de la filière des énergies renouvelables.

EN FINIR AVEC CETTE INDUSTRIE

La construction de terminaux d’exportation de gaz naturel liquéfié est vitale pour l’industrie gazière canadienne. Sans ces terminaux, la production annuelle canadienne de gaz naturel stagnera, tandis que l’existence d’une capacité nationale de liquéfaction permettra à cette industrie d’augmenter sa production de 50% d’ici 2040, selon une projection de la Régie de l’énergie du Canada.

Pendant que l’horloge climatique tourne, nos sociétés sont aux prises avec le fardeau de résister aux assauts d’une industrie désireuse de construire de nouvelles infrastructures fossiles nous enfermant dans ce combustible pour encore plusieurs décennies. Si cette industrie défend bec et ongle son intérêt privé mortifère, les gouvernements Trudeau et Legault, censés représenter l’intérêt général, se font pour leur part complices de ces projets climaticides.

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