Et si Hydro nous achetait de l’électricité?
4 mai 2017
J’ai assisté récemment à l’excellente pièce de théâtre documentaire J’aime Hydro de Christine Beaulieu, également disponible en baladodiffusion. La pièce pose notamment la question suivante : pourquoi avons-nous encore besoin de construire des barrages hydroélectriques de grande envergure comme la Romaine alors qu’Hydro-Québec continue d’accumuler d’importants surplus?é
Pour bien comprendre les enjeux soulevés, il faut se familiariser avec deux concepts importants chez Hydro-Québec, soit la demande en pointe et la puissance.
La demande en pointe est la demande en électricité lorsque la consommation est à son point le plus élevé de l’année. Pensons par exemple à une journée de janvier sous la barre des 34 degrés Celsius : l’ensemble des ménages et des entreprises québécoises chauffent au maximum. Cette demande à la pointe ne dure généralement que quelques heures, mais coûte très cher à la société d’État.
Sommairement, la puissance est la capacité d’Hydro-Québec à produire de l’énergie en temps réel pour fournir le Québec. Contrairement à l’essence que l’on stocke dans des barils pour nos besoins ultérieurs, il est impossible de stocker d’importantes quantités d’énergie électrique, du moins d’ici à ce que nous ayons des piles assez puissantes pour le faire.
Ainsi, durant les journées régulières, les besoins en puissance sont comblés par la capacité de production d’Hydro-Québec. Cependant, lors des journées extrêmement froides, donc à la pointe, Hydro-Québec Distribution doit acheter de l’électricité supplémentaire, souvent à fort prix, pour fournir à la demande.
C’est par ces circonstances qu’Hydro-Québec justifie la plupart de ses nouveaux projets, que ce soit l’achat d’énergie de la centrale au gaz de Bécancour (p. vii) ou la construction d’un nouveau mégaprojet. Bref, pour fournir de l’électricité aux Québécois·es à des moments très précis, Hydro-Québec se lance dans des projets extrêmement coûteux dont la rentabilité reste contestable.
Évidemment, on peut aussi supposer que la société d’État espère vendre sa nouvelle énergie produite hors pointe à l’extérieur du Québec. Toutefois, pour le moment, rien n’est moins sûr. À l’heure où Elon Musk veut révolutionner la batterie et le président Trump voit dans les centrales au charbon un outil de relance pour l’économie états-unienne, il faut rester prudent dans nos espérances d’exportation.
Si, au contraire, plutôt que de vouloir construire de nouveaux barrages à tout prix, on facilitait la baisse de la consommation en période de pointe? En octroyant, par exemple, une diminution de tarif aux ménages qui diminuent leur consommation lors de la pointe. En fait, Hydro-Québec le fait déjà pour une partie de sa clientèle commerciale et industrielle au tarif interruptible, à qui elle offre 70 $ par kilowatt aux participants qui coupe leur utilisation en période de pointe (p. 20). Pourquoi ne pas étendre la disposition à la clientèle résidentielle?
En fait, si l’on se fie aux appels de diminution de la consommation lors de la pointe d’Hydro-Québec par le passé, la population peut diminuer sa consommation d’entre 300 MW et 500 MW (p. 14), soit plus que ce que le barrage de la Romaine 3 peut fournir à l’heure actuelle (p. 9). Imaginez si un montant d’argent était rattaché à cette demande! L’on pourrait diminuer la pointe de demande d’Hydro-Québec.
.Prenons un exemple simple qui pourrait être, bien sûr, amélioré. Supposons une diminution maximale de 10 $ par hiver sur la facture pour les résidents qui diminue leurs consommations lors d’appel de contribution, l’on peut supposer une importante baisse de la pointe. En terme d’efficacité énergétique, ce serait une excellente nouvelle et en terme de coût cela coûterait au maximum 31 M$ par hiver (ensemble clientèle résidentielle * 10 $). Ce qui est pas mal moins que les milliards de dollars investis dans un mégaprojet de barrage.
Il existe de nombreuses autres possibilités qui méritent d’être étudiées à l’heure de l’essor des réseaux sociaux et de l’arrivée des compteurs intelligents qui rendent ce type de mesure complètement réalisable. Non seulement elle favoriserait une meilleure gestion de l’énergie, mais couplée à de bonnes mesures d’efficacité d’énergie, elle permettrait d’éviter que la société d’État n’investisse des sommes importantes dans des mégaprojets pour satisfaire des besoins en puissance qui se limitent à la pointe.