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Ceux qui veulent exploiter rapidement le pétrole d’Anticosti

15 juin 2012

  • Bertrand Schepper

Ce billet est le troisième d’une série sur la question du pétrole. Alors que dans notre dernier texte nous nous sommes penchés sur les effets environnementaux du développement de cette ressource, celui-ci traitera des acteurs qui participent à créer un faux sentiment d’urgence lié au développement du pétrole au Québec et des acteurs qui en bénéficieront.

Petit historique de pétrole d’Anticosti

Afin de bien comprendre les enjeux autour de l’exploitation des ressources naturelles pétrolières de l’île d’Anticosti, il semble important de faire l’historique qui a mené à l’exploration et l’exploitation du pétrole par Gastem et Pétrolia. Cela nous permettra de bien comprendre comment le pétrole est passé d’une ressource que le gouvernement voulait développer pour les Québécois-es à une ressource appartenant à des intérêts privés.

En 1969, le gouvernement de Daniel Johnson crée la SOQUIP, une société d’État en charge d’explorer et de développer les énergies à hydrocarbure sur le territoire du Québec. L’objectif de politique derrière cette décision était de s’assurer que la découverte de pétrole ou de gaz sur le territoire profite à l’ensemble des Québécois-es.

Rapidement, la SOQUIP se crée une banque de données et participe à la formation d’une expertise en géologie sur le territoire du Québec. Le gouvernement du Québec décide en 1980 d’étendre la mission de la SOQUIP afin qu’elle puisse faire de l’exploration, de l’exploitation et de la distribution d’hydrocarbures. Dans ces conditions, la SOQUIP prend le contrôle, à travers l’achat d’actions, de Gaz Métropolitain, société qui permettra au Québec de contrôler, au même titre qu’Hydro-Québec, la distribution d’énergie gazière. Gaz Métropolitain sera dirigée entre 1987 à 1996 par André Caillé qui sera nommé par la suite PDG d’Hydro-Québec.

Son arrivée chez Hydro-Québec aura un impact important sur l’exploration énergétique du Québec. Hydro-Québec fera de l’exploration d’hydrocarbures dans sa division Hydro-Québec Pétrole et Gaz. Cette division conduira une multitude d’études sur le territoire québécois, entre autres en Gaspésie et sur l’île d’Anticosti. D’ailleurs en 2002, 30 millions de dollars seront investis dans la recherche géologique au Québec (dont 9,8 millions entre 2002 et 2007 sur l’île d’Anticosti).  En 2007,  lorsque André Caillé fait le saut chez Junex et à l’Association pétrolière et gazière du Québec, il cède sa place à Thierry Vandal qui dissoudra la section Pétrole et Gaz d’Hydro-Québec.

Passage au privé

Cette même année,  le gouvernement Charest (qui a aussi mis fin à l’aventure SOQUIP en l’incluant dans la Société générale de financement – SGF) retirera les droits d’exploitation octroyés à Hydro-Québec pour les offrir gratuitement (ou presque) à des entreprises gérées par d’anciens dirigeants d’Hydro-Québec : Pétrolia, Junex et Gastem.  En fait, les droits d’exploration de l’île d’Anticosti représentent 61 956 $ annuellement, soit 0,10 $ par hectare exploré. De plus, puisque ces entreprises ne font pas d’exploitation à proprement parler, elles ont bénéficié de subventions provinciales. À titre d’exemple, Pétrolia a reçu 3,3 millions de dollars au cours des 2 dernières années.

Bref, à travers diverses opérations, la lente, mais évidente transformation de l’État-providence en État néolibéral s’est accomplie de manière à en faire profiter une classe d’anciens représentants de sociétés d’État maintenant défenseurs de l’entreprise privée.

Cette transformation s’opère au moment où la crise économique frappe un ensemble d’industries à travers le monde.  La vaste majorité des actionnaires tente de se réfugier dans des valeurs sûres qui apporteront des résultats. Des entreprises telles que Gastem et Pétrolia profitent ainsi d’un excellent « timing» puisqu’elles bénéficient de droits quasi gratuits sur des territoires déjà explorés et où Hydro-Québec aurait trouvé par le passé des «indices de présence d’hydrocarbures». Dans ces conditions, il n’y a rien d’étonnant à ce que Pétrolia se classe premier dans le  palmarès «Pétrole et Gaz» établi par la Bourse de croissance TSX, le TSX Croissance 50. Ces entreprises considérées comme des «juniors» dans le marché des hydrocarbures ont tout intérêt à marquer rapidement leur avantage sur le terrain afin de financer d’autres projets à moyen terme. Ainsi, des richesses autrefois collectives seront exploitées immédiatement non pas parce que le Québec en aurait besoin, mais simplement pour améliorer le rendement boursier d’entreprises qui souhaitent se positionner avantageusement.

Ces entreprises profitent aussi largement du discours basé sur l’importance de la dette québécoise. Importance d’une dette nationale  qui, comme l’a démontré le professeur Louis Gill, est largement surestimée, mais qui conduit à un sentiment d’urgence. En voulant faire croire au Québécois-es que leur État est « dans le rouge», il est plus facile de leur présenter toute forme de vente de ressources naturelles ou de privatisation du bien commun (généralement les plus rentables pour le privé) comme un mal nécessaire.  L’Institut économique de Montréal (IEDM) participe activement à ce type de discours à travers la note de monsieur Belzile sur l’exploitation de l’île d’Anticosti, mais aussi dans nombre de leurs propositions comme la privatisation d’Hydro-Québec ou la transformation de la péréquation afin d’y exclure les ressources naturelles. Ces propositions typiquement néolibérales vont à l’encontre d’une saine gestion à long terme des finances publiques.

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