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Environnement: la CAQ sera-t-elle à la hauteur?

14 novembre 2018

  • Julia Posca

Des milliers de personnes ont marché ce samedi au Québec pour rappeler l’urgence de lutter contre les changements climatiques. Ces manifestations survenaient quelques jours après le lancement du Pacte pour la transition, signé à ce jour par près de 180 000 personnes qui se sont engagées à changer leurs habitudes pour réduire leur empreinte écologique. Elles demandent du même souffle au gouvernement d’agir pour mettre le cap sur une économie faible en carbone.

Des milliers de personnes ont marché ce samedi au Québec pour rappeler l’urgence de lutter contre les changements climatiques. Ces manifestations survenaient quelques jours après le lancement du Pacte pour la transition, signé à ce jour par près de 180 000 personnes qui se sont engagées à changer leurs habitudes pour réduire leur empreinte écologique. Elles demandent du même souffle au gouvernement d’agir pour mettre le cap sur une économie faible en carbone.

Afin de justifier le fait qu’elle n’ait encore présenté aucune mesure pour faire face à ces enjeux pressants, la ministre de l’Environnement MarieChantale Chassé a répété qu’elle venait d’arriver en poste et qu’il fallait lui laisser le temps de prendre connaissance des différents dossiers qui concernent son ministère. En entrevue au micro d’Alain Gravel, elle a pris soin de souligner, non sans toutefois utiliser un vocabulaire obscur qui laisse place à l’interprétation, que son gouvernement s’« engage[ait] envers les intentions que représente cette marche et le pacte pour la transition. »

Certains se montrent confiants que le gouvernement de François Legault va prendre conscience de l’ampleur du défi climatique et proposer des moyens d’y remédier ; pourtant, des faits s’accumulent qui nous permettent de douter de la volonté des caquistes de tourner le dos au modèle économique responsable de la catastrophe actuelle. Comme le rappelait récemment mon collègue Bertrand Schepper, entamer une transition économique et énergétique exige notamment que l’on ne réalise pas des projets  auxquels la CAQ s’est déjà montrée favorable. Parmi ceux-là, on compte le projet routier de troisième lien entre Lévis et Québec, qui fera augmenter le nombre de voitures sur les routes, l’exploitation pétrolière et gazière, une filière qu’il faudrait plutôt graduellement abandonner, la fracturation hydraulique et l’exploitation des hydrocarbures dans le Grand Nord, et la construction de nouveaux barrages hydroélectriques malgré les surplus actuels.

C’est sans compter que le gouvernement compte en son sein des gens qui ont montré par le passé qu’ils n’étaient pas des alliés de la lutte contre les changements climatiques. Pour n’en nommer qu’un seul, rappelons que le chef de cabinet du ministre Julien est un ancien lobbyiste de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ). Au nom de la FCCQ, il avait entre autres « demande[r] au gouvernement de mettre en place un cadre d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures afin que les projets en cette matière puissent aller de l’avant » et « demande[r] au gouvernement d’appuyer l’exploration pétrolière en sol québécois ».

En clair, même si M. Legault et Mme Chassé se montrent à l’écoute des préoccupations de la société civile, leurs positions — et leur proximité avec certaines industries émettrices de GES — montrent qu’ils ont déjà choisi de rester dans l’économie fossile. La CAQ ne se distingue ainsi d’aucune manière des vieux partis : elle arbore des discours pro-environnementaux de façade qui cachent bien mal son intention de ne pas contraindre les entreprises et les grands pollueurs avides de profits. Quand la ministre de l’Environnement insiste pour dire que seuls les projets qui feront l’objet d’une acceptabilité sociale seront réalisés, au fond, elle est en train de dire que son rôle sera de travailler à rendre acceptables des projets qui, d’un point de vue environnemental, ne le sont tout simplement pas.

Si toutefois Mme Chassé choisissait de devenir une alliée de la préservation de l’environnement, elle pourrait commencer par lire le plan de transition énergétique dévoilé cette année par le précédent gouvernement. Ce plan a été conçu par Transtion énergétique Québec pour « [servir] de cadre à un vaste chantier qui nous mènera vers un avenir sobre en carbone ». Il fixe des objectifs de réduction de l’intensité énergétique et propose des mesures et un échéancier détaillé qui touchent à différents secteurs-clés de la société et de l’économie : l’aménagement du territoire, le transport des personnes et des marchandises, l’industrie, et les bâtiments résidentiels, commerciaux et institutionnels. Ce plan n’est pas révolutionnaire, il ne remet pas en cause le dogme de la croissance, mais il propose une base pertinente pour un gouvernement qui dit prendre au sérieux la question des changements climatiques.

La ministre de l’Environnement aurait aussi intérêt à dépoussiérer le rapport « Maîtriser notre avenir énergétique » de Normand Mousseau et Roger Lanoue, un document commandé par le gouvernement de Pauline Marois en 2013 et tabletté rapidement après sa publication début 2014. Ce rapport montre que la solution pour freiner le dérèglement climatique actuel passe par une maîtrise de nos ressources énergétiques — et non par leur exploitation accrue.

Pour freiner l’ampleur de la catastrophe climatique en cours, Mme Chassé devrait cependant pousser l’audace jusqu’à remettre en question le cheval de bataille de son parti: la croissance économique. Car, comme le soulignait récemment Yves-Marie Abraham, professeur au département de management à HEC Montréal, l’économie capitaliste ne sera jamais compatible avec la nécessaire réduction de notre empreinte écologique et l’impératif de protéger les écosystèmes planétaires.

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