Vers le sommet (1): le Québec se prive volontairement de 27 000 étudiant·e·s
30 janvier 2013
Dimanche dernier, lors du mot de clôture de l’École d’hiver de l’Institut du nouveau monde (INM), le ministre de l’éducation supérieure, Pierre Duchesne, a annoncé qu’il rejetait une bonne fois pour toute l’option de la gratuité scolaire. Trois possibilités resteraient sur la table, toutes différentes formules d’indexation des droits de scolarité.
La première prévoit une indexation liée à l’indice des prix à la consommation (IPC) et représente 2 % d’augmentation par année, soit 46 $. La seconde, cette fois en lien avec l’augmentation des revenus disponibles, s’élèverait à 3 %, soit 70 $. La dernière option sur la table est celle d’une indexation ajustée à l’évolution des coûts de fonctionnement des universités et s’élèverait à 3,5 %, pour une hausse de 83 $ par année.
En prévision du prochain forum sur l’éducation supérieure, toutes les options ne seront finalement pas sur table. Après quelques valses d’hésitations, le gouvernement Marois a tranché sur le fond, laissant aux futurs intervenant-e-s du forum le soin de débattre sur des questions de détails. Ce que l’on sait maintenant, c’est qu’au sortir de cet exercice, l’éducation sera rabaissée au statut de n’importe qu’elle marchandise, quelque chose dont la valeur doit fluctuer et s’ajuster aux aléas du marché. La question de fond, celle de la valeur sociale et culturelle que l’on donne collectivement à l’enseignement et à la recherche universitaire aura, elle, été complètement évacuée.
S’adapter
Lors de l’École d’hiver de l’INM, l’économiste de l’UQAM, M. Pierre Fortin, s’est prononcé en faveur de la seconde option. Malheureusement, et quoi qu’en pense M. Fortin, ajuster le coût de l’éducation universitaire à l’augmentation des revenus disponibles ne représente en rien l’option de la modération respectueuse des « moyens de nos gens ». Comme l’indiquaient nos billets de blogue publiés en début de semaine (que vous pouvez lire ici, ici et ici), les revenus disponibles des ménages ont la fâcheuse habitude d’évoluer de manière inégale. La moyenne de cette augmentation, que M. Fortin voudrait appliquer aux droits de scolarité, ne nous informe pas beaucoup, au final, sur l’état véritable des capacités financières d’une bonne part de la population.
Élément intéressant, la position de M. Fortin semble fluctuer, au même titre que la valeur marchande de l’éducation pourrais-je dire – je ne suis d’ailleurs pas le seul à remarquer cette fluctuation. Début 2010, lorsqu’il était membre du Comité consultatif sur l’économie et les finances publiques qu’avait mis en place le gouvernement précédent, M. Fortin préconisait non pas l’indexation des droits de scolarité, mais bien le rattrapage de la moyenne canadienne, soit une hausse (à l’époque) de 3382 $.
Le coût de la gratuité scolaire
Selon les données de l’Association canadienne du personnel administratif universitaire (ACPAU), les revenus totaux des universités québécoises provenant des droits de scolarité et des autres frais s’élevaient à 825 millions $ en 2010-2011. C’est donc dire que la gratuité scolaire, soit l’élimination de toute forme de tarification à l’université, coûterait cette somme.
Toutefois, toujours selon Pierre Fortin, cette estimation est inexacte parce qu’elle ne prendrait pas en considération l’augmentation de la fréquentation universitaire qui suivrait la gratuité scolaire. Cela fait du bien à entendre, puisque l’IRIS a passé, contre vents et marées, une bonne partie de l’année dernière à défendre cette thèse tandis que les pro-hausse faisaient valoir que l’augmentation prônée par le gouvernement Charest n’aurait aucun impact sur la fréquentation.
Advenant la gratuité scolaire, c’est donc de 22 000 à 27 000 étudiant-e-s de plus qu’il faudrait intégrer au réseau universitaire, ce qui ferait augmenter le coût de cette mesure à 1,1 milliards $. Est-ce que cette augmentation de fréquentation de 15% se produira dès la première année d’implantation? On peut en douter. Toutefois, la découverte de cette corrélation entre bas tarifs et meilleure fréquentation, plutôt que de nous rabattre sur l’opinion gouvernementale, devrait plutôt nous réjouir et nous inciter à mettre en place une politique capable de donner à la jeunesse québécoise toutes les chances de se réaliser.