Retour sur la fiscalité des parents-étudiants – Réponse à Luc Godbout
6 juin 2012
Notre récent article sur l’impact fiscal de la hausse des frais de scolarité a suscité plusieurs réactions. Plusieurs parents-étudiants nous ont indiqué devoir tenir compte de cet impact et adapter leur budget en conséquence. D’autres, comme le fiscaliste, Luc Godbout, bien que reconnaissant les possibles interactions entre les bourses et les prestations fiscales, ont fait remarquer que, malgré tout, le système demeure très avantageux pour cette classe de parents-étudiants.
Il est vrai qu’au Québec, les familles ont accès à plusieurs prestations et programmes sociaux, mais la question en jeu n’est pas de déterminer si le gouvernement soutient financièrement les familles québécoises. Elle se résume plutôt à calculer l’impact d’une bourse sur les différentes prestations auxquelles cette famille a droit. La conclusion est simple et sans équivoque : la bourse augmente le revenu familial et réduit les prestations sociales auxquelles certaines familles ont droit.
Ajoutons que la présentation des différents programmes et sommes offerts a beau être très convaincante, c’est plutôt en comparant le gain effectif de la famille qu’on s’aperçoit qu’il n’est pas si reluisant que cela. Donc, le meilleur moyen d’évaluer cet impact est de reprendre la méthode du professeur Godbout en calculant le revenu disponible net et de faire les comparaisons appropriées. Nous avons donc reformulé nos hypothèses de la façon suivante (les calculs diffèrent donc légèrement de notre premier article) :
- Le conjoint a un revenu de 30 000$;
- Le couple a deux enfants;
- L’étudiant n’a pas accès à une bourse, a accès à un bourse de 8 000$, et ensuite à 9 778$;
- Les deux enfants fréquentent une garderie non subventionnée à un coût de 9 000$ par année (260 jours à 34,62$ par jour);
- Toute autre chose demeurant égale par ailleurs.
Voici donc le résultat du revenu disponible net de la famille en question :
Scénario 1 : Enfants en garderie non subventionnée |
|||
Sans bourse |
Avec bourse |
Après hausse |
|
Revenus |
|||
Revenu du conjoint |
30 000 $ |
30 000 $ |
30 000 $ |
Bourse de l’étudiant |
0 $ |
8 000 $ |
9 778 $ |
A. Revenu familial |
30 000 $ |
38 000 $ |
39 778 $ |
Impôts et cotisations |
|||
Impôt fédéral |
60 $ |
60 $ |
60 $ |
Impôt provincial |
761 $ |
761 $ |
761 $ |
RRQ |
1 312 $ |
1 312 $ |
1 312 $ |
RQAP |
161 $ |
161 $ |
161 $ |
Taxe santé |
100 $ |
200 $ |
200 $ |
AE |
423 $ |
423 $ |
423 $ |
B. Total |
2 817 $ |
2 917 $ |
2 917 $ |
Prestations |
|||
PUGE |
2 400 $ |
2 400 $ |
2 400 $ |
PFE |
5 731 $ |
5 731 $ |
5 731 $ |
TPS |
794 $ |
794 $ |
794 $ |
Solidarité |
1 375 $ |
1 059 $ |
953 $ |
Soutien aux Enfants |
3 394 $ |
3 394 $ |
3 394 $ |
Prime au travail |
1 583 $ |
783 $ |
606 $ |
C. Total des prestations |
15 277 $ |
14 161 $ |
13 878 $ |
Frais de garde |
|||
Taux de remboursement |
75% |
70% |
69% |
D. Frais de garde |
4 500 $ |
5 400 $ |
5 560 $ |
Frais de scolarité |
|||
Frais de scolarité |
2 168 $ |
2 168 $ |
3 946 $ |
Frais afférents |
624 $ |
624 $ |
624 $ |
Matériel scolaire |
683 $ |
683 $ |
683 $ |
E. Total |
3 475 $ |
3 475 $ |
5 253 $ |
Impact fiscal |
|||
F. Revenu disponible net [(A+C)-(B+D+E)] |
34 485 $ |
40 369 $ |
39 926 $ |
G. Revenu disponible sans pénalité |
34 485 $ |
42 485 $ |
42 485 $ |
H. Perte fiscale [G-F] |
0 $ |
2 116 $ |
2 559 $ |
Tout d’abord, nous constatons que pour une famille n’ayant pas de bourse, le système fiscal lui permet d’augmenter ses revenus de 30 000$ à 34 485$. Mais ajoutons une variable : une bourse de 8 000$. Selon nos calculs le revenu disponible (case F) passe de 34 485$ à 40 369$. Logiquement, une conclusion s’impose : l’ajout d’une bourse de 8 000$ équivaut à une augmentation de seulement 5 884 $ du revenu disponible. Autrement dit, le gouvernement du Québec donne 8 000$ d’une main et reprend 2 116$ de l’autre en réduisant les prestations. La bourse pénalise donc davantage les parents-étudiants que les autres étudiants et la hausse des frais de scolarité amplifie cette perte.
Le problème résiderait donc dans « l’interaction » entre la bourse et le calcul de ces prestations. À l’heure actuelle, nous constatons que cette interaction peut désavantager certains étudiant-es. Par contre, comme le mentionne le professeur Godbout, ces règles de la Loi sur les impôts peuvent être l’objet de discussion entre le gouvernement et les associations étudiantes.
Il est aussi vrai qu’au Québec il y a beaucoup plus de places en garderie à 7$ qu’en garderie non subventionnée, mais dans l’état actuel des choses les places en garderies sont insuffisantes et lorsqu’il est impossible pour une famille de trouver une place, elle n’aura pas le choix que d’avoir recours au crédit d’impôt pour frais de garde. Nonobstant ce fait, si nous éliminons les frais de garde du calcul en les rendant invariables à 7$ par jour, peu importe le revenu, nous arrivons quand même au même résultat : la bourse accroît le revenu familial et le gouvernement pénalise la famille au niveau des prestations sociales. Voici les calculs :
Scénario 2 : Enfants en garderie à 7$ |
|||
Sans bourse |
Avec bourse |
Après hausse |
|
Revenus |
|||
Revenu du conjoint |
30 000 $ |
30 000 $ |
30 000 $ |
Bourse de l’étudiant |
0 $ |
8 000 $ |
9 778 $ |
A. Revenu familial |
30 000 $ |
38 000 $ |
39 778 $ |
Impôts et cotisations |
|||
Impôt fédéral |
60 $ |
60 $ |
60 $ |
Impôt provincial |
761 $ |
761 $ |
761 $ |
RRQ |
1 312 $ |
1 312 $ |
1 312 $ |
RQAP |
161 $ |
161 $ |
161 $ |
Taxe santé |
100 $ |
200 $ |
200 $ |
AE |
423 $ |
423 $ |
423 $ |
B. Total |
2 817 $ |
2 917 $ |
2 917 $ |
Prestations |
|||
PUGE |
2 400 $ |
2 400 $ |
2 400 $ |
PFE |
5 731 $ |
5 731 $ |
5 731 $ |
TPS |
794 $ |
794 $ |
794 $ |
Solidarité |
1 375 $ |
1 059 $ |
953 $ |
Soutien aux Enfants |
3 394 $ |
3 394 $ |
3 394 $ |
Prime au travail |
1 583 $ |
783 $ |
606 $ |
C. Total des prestations |
15 277 $ |
14 161 $ |
13 878 $ |
Frais de garde |
|||
Taux |
7$ par jour |
7$ par jour |
7$ par jour |
D. Frais de garde |
3 640 $ |
3 640 $ |
3 640 $ |
Frais de scolarité |
|||
Frais de scolarité |
2 168 $ |
2 168 $ |
3 946 $ |
Frais afférents |
624 $ |
624 $ |
624 $ |
Matériel scolaire |
683 $ |
683 $ |
683 $ |
E. Total |
3 475 $ |
3 475 $ |
5 253 $ |
Impact fiscal |
|||
F. Revenu disponible net [(A+C)-(B+D+E)] |
35 345 $ |
42 129 $ |
41 846 $ |
G. Revenu disponible sans pénalité |
35 345 $ |
43 345 $ |
43 345 $ |
H. Perte fiscale [G-F] |
0 $ |
1 216 $ |
1 499 $ |
Ainsi donc une bourse de 8 000$ n’augmente le revenu familial que de 6 784$. Le gouvernement pénalise toujours la famille, cette fois-ci à hauteur de 1 216$.
Bref, l’objet de notre article n’était pas de présenter le système fiscal québécois comme désavantageux pour les familles. Au contraire, le but était justement de démontrer qu’il faut protéger certains avantages qu’il procure. Mais pour être juste envers les parents-étudiants et pouvoir dire qu’une hausse des frais de scolarité sera totalement compensée pour certains étudiants, il faut souligner le fait que le gouvernement du Québec pénalise les étudiant-es avec des enfants.