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L’Impact à Marie-Victorin : un cégep pour Saputo ?

10 novembre 2011

  • Philippe Hurteau

Le conseil d’administration du Cégep Marie-Victorin devra décider cette semaine s’il approuve un projet d’association d’une durée de 25 ans avec l’Impact de Montréal. En vertu de cette entente, le Ministère de l’Éducation, du Loisirs et du Sport (MELS) et l’Impact investiront chacun plus de 4 M$ dans la construction et la rénovation de terrains de soccer et de bâtiments de service. Le Cégep déboursera à son tour un 4 M$ supplémentaire pour construire des nouveaux locaux d’enseignement, une somme qu’il amassera à même le loyer payé par l’Impact.

Avant qu’une institution publique donne son aval à une telle entente, il est indispensable de s’interroger sur la logique qui sous-tend ce type d’accords dans le réseau d’éducation au Québec. Au premier coup d’œil, la nouvelle aurait de quoi réjouir les acteurs du milieu et les observateurs. D’un côté, un cégep qui manque cruellement de locaux. De l’autre, une équipe professionnelle qui fait son entrée dans les grandes ligues (MLS) et doit former des équipes juniors pour se conformer aux règles du circuit. Les deux parties s’associent pour combler leurs besoins respectifs.

En scrutant plus attentivement l’annonce toutefois, on trouvera matière à questionnements. À qui profitera réellement le partenariat ? L’arrimage des établissements d’éducation aux partenaires privés tend non seulement à amputer la faculté de distanciation nécessaire à un enseignement et une recherche de qualité, mais il se traduit régulièrement par la subordination des établissements publics à des intérêts privés.

Dans le cas de l’Impact qui s’apprête à s’établir au Cégep Marie-Victorin, des terrains seront réservés à l’usage exclusif des joueurs d’élite juniors au détriment des étudiantes et étudiants du collège. Puisque les investissements visent en priorité le développement des rangs juniors de l’Impact, elles ne permettront qu’indirectement d’améliorer les ressources éducatives par la construction d’un édifice dont bénéficieront les étudiants de réadaptation physique, une construction dont les coûts sont estimés à 2,3 M$ soit bien moins que les 8 M$ d’argent public investis dans le projet.

Ce type de partenariat illustre adéquatement l’un des principaux problèmes de notre réseau postsecondaire d’éducation : le recours à des partenariats publics privés (PPP) de plus en plus élaborés afin de détourner des ressources financières devant servir l’enseignement, à la formation et à la recherche au profit d’intérêts corporatifs.

On s’en doute, un projet avec un partenaire privé de l’envergure de l’Impact, ou de Saputo (propriétaire de l’équipe), ne va pas sans annonces, tambours battant, de retombées favorables à la collectivité. Or, l’exclusivité accordé à l’organisation de l’Impact sur certains terrain, et la priorité sur un autre, n’augmentera pas mais réduira plutôt le nombre de terrains disponibles pour les étudiants et les jeunes de Montréal-Nord et de Rivière-des-Prairies, et ce, en dépit du fait que le MELS dit privilégier l’usage collectif des installations subventionnées.

Pourquoi le ministère appuie-t-il ce type de projet alambiqué plutôt qu’investir simplement cet argent public dans la construction directe des locaux souhaités par les étudiants-es et les professeurs du Cégep Marie-Victorin ?

Autre anomalie, l’administration de ce cégep n’est visiblement pas indisposée par le succès mitigé que rencontre le Centre d’activités physiques et communautaires de l’est (CAPCE), un autre centre sportif bâti en PPP sur son campus. La location de plateaux y est si dispendieuse que l’association de soccer de Montréal-Nord doit se résoudre à louer des espaces sur à Laval et même à Brossard !

Ces incongruités sont incompréhensibles si l’on ignore la dynamique à l’œuvre dans le développement actuel des services publics où le secteur privé est souvent perçu comme un partenaire indispensable voire providentiel. Mais comme les intérêts de ce dernier sont rarement compatibles avec ceux du public, le résultat de ces ententes est hasardeux.

Autre problème, celui du financement. Les loyers qui financeront la construction d’un nouveau pavillon au Cégep seront-ils toujours là ? Que se passera-t-il si le partenaire privé, dans ce cas-ci l’Impact, disparaît ? Ce pari risqué n’est pas sans rappeler le lamentable fiasco de l’Îlot Voyageur au centre-ville.

Par définition, un PPP est un jeu d’équilibrage entre des intérêts divergents et irréconciliables : ceux des institutions publiques devant donner les meilleurs services possibles à la population et ceux d’entreprises mues par l’appât du gain. Malheureusement, les terrains de soccer du Cégep de Marie-Victorin en sont un nouvel exemple.

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