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« Le gouvernement de l’éducation » : oui mais laquelle?

19 mai 2016

  • Julia Posca

Puisque vous en doutiez, Philippe Couillard a tenu à vous rassurer : « Nous sommes le parti de l’éducation, nous sommes le gouvernement de l’éducation, je suis le premier ministre de l’éducation ». Au conseil général du Parti libéral du Québec (PLQ) la fin de semaine dernière, le premier ministre voulait visiblement ramener l’attention vers son parti dans le dossier de l’éducation.

En effet, la Coalition Avenir Québec (CAQ) proposait il y a trois semaines d’étendre la maternelle à 4 ans à tous les enfants et de rendre l’école obligatoire jusqu’à 18 ans.

« M. Couillard veut maintenant se concentrer sur la réussite scolaire plutôt que de s’engager “dans des chicanes stériles” », apprenait-on dimanche dernier. Le premier ministre veut agir afin de rehausser le taux de diplomation des jeunes. On ne peut être contre la vertu, et il serait plutôt absurde de s’opposer à la réussite scolaire. En revanche, ce qui dérange dans cette obsession pour la diplomation, c’est la vision de l’éducation qui lui est sous-jacente, vision que partagent d’ailleurs tant la CAQ que le PLQ.

Le parti de François Legault croit que « [p]our relever le défi de l’innovation, il faut choisir les bonnes cibles. La première est l’éducation qui doit devenir une véritable priorité au Québec. » Aux yeux de l’ex-dirigeant d’Air Transat, l’éducation doit ainsi être au service de l’économie, plus spécifiquement de l’économie du savoir (« l’innovation »). En témoigne par exemple la volonté de la CAQ de mieux informer les élèves du secondaire quant aux besoins du marché du travail, de valoriser, à l’université, « des domaines où se situe l’avenir économique du Québec, notamment le génie, les technologies et les sciences de la santé » et de financer la recherche universitaire qui se fait en partenariat avec les « entreprises innovantes ».

Dans son « Plan pour la réussite en éducation et en enseignement supérieur », annexé au budget 2016-2017, le gouvernement Couillard soutient pour sa part que :

L’éducation et l’enseignement supérieur constituent des leviers qui facilitent l’intégration sociale et l’accès au marché du travail. La capacité du système d’éducation à accroître la scolarisation des Québécois contribue au développement du Québec, et ce, tant par l’enrichissement économique, social et culturel que par la lutte contre la pauvreté.

À cet effet, le plan prévoit des mesures afin d’encourager la réussite et l’excellence, comme améliorer l’adéquation formation-emploi et favoriser le transfert de technologies des établissements d’enseignement vers les entreprises.

Autrement dit, les deux formations politiques (mais elles ne sont pas les seules) ont la ferme conviction que l’éducation n’est vraiment utile que si elle est en phase avec l’impératif de la croissance économique. Aux élèves, il convient alors d’enseigner comment évoluer dans un monde dominé par les entreprises privées, à mettre en valeur leurs compétences sur le marché du travail et à faire dans toutes les sphères de leur vie les choix les plus rentables.

C’est dans cet esprit qu’a été conçu le nouveau cours d’initiation aux finances personnelles, élaboré entre autres par l’Autorité des marchés financiers, l’Union des consommateurs, le CIRANO et le président du groupe BMO, L. Jacques Ménard. Il vient d’être approuvé par le ministre de l’Éducation Sébastien Proulx et deviendra optionnel pour les élèves du secondaire à partir de la rentrée 2017.

Contrairement au précédent cours d’économie, rayé du programme en 2009, celui-ci, ne vise pas à initier les jeunes au fonctionnement du système économique actuel. À la place, on prévoit :

leur enseign[er] l’importance de l’épargne et de l’équilibre du budget, les dangers du crédit, les choix de consommation et le fonctionnement du marché du travail, notamment, plutôt que de s’attarder aux grands concepts économiques comme l’offre et la demande ou l’inflation.

Bref, on leur apprendra à être de bons consommateurs et de bonnes consommatrices, gracieuseté d’une vision totalement dépolitisée de la réalité sociale et économique.

Voilà qui est préoccupant pour qui a à cœur de former pas simplement une main-d’œuvre sachant exercer son pouvoir d’achat, mais des citoyennes et des citoyens dotés d’un esprit critique et créatif.

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