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Séduire l’électorat à coup de CPE

1 juin 2018

  • Eve-Lyne Couturier

Tout comme la classe moyenne, les familles sont souvent au cœur des promesses électorales. On veut les aider financièrement, leur donner accès aux meilleurs services, s’assurer que leurs enfants puissent s’épanouir et devenir, à leur tour, des contribuables à qui on pourra promettre des baisses d’impôt en échange de leur vote. Or, voilà que l’électorat, échaudé par des années d’austérité, ne semble plus si intéressé par les questions d’argent. C’est vers les services que celui-ci se tourne, pointant du doigt les infirmières brûlées, les CHSLD qui peinent à répondre dignement aux besoins des personnes âgées ou les écoles pleines de moisissures… Ainsi, les CPE ont maintenant la cote politique.

S’il est vrai que notre système de service de garde fait l’envie de plusieurs, on ne peut pas nier non plus qu’il a été négligé ces dernières années. Alors que les rapports sont unanimes pour dire que les services offerts par les CPE sont en moyenne de bien meilleure qualité que ce qu’on retrouve dans les garderies privées non-subventionnées, le gouvernement a tout de même choisi de favoriser la création de ces dernières. Depuis leur élection, les tarifs pour les familles les mieux nanties dans le système subventionné ont beaucoup augmenté, le crédit d’impôt pour rembourser les frais de garde de celles qui ont des places non-subventionnées est de plus en plus généreux et ce sont dans les garderies privées que le gouvernement a accepté de créer le plus de places.

L’argument libéral était de favoriser le libre-choix des parents. Pourtant, comme le faisait remarquer Paul Journet, il est absurde de parler de libre-choix quand on parle de places en garderies. D’une part, comment peut-on évaluer a priori la qualité d’un service de garde  quand on est parent? L’information n’est pas facilement accessible et encore faut-il avoir le temps et les moyens de faire des comparaisons. D’autre part, l’accessibilité est très importante. On privilégie des services de garde de proximité, encore une fois pour des raisons de temps et de moyens (et aussi parce qu’avoir des ami·e·s dans le quartier, on aime ça). Finalement, en misant sur le libre-choix, le gouvernement sous-entend qu’il est de la responsabilité des parents de s’assurer de la qualité des établissements, pendant que lui mise sur la quantité.

Des promesses

Toutefois, on remarque qu’à l’approche des élections, tous les partis ont envie de vêtir les habits de champions des CPE ; même le PLQ. Ce dernier promet maintenant de favoriser les CPE dans l’attribution des nouvelles places et reconnaît l’importance des services de garde dans la socialisation et l’éducation des enfants en milieu précaire en rendant entièrement gratuite la garde pour les familles prestataires de l’aide sociale. Mieux vaut tard que jamais, mais l’échéance électorale fait sourciller même les moins cyniques.

Du côté du PQ, ils promettent un retour au tarif universel en garderies subventionnées, indexé chaque année. Ce tarif diminuerait selon le nombre d’enfants d’une fratrie qui fréquente le service de garde : le premier serait plein prix, le deuxième, moitié prix et gratuit pour le troisième et les suivants! Les services de garde seraient également gratuits pour les familles avec des revenus de moins de 34 000$. Mais on se rappellera leurs promesses avant d’être élus en 2012 : les tarifs devaient être gelés, mais ce gel aurait été bien temporaire, puisque le PQ comptait les augmenter de près de 30 % d’un seul coup dans un deuxième mandat.

Quant à la CAQ, ça dépend à qui on demande. Pendant leur congrès qui se déroulait la fin de semaine dernière, François Legault a vanté le modèle des CPE et appelé à son développement. Cette déclaration enthousiaste a été tempérée bien rapidement par Geneviève Guilbault, la porte-parole en matière de famille. Malgré les études qui s’accumulent pour dire le contraire, elle prétend qu’il n’y a aucune preuve de la meilleure qualité d’un réseau par rapport à un autre et que la liberté de choix (encore elle) est à privilégier. Éric Caire est d’ailleurs d’accord. «Je veux bien qu’une étude me dise que j’ai tort, vos enfants ont été mal servis, mais ce n’est pas vrai, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise!» Qui a besoin de rapports d’experts quand on a nos anecdotes?  Bref, le chef peut bien dire ce qu’il veut pour attirer des votes, mais le vernis craque déjà. Son idéal en est un de marché, et tant pis pour la qualité.

QS n’a pas encore rejoint le bal des promesses. Tout au plus, on apprenait la semaine dernière que Gabriel Nadeau-Dubois suggérait de convertir les garderies commerciales en CPE. Cela voudrait dire une gestion démocratique avec les parents, de meilleures conditions de travail pour les éducatrices et des exigences de formations plus élevées. Voilà une proposition intéressante. Mais reste encore la question des tarifs, de la gratuité pour certains segments de la population, du développement du réseau, etc. À n’en point douter, QS aura aussi son plan CPE d’ici le 1er octobre.

***

Chose certaine, les CPE sont populaires au Québec. Plusieurs familles attendent avec espoir un appel qui leur garantira une place. Et pour les chanceuses qui y ont droit, la qualité est reconnue et chérie. Dans les dernières années, les mouvements de solidarité envers les services de garde ont témoigné de cet attachement collectif. Les politiciens ne peuvent l’ignorer, du moins, avant les élections. Malheureusement, les priorités changent bien vite une fois un parti porté au pouvoir. Cela nous rappelle une autre fois que la démocratie ne peut se limiter qu’au vote : il faudra tenir responsable le prochain gouvernement élu et le forcer à agir. Au-delà des considérations monétaires, il s’agit du bien-être de futures générations, et de la paix d’esprit (et de portefeuille) de bons nombres de parents…

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