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Dépenser vite pour négocier moins

6 novembre 2019

  • Eve-Lyne Couturier

Le gouvernement de François Legault vient d’annoncer la fin du tarif différencié selon les revenus pour les CPE et les garderies subventionnées et la bonification de l’allocation familiale québécoise. Il s’agissait là de promesses faites lors de la campagne électorale, mais la nouveauté tient à deux éléments : d’une part, l’échéancier est beaucoup plus rapide que prévu (au départ, on parlait d’un étalement jusqu’en 2022) et d’autre part, ce sera rétroactif pour 2019. De quoi se réjouir pour les familles de jeunes enfants. Cependant, cette bonne nouvelle pourrait cacher autre chose de moins noble.

C’est que s’entament présentement les négociations du secteur public. Déjà, les demandes salariales des infirmières et des enseignantes ont commencé à faire les manchettes en raison des demandes salariales beaucoup plus élevées qu’à l’habitude. Plusieurs arguments sont utilisés pour justifier ces hausses. D’une part, il y a la comparaison avec des secteurs comparables. Que ce soit en se comparant avec les autres provinces ou avec les autres paliers de gouvernement, les employé·e·s du secteur public au Québec reçoivent un salaire plus faible. Pire encore, les dernières rondes de négociations ont créé un déséquilibre par rapport aux autres secteurs de l’économie puisque le secteur public est le seul qui a connu une baisse de son pouvoir d’achat depuis 2000. Il s’agit aussi du seul secteur à être à prédominance féminine. En d’autres mots, les hausses de salaire consenties dans les dernières rondes de négociation étaient plus basses que l’inflation et ont appauvri les personnes qui travaillent pour l’État.

Il y a donc un rattrapage à faire. Celui-ci devient encore plus important quand on prend en considération le retard historique de rémunération en éducation, en santé et dans la fonction publique par rapport aux salaires octroyés dans les sociétés d’État (qui sont, elles, des entreprises à prédominance masculine). Cependant, après des années d’austérité où le secteur public a principalement été mis à contribution, voilà que le gouvernement nage dans les surplus. Cette situation change le rapport de force pour ces négociations en enlevant un des principaux arguments du gouvernement, soit l’insuffisance des fonds publics.

Quand les syndicats ont fait valoir leur position au gouvernement, celui-ci leur a toutefois répondu que l’argent disponible était destiné aux Québécois·es et non aux syndicats. Voilà un drôle d’argument quand on sait qu’environ 20% des emplois au Québec appartiennent au secteur public, et que ces emplois génèrent d’importantes retombées économiques et sociales dans toutes les régions du Québec.

Revenons maintenant à l’annonce du gouvernement quant aux CPE et garderies à tarif réduit. En choisissant d’accélérer sa promesse et de la rendre rétroactive, François Legault s’organise pour diminuer les surplus disponibles en les offrant aux parents de jeunes enfants, un groupe de personnes presque plus populaire que la classe moyenne lorsqu’il est question de politique. De plus, il règle une iniquité dénoncée depuis sa mise en place, à savoir que les familles doivent payer deux fois : une fois à travers les tarifs exigés pour les services de garde, et une autre à travers sa contribution fiscale. L’accélération de la mise en place de l’allocation familiale procède d’une dynamique similaire. Il est difficile de critiquer de telles décisions sans se mettre une bonne part de la population à dos. Mais voilà que les surplus diminuent plus vite que prévu, et avec eux la marge de manœuvre du gouvernement. Une belle coïncidence.

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