Croissance et environnement peuvent-ils faire bon ménage?
23 novembre 2021
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Aux États-Unis, le contexte pandémique et la crise climatique ont fait croître l’intérêt pour un « Green New Deal » (GND), une série de mesures de relance économique qui comprendraient entre autres des investissements substantiels dans les technologies vertes. Les appels à une « relance verte » sont aussi nombreux au Canada et au Québec. Selon cette approche qui fait miroiter la possibilité d’une « croissance verte », nos économies pourraient produire plus et mieux, et ce, sans les désavantages associés au productivisme et à l’extractivisme (pollution, destruction des écosystèmes, perte de la biodiversité, etc.).
Il serait autrement dit possible de parvenir à un « découplage » de la croissance et de son impact environnemental, c’est-à-dire de faire croître l’économie sans creuser son empreinte écologique. La transformation radicale des manières de produire nos conditions de vie (extraction, transformation, types d’emploi, technologies) permettrait de préserver les caractéristiques les plus recherchées de nos économies (variété de choix, qualité des produits, rapidité de la satisfaction des besoins). Est-il réellement possible de réaliser un tel découplage? Ce texte explore les implications de ce découplage pour mieux répondre à cette question.
Les dimensions de la croissance
L’indicateur le plus souvent utilisé pour mesurer la croissance économique d’une nation est sans doute le produit intérieur brut (PIB). La croissance du PIB est généralement associée à celle du niveau de vie de la population, une idée fort critiquée qui a pourtant la vie longue. En réduisant le niveau de vie à une question d’ordre monétaire, le PIB masque entre autres le fait que la croissance économique suppose une croissance de la quantité de matière utilisée dans la production de biens et services.
Certes, la croissance économique peut résulter d’activités n’impliquant pas la production de biens, mais celle-ci représente toujours une part importante de nos économies. Pour croître, les entreprises productives cherchent constamment de nouveaux marchés, par exemple dans les économies dites « émergentes ». Cette forme de croissance entraîne un recours accru aux ressources naturelles, une hausse du transport, une multiplication des lieux de transformation, ainsi qu’une augmentation de la quantité de combustibles fossiles et de matériaux employés. Ainsi, la croissance du PIB peut s’accompagner d’une hausse du niveau de vie, mais elle entraîne immanquablement des conséquences environnementales importantes.
La comparaison entre l’évolution des émissions mondiales de CO2 et celle du PIB, illustrée aux graphiques ci-bas, nous permet de constater le couplage étroit entre les dimensions monétaire et matérielle de la croissance. On remarque en effet que l’explosion du PIB global à partir des années 1950 suit une courbe quasi identique à celle des émissions globales de CO2. La progression simultanée de ces deux tendances met en évidence l’impact environnemental de la progression globale de notre niveau de vie.
Source : Steffen et al. (2015) The trajectory of the Anthropocene : The Great Acceleration, The anthropocene Review, pp. 84 et 87.
Les partisans de la croissance, qui réfléchissent généralement en termes de coûts-bénéfices, considèrent les impacts environnementaux de la production comme une conséquence malheureuse à laquelle il faut remédier en « diminuant les coûts ». Le découplage résulterait ainsi d’une optimisation des processus de production, les gains d’efficacité obtenus par le recours à des technologies vertes assurant par exemple de produire plus de biens avec un impact environnemental moindre.
Comment découpler?
C’est donc en investissant dans ces technologies qu’on espère réaliser cette promesse d’efficacité. L’exemple de la voiture électrique, qui fournit les mêmes services qu’une voiture à essence, mais sans les émissions de GES, permet d’illustrer cette logique. On s’attend à ce que dans l’ensemble de nos industries, les technologies vertes fournissent les mêmes services que les technologies industrielles actuelles, impacts environnementaux en moins.
Or, cet argument fait l’impasse sur les coûts additionnels associés à l’utilisation de ces nouvelles technologies, qui ont pour effet de supplanter les gains présumés. Par exemple, la production de voitures électriques, qui dépend de l’extraction de certaines ressources (en particulier le lithium des batteries), s’accompagne de nouvelles destructions environnementales. Le recours à l’électricité, qui doit remplacer les carburants fossiles, entraîne une demande accrue envers les réseaux électriques globaux, forçant l’instauration de nouvelles infrastructures énergétiques (centrales, lignes à haute tension, postes électriques, bornes de recharge, etc.) qui se traduisent à leur tour par une plus grande empreinte matérielle. On comprend ainsi que la transition vers une croissance verte ne provoque pas nécessairement un découplage des impacts matériels de la production. En haussant la demande pour de nouvelles infrastructures, les investissements dans les technologies vertes font plutôt croître notre empreinte matérielle, multipliant les potentiels dommages environnementaux au point de remettre en question les bénéfices prônés par le découplage.
En conclusion
Le découplage apparaît ainsi comme une croyance fondée sur le refus de reconnaître les mécanismes responsables de la crise environnementale et climatique actuelle, ainsi que les possibles effets négatifs de l’utilisation de technologies vertes. Qu’elles soient vertes ne change rien au fait qu’elles ont des impacts bien réels qu’il faut prendre en considération. Au contraire, les investissements historiques dans la technologie se sont accompagnés d’une importante croissance de l’empreinte matérielle globale. En ce sens, si les technologies vertes ont peut-être un rôle à jouer dans la lutte aux changements climatiques, elles ne doivent pas en constituer le cœur, sous peine de maintenir le statu quo.
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1 comment
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Comment découpler?
Il suffit de produire plus avec moins d’énergie dans une proportion d’au moins 200 pour 1 en moyenne.
Le gros hic, c’est qu’on ne sait pas faire ça!
On n’arrive pas à séparer la production de CO2 de la production énergétique avec les sources d’énergies courantes.
… À moins de s’en aller 100% nucléaire!
C’est la seule source d’énergie qui ne crée pas de CO2.