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Budget du Québec : une comptabilité à revoir

11 avril 2024

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4min

  • PB
    Pierre Beaulne

Depuis la création du Fonds des générations (FG) en 2006, le gouvernement du Québec a introduit dans ses comptes deux notions de solde budgétaire qui sont source permanente de confusion et de controverses, en plus d’affecter l’orientation de la politique budgétaire. C’est une grosse épine dans le pied. Comment s’en sortir?

En effet, on retrouve dans le budget le solde lié aux activités, d’une part, et le solde selon la Loi sur l’équilibre budgétaire, d’autre part. Le premier, classique, établit la différence entre les revenus et les dépenses de l’État. C’est la notion utilisée par les autres provinces canadiennes dans leurs comptes budgétaires. Le second est déterminé en rajoutant la contribution du gouvernement au Fonds des générations. Dans le récent budget pour 2024-25, il est prévu que le déficit lié aux activités s’établira à 8,8 milliards de dollars, tandis que le déficit selon la Loi s’établira à 11 milliards de dollars, en ajoutant la contribution de 2,2 milliards de dollars au FG.

Comme l’Alberta possède un fonds du même genre que le FG, il n’est pas sans intérêt d’examiner comment celui-ci s’articule aux finances de la province. En effet, inspirée par la Norvège, l’Alberta s’est dotée du Heritage Fund en 1976 pour épargner de l’argent afin de compenser dans l’avenir l’épuisement des ressources non renouvelables. Après des débuts spectaculaires, les fonds accumulés ont plutôt servi dans les dernières décennies à compenser la chute des prix pétroliers. Tant et si bien que le Heritage Fund n’est guère plus gros aujourd’hui que le Fonds des générations (24 contre 17 milliards de dollars). Depuis l’année dernière, le gouvernement albertain a entrepris de remplumer le Heritage Fund en vue d’éliminer la dette de la province – rien de moins! –, bien que celle-ci ne représente que 9,3 % du PIB.

Dans ses comptes budgétaires, l’Alberta inclut dans la colonne des revenus les revenus de placements du Heritage Fund, tout comme le fait le Québec avec ceux du FG. Cependant, les placements du gouvernement dans le Heritage Fund n’apparaissent pas dans le budget, à la différence du Québec. Ceux-ci sont plutôt traités dans les flux de trésorerie aux rubriques des activités de placement.

Il faut rappeler qu’on se trouve ici en présence de deux univers. D’un côté les comptes budgétaires, de l’autre les flux de trésorerie, qui enregistrent l’argent qui entre et qui sort en cours d’année. Ces derniers se distinguent du budget du fait que la comptabilité d’exercice ne prend pas en considération le moment où les opérations sont réglées par un encaissement ou un décaissement. En outre, ils englobent un éventail plus large d’opérations financières, notamment les investissements en immobilisations du gouvernement et les activités de placements, dont ceux dirigés au Fonds des générations (voir Comptes publics 2022-23, Vol. 1, État consolidé des flux de trésorerie, p. 88). En comparant, on s’aperçoit que le Québec gère ses flux de trésorerie comme l’Alberta, appliquant le même traitement comptable au FG que l’Alberta au Heritage Fund.

Alors, pourquoi gonfler le déficit ou amenuiser le surplus budgétaire en rajoutant les contributions au Fonds des générations, le seul type de placement à recevoir ce traitement ? Et, tant qu’à y être, pourquoi ne pas réserver le même sort aux quelque 7 milliards de dollars de placements autres réalisés par Québec en 2023 ? L’exemple de l’Alberta montre bien qu’il n’y a pas de raison technique pour procéder de la sorte.

Cette divergence par rapport aux pratiques comptables des autres provinces ne reflète que les contraintes artificielles imposées par la Loi sur l’équilibre budgétaire, renvoyant une image déformée du solde budgétaire. Cela répond davantage à des préoccupations d’un autre ordre, essentiellement propagandiste, comme de mettre en relief le souci du gouvernement pour les générations futures et, plus prosaïquement, pour rester dans les bonnes grâces des agences de notation de crédit.

Il est grand temps que le gouvernement du Québec fasse le ménage dans sa comptabilité budgétaire en renonçant à cette notion de solde selon la Loi sur l’équilibre budgétaire. Après tout, comme dit l’adage populaire, ce qui est bon pour pitou est bon pour minou.

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3 comments

  1. Merci d’avoir éclairci un autre pan de la créativité comptable gouvernementale!

  2. Comment un état peut être souverain quand il a une dette?
    Pourquoi l’état n’emprunte pas sans intérêts à la banque centrale?

    Si j’utilise la méthodologie du gouvernement québécois, je peux conclure que le québécois moyen paye 75% de taxes sur son revenu brut. 20% au fédéral. 21% au provincial. 14% pour les frais d’emploi. 15% pour les taxes de vente. C’est sans compter les taxes sur l’alcool, les cigarettes et l’essence que je place a environ 5%. Ça a le mérite de pouvoir représenter exactement le pouvoir d’achat des citoyens, soit 25% de leur revenu brut. Qui peut encore dire que l’on n’est pas trop taxé? Le système féodal se serait écroulé quand le taux de taxation aurait dépassé 38%. On en est bien loin.

    Pour gérer, on a besoin d’une colonne “revenus”, d’une colonne “dépenses” et d’une colonne “balance”. Il est où le problème? Des comptables déifiés, peut-être?

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