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Provenance professionnelle des ministres du gouvernement du Québec : une brève analyse historique

22 octobre 2024

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5min


En 2021, François Legault a fustigé les partis d’opposition qui s’opposaient à une réforme du code d’éthique de l’Assemblée nationale, leur reprochant notamment de réduire les opportunités pour les gens d’affaires désirant se lancer en politique. Nous nous sommes alors interrogés: les personnes du milieu des affaires sont-elles véritablement désavantagées dans l’accès aux sphères politiques? Qui a réellement accès aux fonctions politiques? Le Québec moderne a-t-il été bâti selon une diversité d’expertises et de points de vue? Et, plus spécifiquement, quelle est la provenance socioprofessionnelle des ministres du gouvernement du Québec?  

Ce texte poursuit l’analyse publiée par l’IRIS en mai 2023. Il vise à analyser et répertorier les secteurs socioprofessionnels d’origine de 301 ministres en poste entre 1944 et 2022. Ces données seront comparées avec la composition ministérielle au lendemain de la plus récente élection, soit en 2022.

De prime abord, on constate que le droit, l’éducation et le monde des affaires sont les trois secteurs socioprofessionnels les plus représentés au conseil des ministres depuis 1944 (52% du total des postes). Quels constats ressortent de l’analyse de ces trois secteurs?

Le droit

Près du quart (24%) de tous les postes de ministres ont été occupés par des personnes provenant du milieu juridique. Quel est leur profil?

Premièrement, ce sont des hommes en plus grande proportion : 27% des hommes ministres proviennent du secteur du droit, comparativement à 13% pour les femmes ministres.  

Deuxièmement, ils occupent des postes plus importants : 31% des postes de ministres considérés comme influents – premier ministre, ministres de l’Éducation, de la Santé, de l’Économie et des Finances – ont été remplis par des personnes provenant de ce secteur.

Troisièmement, ils sont souvent libéraux : sur les 113 ministres en poste lors des législatures du Parti libéral du Québec (PLQ), 36 proviennent du secteur du droit (32,9%). Les autres partis ont des proportions plus faibles (PQ : 18,4%; CAQ : 12,9%; UN : 25,6%).

Le monde des affaires

Tout comme ce fut le cas pour l’Union nationale (UN), un grand nombre de ministres de la CAQ proviennent du monde des affaires (CAQ : 29%; UN : 28%). Ce secteur socioprofessionnel ne représente pourtant que 3% de la population adulte québécoise.

Est-ce que cette similitude dans la composition des gouvernements de François Legault et de Maurice Duplessis peut expliquer les points de convergence dans le style de gestion de ces deux premiers ministres québécois? En effet, la forte présence du milieu des affaires en leur sein peut être vue comme allant de pair, tant à la CAQ qu’à l’UN, avec une approche essentiellement managériale, caractérisée par une priorisation excessive de la croissance économique, d’une certaine aversion pour l’État-providence et d’un contrôle hiérarchique des structures étatiques.

L’éducation et les autres secteurs sociaux

Par une tendance qui semble inversement proportionnelle à celle caractérisant le milieu des affaires, le milieu de l’éducation a été particulièrement bien représenté entre les années 1994 et 2001, périodes où le PQ était au pouvoir.

Il en va de même pour les secteurs socioprofessionnels dits « sociaux » (éducation, santé, secteur public, mouvements sociaux, culture et communications), qui affichent une tendance à la hausse, bien que fluctuante, durant cette période.  

Le PQ est largement représenté par ces secteurs socioprofessionnels. En effet, sur les 114 postes de ministres péquistes, 64% proviennent des secteurs « sociaux ». Pour les trois autres partis, cette proportion est de 29,4%. La hausse du nombre de ministres provenant de secteurs « sociaux » peut également être associée à une plus grande représentativité de femmes au sein des cabinets ministériels. En effet, parmi les 65 postes de ministres comblés par des femmes tout au long de la période étudiée, 39 proviennent de secteurs sociaux, soit 60% (du côté des hommes, cette proportion est de 37,7%).

Remarques finales

Cette brève analyse nous amène, étant donné leur surreprésentation au gouvernement dans l’histoire récente du Québec, à rejeter l’idée selon laquelle les gens d’affaires auraient besoin d’un quelconque soutien pour accéder aux hautes sphères du pouvoir.

À l’inverse, tout au long de la période étudiée, un seul poste de ministre a été pourvu par une personne provenant du monde ouvrier : Maurice Bellemare, mesureur de bois, commis voyageur et serre-frein ferroviaire, a été ministre de l’Industrie en 1966. Notons en outre que sur les 301 postes de ministres étudiés, seulement 7 proviennent des secteurs syndicaux, communautaires et populaires, dont 71% sont des femmes.

Enfin, il est important de préciser que le haut de la pyramide socioprofessionnelle domine même à l’intérieur des secteurs : les ministres provenant du secteur de la santé sont majoritairement médecins, alors que ceux et celles provenant du milieu de l’éducation sont liés à l’université ou à des postes de gestion dans le secteur.  Par ailleurs, 8,5 % des postes ministériels occupés par des hommes l’ont été par des professionnels du secteur de la santé, contre seulement 4,6 % pour les femmes. Ceci est, naturellement, peu représentatif du secteur de la santé en général, où les femmes occupent 80% des emplois.

En bout de piste, le dessein de tout cabinet ministériel ne devrait-il pas être de refléter fidèlement la diversité socioprofessionnelle de la société québécoise? Notre analyse révèle que l'arrivée des femmes en politique a joué un rôle clé dans cette diversification progressive. Peut-être est-ce justement là une clé pour aller encore plus loin?

Avec la contribution de Marie-Sophie Villeneuve.

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1 comment

  1. L’assemblée nationale est dite “représentative”. Ce mot possède deux sens distincts.
    – Le premier traite d’une assemblée ou y est reproduit la composition socio-économique du peuple qui l’a élue ou ses membres sont de réels représentants de ceux qui les ont élu, les consultant au besoin.
    – Le second, se rapporte à une assemblée ou les élus ont une procuration de 4 ans sans avoir de compte à rendre à quiconque de ceux qui les ont élus, donnant factuellement le statut de mineur au peuple qui ne peut plus parler, agir ou décider pour lui-même.

    L’un est de nature progressiste, alors que l’autre est nettement coercitif.

    Une élection par tirage au sort est l’une des seules protection de la démocratie.

    À partir du moment que quelqu’un désire un poste d’élu, au point de faire une campagne pour l’être, il devrait être disqualifié sur le champs.

    Nos élus actuels, alors qu’ils ont la compétence de décider, ils démontrent régulièrement qu’ils sont pas qualifiés pour le faire.
    C’est la dichotomie de nos institutions publiques.