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Le prix du lait : lequel?

30 novembre 2022

Lecture

5min

  • ML
    Maxime Laplante

L’indice des prix à la consommation a connu des hausses importantes récemment et plusieurs raisons sont évoquées : COVID-19, guerre en Ukraine, changements climatiques, marge des détaillants, etc.

Qu’en est-il du prix du lait payé au Québec? Là encore, il faut distinguer le prix payé par le consommateur, le prix payé à la ferme et le prix que paient les transformateurs pour obtenir cet ingrédient de base qu’est le lait en vue d’en faire du fromage, du beurre, du yogourt, du lait pour consommation à 2%, 3,25%, etc. Tous ces prix diffèrent.

Le lait, ça coûte combien?

Pour le fermier ou la fermière, communément appelé producteur agricole

Une fois par an, (sauf lors de situations particulières, comme en 2022 où, en raison de la pandémie, il y a eu deux hausses) la Commission canadienne du lait (CCL) propose un prix payé à la ferme. Chaque province peut ensuite accepter cette recommandation ou non. C’est généralement accepté sans retouche. Au Québec, c’est la Régie des marchés agricoles et alimentaires (RMAAQ) qui entérine la proposition de la CCL.

Méthode de calcul

La CCL confie à une firme le soin d’analyser les coûts de production (CdP) de 200 fermes laitières au Canada et établit un taux moyen d’augmentation des coûts, comme les carburants, la main-d’œuvre, les aliments, etc. La CCL considère ensuite l’indice des prix à la consommation (IPC). Puis elle fait une moyenne (50/50) pour établir l’augmentation du prix du lait payé à la ferme, tel qu’illustré dans l’encadré suivant.

Formule de rajustement du prix du lait

Rajustement du prix en pourcentage = (50 % de la variation du coût de production) + (50 % de l’indice des prix à la consommation).

Ainsi, au début de l’année 2022, le prix moyen payé à la ferme avoisinait 0,80$/litre, avec une prime de 0,19$/litre pour la production biologique.

MAIS… Ce calcul peut toutefois être modifié en raison de circonstances exceptionnelles:

  • Critère no 1 : événement imprévu ayant une incidence sur le coût de production (CdP), dont les données ne tiennent pas compte.
  • Critère no 2 : écart de 5 points de pourcentage entre le CdP et l’indice des prix à la consommation (IPC).
  • Critère no 3 : écart maximal de +/-3,5 % entre le prix moyen pondéré des producteurs et le CdP.

Pour le transformateur ou le fromager

La situation est différente pour les entreprises qui transforment le lait. Pour comprendre ce qu’est le prix moyen pondéré des producteurs, il faut voir ce que paie le fromager ou le transformateur qui achète le lait brut (comme Saputo, Agropur, etc.). En effet, on sait que la production de lait fait l’objet de quotas à la ferme. La quantité de lait que livre chaque ferme à la fédération des producteurs de lait est fixée. Évidemment, cela signifie aussi que des volumes de lait sont attribués aux acheteurs qui veulent transformer ce lait. Étrangement, le prix que paie l’acheteur n’est pas uniforme. Il varie selon ce qu’il veut en faire.

Le transformateur qui achète du lait ne paie pas le prix versé au fermier, mais plutôt un prix variant selon ce qu’il veut en faire. S’il veut faire du beurre, du yogourt, ou du fromage, ce sera chaque fois un prix différent. Autrement dit, le prix varie selon la classe de lait, présentées dans le tableau suivant :

À la fin 2021, le prix moyen pondéré était d’environ 0,77$/litre, soit un écart de plus de 4% par rapport au coût de production à la ferme. Le calcul de la CCL risque donc d’en tenir compte et d’augmenter le prix payé par les fromagers et transformateurs pour les classes supérieures de lait, comme les fromages, ou de baisser le prix payé à la ferme.

Actuellement, la demande pour le lait de consommation, celui qu'on boit et qui est payé plus cher, baisse. Pendant ce temps, la demande pour le lait « que l’on mange », payé moins cher (fromages, produits transformés, etc.), augmente. Étant donné que le prix payé par les transformateurs dépend de ce qu’ils en font, le prix moyen pour l’ensemble baisse. Et si l’écart est trop grand entre ce prix moyen payé par les transformateurs et les coûts de production à la ferme, la CCL peut revoir son calcul, ce qui a été fait plus souvent qu’autrement au cours de la dernière décennie.

Pour le consommateur

Pour maintenir un certain équilibre, au Québec, la Régie des marchés agricoles fixe donc un prix plancher et un prix maximum pour le lait comme aliment de base. Mais il n’y a pas de maximum pour les produits laitiers à valeur ajoutée, comme les laits finement filtrés, additionnés, etc. Par exemple, au 31 janvier 2022, dans la plupart des régions du Québec, pour un litre de lait 2%, le minimum est de 1,92$/litre et le maximum est de 2,08$/litre.

En conclusion

Le lien n’est pas direct entre le prix du lait payé à la ferme et celui qui est payé à l’épicerie. Le prix versé au producteur de lait est influencé aussi par l’usage qu’en font les transformateurs, surtout si ceux-ci décident d’en faire des denrées appartenant aux « basses classes » de lait, comme les « kits à pizza » ou des croissants au beurre.

Ce qui est également clair, c’est que l’ensemble du processus de fixation des prix manque gravement de transparence. Il est très difficile, pour dire le moins, d’obtenir des informations de la part de la Régie des marchés agricoles à ce sujet, ainsi qu’auprès de la Commission canadienne du lait. Comment est faite l’analyse des coûts de production à la ferme? Comment se fait le calcul des diverses classes de lait? En cette période d’inflation, il y aurait lieu de clarifier la méthode de fixation des prix, surtout dans le cas des aliments de base, sous gestion de l’offre de surcroît.

Maxime Laplante est agronome et producteur biologique

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1 comment

  1. Bref, l’intermédiaire est celui qui s’engraisse le plus!
    Le producteur vit dans la précarité…
    Le consommateur vit dans la pauvreté…

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