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Autonomie alimentaire au Québec : vraiment?

17 juillet 2023

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4min

  • ML
    Maxime Laplante

Autonomie alimentaire, sécurité des approvisionnements, autosuffisance, voilà différentes façons d’aborder ou de définir l’équilibre entre ce que nous produisons au Québec et ce que nous consommons, dans le but d’accéder à une réduction de la dépendance envers les autres nations.

Toutefois, cette analyse ne doit pas se limiter aux quantités de légumes, de viande, de poisson, de fruits que le Québec produit sur son propre territoire. Il faut également tenir compte des ressources nécessaires à leur production. Considérons ici le cas des fertilisants, du moins les principaux, soit l’azote, le phosphore et le potassium, identifiés commercialement sous les lettres N, P et K.

Traditionnellement, les fermes du Québec arrivaient à se suffire en approvisionnement de ces trois éléments, que ce soit par l’usage de légumineuses dans les champs, comme le trèfle ou le lotier, ainsi que par le retour aux champs des fumiers animaux. Les changements radicaux dans notre agriculture ont changé la donne et, par conséquent, les sources de N, P et K.

Dans le cas de l’azote, puisque la spécialisation des fermes a largement séparé les animaux des champs, les cultures céréalières, incluant le maïs, dépendent maintenant largement de l’importation d’engrais azotés, fabriqués essentiellement en utilisant du gaz naturel de Russie. La réaction chimique aboutissant à un engrais azoté utilisable à la ferme requiert d’importantes quantités d’énergie. Pour l’est du Canada, soit l’Ontario, le Québec et les Maritimes, on parle d’environ 680 000 tonnes importées annuellement, à un prix d’environ 1200$ la tonne.

Pour ce qui est du phosphore, la situation est simple : il n’y a pas de mine de phosphate actuellement exploitée au Canada, même si certains sites étaient éventuellement exploitables. Le Québec doit donc importer la totalité du phosphore employé en agriculture, essentiellement en provenance des États-Unis. L’illustration suivante montre l’évolution des sources de phosphore dans le monde, pour en arriver à une consommation moyenne annuelle de 20 millions de tonnes.

Source: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/770897/phosphore-engrais-agriculture-situation

L’image suivante présente les principaux emplacements de mines de phosphore.

Source: https://www.fao.org/3/y5053f/y5053f06.htm

Évidemment, les réserves minières de phosphore ne sont pas illimitées et les estimations varient grandement (entre 40 et 300 ans) sur le temps qui s’écoulera avant l’épuisement des ressources. Le phosphore ne disparaît pas de la planète, mais une bonne partie, par surfertilisation, aboutit dans les cours d’eau et éventuellement au fond de la mer, devenant ainsi difficilement accessible.

Et le potassium? Le Canada, qui est le premier extracteur de potasse dans le monde, exporte l’essentiel de sa production. Sur les 22,5 millions de tonnes de potasse prélevées dans le sol, 21,6 millions de tonnes sont exportées. 11 mines sont en exploitation, dont 10 en Saskatchewan et une au Nouveau-Brunswick. Donc rien au Québec.

Une dépendance accrue et qui croît encore

Cette dépendance face aux engrais grandit avec la spécialisation des fermes. Transporter du fumier s’avère rapidement prohibitif. La ferme spécialisée en cultures céréalières, oléagineuses ou autres, augmente ses besoins en intrants venus d’ailleurs, sous une forme plus concentrée, plutôt que de faire livrer du fumier.

Peut-on faire autrement?

Il est connu de longue date que les plantes de la famille des légumineuses, comme la luzerne, les pois, le trèfle, peuvent capter l’azote contenu dans l’air ambiant grâce à une symbiose avec des bactéries. Beaucoup de fermes, dont les producteurs biologiques, en font usage en semant ces plantes dans leurs rotations de culture, souvent sous forme d’engrais vert. On désigne par engrais vert la culture de plantes qui seront généralement incorporées au sol pour divers objectifs, comme augmenter la matière organique, apporter de l’azote, améliorer la structure du sol, etc.

Pour la potasse et le phosphore, le retour du fumier aux champs se révèle très efficace pour préserver ces éléments dans le cycle. L’usage d’engrais verts contribue à maintenir une vie microbienne active. Ces micro-organismes, dont les mycorhizes, sont en mesure d’extraire du phosphore et de la potasse, ainsi que de nombreux autres éléments, du sol environnant. Une sorte d’extension des cellules végétales.

En somme, discourir sur l’autosuffisance alimentaire du Québec ne servira pas à grand-chose si la réflexion n’englobe pas l’approvisionnement en ressources menant à la production. Cette réflexion devra également s’étendre à la machinerie agricole. À cet égard, le Québec est presque totalement dépendant de l’étranger pour les tracteurs, charrues, presses à foin, moissonneuses-batteuses, etc. Deutz, New Holland, Case, John Deere, Claas, Kverneland, Fiat… la liste est longue. Il en va de même pour la main-d’œuvre, alors que plus de 32 000 travailleurs venus de l’étranger viennent à la rescousse des 28 000 fermes de la province, tendance à la hausse.

En somme, le Québec agricole est très éloigné d’une quelconque indépendance face à l’étranger, une situation qui est de surcroît aggravée par la spécialisation des fermes.

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2 comments

  1. Bien oui, ça prend du fumier d’animaux d’élevage et oui, l’élevage peut être bénéfique pour l’environnement si on organise le pâturage intelligemment. J’aimerais que les végétaliens m’expliquent comment ils feront pour manger bio quand il n’y aura plus de fumier pour faire pousser leur soya et leur avoine…

  2. En réponse à Odette Hélie,

    Odette Hélie
    Bien oui, ça prend du fumier d’animaux d’élevage et oui, l’élevage peut être bénéfique pour l’environnement si on organise le pâturage intelligemment. J’aimerais que les végétaliens m’expliquent comment ils feront pour manger bio quand il n’y aura plus de fumier pour faire pousser leur soya et leur avoine…

    La majorité du soya (77%) est donné aux animaux (https://ourworldindata.org/soy).
    Pas besoin de fumier pour du compost de qualité.

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