Au moins, déboiser l’Amazonie fait rouler l’économie
6 septembre 2019
La semaine dernière, j’ai écrit un billet sur les feux en Amazonie. Je récidive encore, cette fois pour essayer de voir ce qu’il en est des solutions, ce qui est proposé et ce qui devrait être fait. En effet, il ne suffit pas de s’indigner et les mots-clics ont leur limite.
Parmi les groupes qui ont tenté d’agir, on peut penser au G7 qui a proposé une aide de 20 M$ US pour éteindre les feux et aider au reboisement. Après avoir refusé, le président du Brésil se dit maintenant ouvert à recevoir l’argent, à condition que la gestion du fonds respecte la souveraineté de l’État. La réalité, c’est qu’on a beau ne pas aimer les politiques sociales, environnementales ou économiques de Jair Bolsonaro, il reste qu’il y a un bon relent de colonialisme dans l’attitude de ces pays riches du Nord qui viennent dire à leurs homologues du Sud comment gérer leurs ressources naturelles. L’hypocrisie est multiple. D’une part, il semble être plus facile de dire aux autres comment respecter l’environnement que de le faire soi-même. On peut penser ici aux sables bitumineux en Alberta que l’on continue d’exploiter malgré des conséquences désastreuses sur l’environnement, ou aux centrales de charbon que les États-Unis continuent de ne pas vouloir fermer ou à la surpêche au Japon qui déséquilibre l’écosystème marin.
D’autre part, les compagnies qui repoussent sans cesse les limites de la forêt afin de créer de nouveaux pâturages ou de nouvelles cultures ne le font pas dans un vacuum. Ils le font car il y a de la demande, pour du bœuf, pour du soja, et parce qu’il y a de l’argent à faire. Est-ce à dire que tout mangeur de steak et de tofu est coupable par la bande? Peut-être pas. Il n’en demeure pas moins que le Brésil est le plus grand exportateur de bœuf… Et même si on choisissait collectivement de substituer le porc au bœuf ou le riz au soya, on ne ferait que déplacer le problème en créant une demande excessive d’une monoculture. On voit le problème dans la popularité des amandes qui sont en train d’assécher la Californie ou des avocats qui sont en train de détruire les forêts de pins au Mexique. On peut aussi penser au bambou, essence que l’on présente comme panacée pour réduire notre consommation de plastique, mais qui est également moteur de déforestation et victime de surexploitation aux dépens de l’écosystème dont il est issu.
Ce qui se passe présentement en Amazonie me fait penser au scandale de l’an dernier entourant les pailles de plastique : on s’indigne, à juste titre, d’un problème environnemental dont nous sommes responsables, mais le symptôme finit par prendre le dessus sur l’enjeu global dont il est issu. L’an dernier, au lieu de repenser notre consommation de plastique, de remettre en question la façon dont la pêche commerciale pollue les eaux, nous avons commencé à refuser des pailles dans nos cafés glacés (fermant les yeux sur les verres en plastique dans lesquels nous les buvions). Cette fois, nos consciences sont happées par les feux au sud de l’équateur et certains sont prêts à revoir le statut international de l’Amazonie sans qu’il y ait beaucoup de réflexion sur les raisons qui expliquent les modèles d’affaires qui favorisent le déboisement et les brûlis.
Alors, que faire? On peut réduire sa consommation de produits provenant du Brésil ou de l’Amazonie et favoriser les certifications qui protègent la forêt. On peut donner à des organismes de protection de l’environnement pour financer des actions sur le terrain. On peut devenir militant et participer à la conscientisation de son entourage pour que l’on pense plus globalement nos petits gestes. On peut exiger que nos propres gouvernements respectent les accords sur le climat, même si c’est difficile, même si ça coûte cher. On peut aller chercher l’argent où il est. Si les vedettes internationales sont capables sans même soupirer de débourser 1,2 G$ pour sauver une cathédrale, elles peuvent sûrement faire encore mieux pour sauver une planète. On peut arrêter d’élire et de cautionner des partis politiques pour qui l’environnement, oui, mais à condition que l’économie… La solidarité morale, c’est bien, mais il faut aussi agir si on veut que les choses changent. Et le temps presse avant que les feux atteignent nos maisons.