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Après deux ans de pandémie, il est urgent de réformer les soins de longue durée au Canada

17 mars 2022

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6min

  • KS
    Katherine Scott

Deux ans après le début de la pandémie mondiale de COVID-19, les centres de soins de longue durée du Canada demeurent un symbole tragique de négligence : plus de 20 000 des 36 500 décès liés à la COVID au pays sont survenus dans ces établissements, ce qui représente à l’échelle mondiale un record.

La majorité des infections à la COVID-19 et des décès dans les centres de soins de longue durée du Canada étaient concentrés dans le secteur à but lucratif, un secteur détenu et exploité par de grandes chaînes qui ont continué à récolter des bénéfices malgré la tragédie qui se déroulait dans ces établissements.

En 2020 seulement, les décès liés à la COVID dans les centres à but lucratif représentaient 78 % des décès de résident·e·s par rapport aux centres de soins de longue durée à but non lucratif en Ontario.

Nous avons également une idée du montant des bénéfices des exploitants privés d’établissements de soins de longue durée à but lucratif cette année-là, grâce aux nouvelles données de Statistique Canada sur le secteur. Le montant : 1,4 milliard de dollars.

Les bénéfices des centres de soins en 2020 étaient les plus élevés au Québec et en Ontario, provinces avec la plus grande part de la population et la plus grande part d’établissements résidentiels pour personnes âgées, toujours selon les données de Statistique Canada. Les résidences pour personnes âgées du Québec sont les plus rentables depuis plusieurs années et la pandémie n’a pas freiné cette tendance. Au cours de la première année de COVID-19, elles ont en effet rapporté un bénéfice de 13,6 % aux investisseurs en 2020.

De nombreux opérateurs de soins de longue durée au Québec et ailleurs se sont également prévalu des aides d’urgence mises en place dans le cadre de la  pandémie, dont la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC) et les suppléments pour les travailleuses et les travailleurs essentiels, et ce au moment même où ils versaient des millions de dollars en dividendes à leurs investisseurs.

Les grandes chaînes privées, de plus en plus présentes partout au Canada, sont en mesure de dégager des profits considérables pour leurs actionnaires parce qu’elles fonctionnent avec un déficit de personnel et offrent des salaires, des avantages sociaux et des régimes de retraite inférieurs à ce qu’on observe dans le secteur public. Dans l’ensemble du pays, les établissements à but lucratif comptent 34 % moins d’employé·e·s et dépensent moins pour les soins directs que les établissements publics.

Un récent rapport du défenseur des personnes âgées de la Colombie-Britannique (B.C. Office of the Seniors Advocate)  montre que le secteur à but lucratif dépensait en moyenne 17 % de moins par heure travaillée que les établissements à but non lucratif. Les salaires versés aux aides-soignant·e·s, en particulier, étaient jusqu'à 28 % inférieurs à la norme de l’industrie.

Une seule donnée dit tout : les coûts de main-d’œuvre, en proportion des dépenses d’exploitation, sont considérablement plus faibles dans les établissements à but lucratif que dans les établissements publics. À l’échelle nationale, les coûts de main-d’œuvre dans les établissements de soins de longue durée à but lucratif étaient inférieurs de19 points de pourcentage, en moyenne, en 2020.

Chaque dollar détourné pour les profits est un dollar de moins pour soutenir les soins essentiels aux résident·e·s vulnérables.

Le système de soins de longue durée du Canada était mal préparé à la COVID-19, épuisé et mis à rude épreuve par deux décennies de mesures d’austérité et de négligence. L’ampleur de la catastrophe dans les centres de soins aurait dû déclencher une refonte en profondeur de la façon dont nous prenons soin des personnes âgées et des personnes handicapées dans ce pays. Au lieu de cela, nous avons eu droit à de nombreuses déclarations officielles, mais à peu de changements de fond.

En Ontario, nous avons même carrément perdu du terrain. Les entreprises de soins de longue durée à but lucratif ont fait pression avec succès pour esquiver la responsabilité des décès et des souffrances qui ont eu lieu dans leurs établissements. Le gouvernement a adopté une loi pour les indemniser rétroactivement contre toutes les fautes professionnelles qu’ils auraient pu commettre, même de manière volontaire, tout en s’engageant pour 30 ans dans de nouveaux contrats commerciaux afin de rénover les centres les plus anciens et en construire et en exploiter de nouveaux.

Pour sa part, le gouvernement fédéral promet de nouvelles normes nationales pour le secteur, ainsi que 3 milliards de dollars sur cinq ans pour soutenir l’amélioration des soins aux aînés. Les provinces exigent toutefois des transferts fédéraux accrus en santé, et ce sans conditions, afin de développer leurs propres politiques en la matière. Les deux paliers de gouvernement semblent autrement dit engagés sur la voie d’un conflit insoluble.

Que faudra-t-il pour que les gouvernements soient sur la même longueur d’onde ? La crise sanitaire la plus grave depuis un siècle ? Le pire taux de décès de la COVID-19 dans les centres de soins de longue durée  parmi les pays riches ?

La transformation des soins de longue durée doit viser avant tout le dépassement de l'approche déficiente actuelle, fondée sur le sous-financement, la privatisation, l’exploitation des travailleuses et travailleurs du care et la discrimination systémique. Seuls des investissements massifs dans des services publics de qualité amélioreront les conditions de travail de la main-d'œuvre largement féminine et racisée des centres de soins, en plus d’avoir des répercussions positives sur l’économie, l’environnement et les communautés.

Les gouvernements doivent en outre travailler en collaboration pour intégrer pleinement les établissements et services privés dans le système public, dans le cadre de normes de soins nationales rigoureuses. Des investissements substantiels sont aussi requis pour développer des soins institutionnels et à domicile de qualité dans les secteurs public et sans but lucratif. Dans un pays qui dépense 30 % de moins que la moyenne des pays de l'OCDE pour les soins de longue durée, cet investissement se fait attendre depuis longtemps.

La saison des budgets est à nos portes. Il est temps de placer les aîné·e·s vulnérables et tous ceux et celles qui dépendent des services sociosanitaires au cœur de la relance post-COVID.

Katherine Scott est chercheuse principale au Centre canadien de politiques alternatives.

La version originale en anglais de ce billet est parue le 15 mars 2022 sur le site du Monitor Magazine.

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1 comment

  1. Au Canada et au Québec, on a choisis de se décharger de la responsabilité de gérer nos aînés en famille.
    Pourquoi?
    Papa travaille… Maman travaille… Le fils travaille… La fille travaille… Probablement que le chien, le chat et le canari de la famille travaillent aussi.
    En 1983 le revenu familial moyen était de 23,000$… Pour 40 h/sem travaillées. C’est 11.50$/h.
    En 1987 le revenu familial moyen était de 28,000$… Pour 50 h/sem travaillées. C’est 11.20$/h.
    En 1993 le revenu familial moyen était de 35,000$… Pour 60 h/sem heures travaillées. C’est 11.66$/h.

    En 2019, le revenu familial moyen était de 65,000$… Pour 100 heures travaillées. C’est 12.03$/h.

    Le pouvoir d’achat du Canadien moyen a été réduit dans un rapport de plus de 300:1 depuis 1848.

    L’oligarchie ploutocratique s’est assurée, depuis au moins 55 ans, de maintenir la pression pour affaiblir la famille.

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