Une première réflexion à mon retour de Fort McMurray
10 juillet 2013
La tragédie de Lac-Mégantic soulève de nouveau la question de notre dépendance au pétrole. Les uns en profitent pour vanter les mérites des oléoducs d’Enbridge et cie, les autres questionnent plus profondément notre pétrodépendance ainsi que les coûts environnementaux et sociaux de l’extraction, du transport et de l’usage massif de formes de plus en plus extrêmes d’hydrocarbures.
Le débat est lancé et il engage l’avenir de l’humanité et de la biosphère. Si l’on se fie à ce que nous disent les climatologues, l’essentiel du pétrole “non-conventionnel” – les hydrocarbures extrêmes – doit rester sous terre si nous ne voulons pas pousser le changement climatique au-delà d’un seuil de non-retour catastrophique. Il va donc falloir compter uniquement sur les sources conventionnelles existantes pour opérer notre transition globale hors du pétrole, fermer le début d’extraction des formes extrêmes comme les sables bitumineux et le pétrole de schiste du Dakota. J’en aurais beaucoup à dire sur cette transition et les limites de toute stratégie qui repose uniquement sur des utopies technologiques et qui ne pense pas le changement d’un régime économique dépendant de la croissance. Mais pour le moment un simple constant, un message.
Dans ce débat, il est tentant de poser la question de la transition à partir du comportement des individus. D’arguer que c’est chaque personne qui doit individuellement agir pour rompre avec la dépendance au pétrole est la meilleure façon de s’enfermer dans le statu quo, de se paralyser. C’est ne pas tenir compte de l’ampleur du changement de culture qu’implique cette rupture et de la lourdeur des décisions que l’on demande aux personnes, aux “consommateurs.trices”. Je peux vous dire, suite à mon retour de Fort McMurray, que l’extraction, le transport et l’usage massif du pétrole extrême, est un projet COLLECTIF et ne repose pas sur des décisions individuelles isolées. Au contraire, nous sommes entrés.e.s dans l’ère du pétrole extrême grâce à des décisions et institutions collectives. L’extraction des sables bitumineux, les trains pétroliers, l’expansion des oléoducs, le contrôle de ces activités par une poignée de grandes corporations multinationales, la dépossession des communautés autochtones et non-autochtones qu’implique le développement de cette industrie, tout cela prend la forme d’un projet collectif, repose sur l’action collective publique (l’État) et privée (les corporations monopolistiques).
Alors si l’entrée dans l’ère du pétrole extrême est un projet collectif, comment osons-nous poser la question de la sortie du pétrole en termes purement individuels? Sortir du pétrole est un projet collectif qui implique de mobiliser nos institutions, il doit interpeller le citoyen.e, pas le consommateur.trice. Nous avons des outils collectifs à portée de main pour initier cette sortie, d’autres outils sont à développer. Toute autre façon de poser la question ne fera que nourrir le cynisme ou pire, jouera le jeu des Enbridge et Suncor de ce monde.