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L’aveuglement volontaire des promoteurs du projet d’oléoduc 9b

31 mai 2013


Mercredi dernier, un regroupement patronal accompagné d’un syndicat de l’énergie s’est dit en faveur de l’inversion de l’oléoduc 9b de l’entreprise Enbridge, qui doit apporter le pétrole des sables bitumineux au Québec. Si selon nous, la preuve de la nécessité d’encourager l’expansion des sables bitumineux et de perpétuer l’industrie pétrochimique reste à faire, il est troublant de constater l’incapacité de ces acteurs économiques traditionnels à élargir la réflexion au-delà des questions de produit intérieur brut (PIB) et d’emplois. Pas la moindre mention de « gaz à effet de serre », ni de « changements climatiques » dans le long communiqué. Or, le projet d’inversion de la ligne 9b soulève des enjeux de société autrement plus vastes que le discours classique des chambres de commerce.

Enbridge, une culture de déviance

D’abord, sur la question de la sécurité, il faut rappeler que la ligne 9b a plus de 37 ans et a été conçue pour le transport de pétrole raffiné. Or, ce dont il est question dans le projet à l’étude est de transporter désormais du pétrole brut, donc non raffiné, vers le Québec. S’agit-il d’un instrument adéquat pour les opérations prévues par Enbridge? Nous savons qu’un autre oléoduc sous le contrôle d’Enbridge, la ligne 6b, s’est fissuré en 2010 au Michigan, causant un déversement de plus de 20 000 barils de pétrole bitumineux dans la rivière Kalamazoo. La ligne, qui datait de 40 ans, venait elle aussi d’être inversée.

Pire, l’Office national de l’énergie se disait « satisfait » en 2011 des procédures de gestion des risques d’Enbridge, affirmant que la compagnie saurait « intervenir efficacement en cas de besoin » malgré le récent déversement. Quelques mois plus tard seulement, la Commission américaine de sécurité du transport concluait dans un rapport d’accident qu’« aucun système ne pouvait fonctionner de manière sécuritaire lorsqu’une culture de déviance face au respect des procédures était devenue la norme, comme le suggèrent les faits survenus au centre de contrôle d’Enbridge [dans le cas du déversement de la rivière Kalamazoo »]. Pas exactement rassurant.

Les changements climatiques exclus des évaluations

Sur la question de la lutte aux changements climatiques, s’il est préoccupant de voir les chambres de commerce ignorer volontairement l’inévitable augmentation des émissions de gaz à effet de serre que causerait le projet, et ce autant en Alberta qu’au Québec, il est encore plus inquiétant que les deux niveaux de gouvernement fassent pareil. Du côté de l’Office national de l’énergie (au fédéral), le processus de consultation pancanadien exclut tant « les effets environnementaux et socioéconomiques associés aux activités en amont, à l’exploitation des sables bitumineux » que « l’utilisation en aval du pétrole transporté par le pipeline ».

Le gouvernement Marois fera également fi, dans sa consultation à venir, de l’enjeu central, à savoir l’impact du projet sur la croissance des sables bitumineux canadiens. Dans son statut facebook publié le 24 mai dernier, le ministre Yves-François Blanchet annonçait qu’il « n’inclurait pas [la question de l’exploitation des sables bitumineux] au mandat lors de la consultation québécoise ».

Sachant le bilan désastreux de l’Alberta en matière de lutte aux changements climatiques, et dans un contexte où la planète se dirige vers un réchauffement climatique catastrophique, il est franchement irresponsable de la part d’institutions gouvernementales de balayer ainsi le problème sous le tapis.

Le Québec, rouage de l’expansion des sables bitumineux canadiens?

Car au fond, le projet d’inversion de l’oléoduc 9b n’est qu’un élément d’une stratégie plus globale qui cherche à placer l’expansion des sables bitumineux, deuxième puits de carbone sur Terre, au centre de la stratégie de croissance économique du Canada pour au moins la première moitié du 21e siècle.

Les Québécoises et Québécois souhaitent-ils vraiment devenir un rouage de cette mécanique? Telle est la question que nous devons aujourd’hui nous poser.

Alors que les acteurs économiques traditionnels continuent malheureusement d’aborder les enjeux sociaux avec une grille d’analyse archaïque, la prochaine étape pour le Québec n’est pas d’encourager l’expansion de secteurs d’activité qui appartiennent au siècle dernier et qui font reculer la lutte aux changements climatiques, mais plutôt d’entamer la reconversion écologique de son économie. Pour ce faire, le Québec devrait miser sur sa spécificité et sur les abondantes ressources énergétiques dont il dispose pour faire preuve d’audace et se tourner vers des filières novatrices, comme les transports durables, l’efficacité énergétique et les énergies propres.

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