Énergie éolienne au Québec : une filière en manque de planification et de transparence
26 novembre 2025
Montréal, 26 novembre 2025 – Alors que le gouvernement de la CAQ prévoit accorder à l’éolien une place grandissante dans la production d’énergie au Québec, un rapport publié par l’IRIS aujourd’hui montre que le développement de cette filière est aux prises avec un important déficit démocratique, en plus d’avoir des retombées économiques modestes pour les municipalités qui accueillent ces projets.
« L’éolien communautaire est régulièrement présenté par le gouvernement Legault comme un des éléments clés de la transition énergétique. Or la transition ne peut se faire au détriment de la démocratie, sans considération pour les besoins réels des citoyens des municipalités concernées », soutient Krystof Beaucaire, chercheur associé à l’IRIS et auteur de l’étude.
Déficit démocratique dans le développement éolien
« À ses débuts, le développement de l’éolien au Québec a été laissé aux mains du secteur privé, qui était peu soucieux des préoccupations citoyennes. La mise en place de partenariats avec les municipalités n’a malheureusement pas permis de contrer cette tendance dans la gestion de ces projets », déplore le chercheur.
La littérature disponible et des entrevues menées auprès du personnel de différentes municipalités du Québec a permis de mettre en lumière les lacunes importantes des projets éoliens dits « communautaires » dont l’opacité avec laquelle ils sont gérés.
« Bien que les administrations locales soient plus impliquées que jamais, ces projets sont souvent négociés et développés derrière des portes closes et l’ensemble du processus mobilise des stratégies visant à éviter la consultation citoyenne et à contourner les processus démocratiques. Ils dépendent pourtant d’importants fonds publics », explique le chercheur.
Une des organisations chargées d’orchestrer ces partenariats, l’Alliance de l’énergie de l’Est, est même enregistrée comme une entreprise privée, bien qu’elle soit composée d’élu·e·s municipaux. La plupart des projets sont développés par les MRC, créant un important fossé entre les procédures de planification et la population. « Des projets d’envergure peuvent ainsi être décidés par une équipe de personnes qui ont certes été élues par la population, mais qui sont regroupées dans une organisation distincte du conseil municipal, lequel est pourtant élu démocratiquement pour représenter leurs intérêts », précise Krystof Beaucaire.
Retombées économiques modestes
L’étude publiée aujourd’hui montre que les trois quarts des municipalités impliquées dans des projets éoliens reçoivent annuellement moins de 100 $ par habitant·e provenant de la rente éolienne, alors que 51,6 % reçoivent moins de 50 $. Parmi les MRC ayant procédé à un règlement d’emprunt pour financer un projet éolien, le montant moyen de ce dernier s’élève à 15 420 400 $ par projet, et le total des emprunts depuis les premiers projets communautaires s’élève à 478 032 400 $.
« C’est à se demander si le jeu en vaut vraiment la chandelle. Les retombées économiques demeurent relativement modestes en comparaison des sommes investies », remarque le chercheur.
Rappelons que plus de la moitié des municipalités bénéficiant de la rente éolienne sont dans une situation de dévitalisation économique prononcée. « Il n’est pas anodin que les municipalités visées soient souvent en situation de dévitalisation économique importante, ce qui peut inciter leurs dirigeant·e·s à céder aux avances des promoteurs. »
Le far west dans l’industrie éolienne au Québec
« Reprendre le contrôle de la filière éolienne au Québec, ce n’est pas juste veiller à ce que les composantes des éoliennes soient produites localement plutôt qu’importées de Chine, c’est aussi et surtout s’assurer que les projets répondent réellement aux besoins des populations concernées, ce qui est impossible si le développement de l’industrie n’est pas soumis à un cadre réglementaire minimal. »
L’IRIS recommande donc la tenue d’un BAPE générique sur la filière éolienne afin de développer des pratiques de planification énergétique réfléchies et d’inclure les populations locales à toutes les étapes de planification des projets. Un BAPE permettrait également d’encadrer les organismes publics qui s’occupent de la gestion des projets afin de garantir une redistribution des revenus juste et orientée vers la revitalisation économique des communautés.