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L’Invasion du laid

30 mai 2012

  • Guillaume Hébert

J’ai récemment eu l’opportunité de visionner « La Grande Invasion » (Productions Multi-Monde), un documentaire de Martin Frigon sur le sort réservé à l’urbanisme des villes et villages du Québec. Ce destin n’est pas très joli. Et il est foncièrement injuste pour de nombreux habitant-e-s.

En premier lieu, Frigon prend soin de nous rappeler ce que la banlieue québécois produit de plus laid. Des quartiers où les maisons unifamiliales sont toutes mortellement identiques, certes, mais aussi, et surtout des power center, ces zones commerciales réservées aux grandes surfaces, accessibles uniquement par véhicule motorisé et standardisées à un point tel qu’elles sont similaires partout dans le monde.

Et en passant, en documentant cette laideur, c’est un peu comme si Frigon creusait la réflexion que mon collègue Simon Tremblay-Pepin entamait dans le documentaire  « République » (d’Hugo Latulippe) lorsqu’il commente la destruction à coup de bretelles d’autoroutes de la beauté naturelle du Québec.

Mais Frigon creuse davantage, en s’appuyant notamment sur le cas de Tremblant. Il montre que le développement de cette zone récréotouristique par des intérêts étrangers a complètement déstabilisé la vie de la région avoisinante. Non seulement Tremblant est devenu un centre de gravité qui absorbe tout, mais les rachats de propriétés aux alentours par des riches, des étrangers notamment, a littéralement fait exploser les taxes foncières poussant ainsi des résidents à quitter leur domicile, souvent pourtant fort modestes.

Dans ce décor, Val-David fait figure de « Petit Gaule ». On y fait la connaissance de l’épicier Jacques Dufresne qui maintient son « Métro L. Dufresne et fils » au cœur du village en dépit des pressions économiques. Il refuse de tuer la rue principale d’un village que sa famille a contribué à bâtir. Il reçoit l’aide du peintre René Derouin, un artiste québécois fascinant qui a fait ses premières classes auprès des muralistes mexicains. Ce dernier entreprend de peindre une fresque autour de l’épicerie Dufresne et une bonne partie du documentaire explique cette démarche d’art et de résistance.

Le documentaire se termine en énumérant quelques pistes de mesures visant à contrer la spéculation foncière. Il ne s’agit peut-être pas de solution encore tout à fait à point, mais il est à la fois indispensable et urgent que de telles pistes d’action soient explorées. Pour cela aussi, il faut saluer « La Grande Invasion ».

Dans le passé, Martin Frigon a notamment réalisé « Mirage d’un Eldorado » sur les pratiques de la minière Barrick Gold.

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