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Réforme Dubé ou comment aller plus loin dans la mauvaise direction

20 avril 2023

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Le volumineux projet de loi 15 (PL15), déposé le 29 mars dernier par le ministre Christian Dubé, promet de « rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace ». Le réseau est actuellement confronté à des problèmes majeurs nécessitant des transformations profondes. À leur source, se trouvent notamment les tendances à la centralisation, à l’élimination des instances démocratiques et à la privatisation des services imposées par les réformes des dernières décennies. Or, plutôt que de renverser ces tendances, le PL15 aura pour effet de les approfondir.

Dans une recherche publiée jeudi, l’IRIS s’inspire des meilleures pratiques pour proposer un modèle de gestion du réseau décentralisé et démocratique. Nos recherches ont montré que le sous-financement chronique et la mauvaise répartition des fonds publics investis dans le réseau font partie des causes des difficultés multiples et complexes auxquelles se bute le système de santé.

Sur le plan de l’organisation et de la gestion des services, la littérature internationale en administration publique montre que les services publics les plus efficaces sont ceux qui sont gérés de manière décentralisée et avec une participation citoyenne dans les lieux de pouvoir décisionnel.

À cet égard, on peut faire ressortir trois défaillances principales au sein du système québécois, toutes liées entre elles : 1) une centralisation excessive de la structure organisationnelle du réseau qui le rend inefficace en éloignant les gestionnaires et les lieux de pouvoir décisionnel de la réalité quotidienne du terrain ; 2) une absence d’espaces démocratiques permettant au personnel de participer à la prise de décision et à la population d’exprimer ses besoins et d’avoir un contrôle sur les services qu’elle reçoit ; 3) une délégation croissante de la prestation des services au secteur privé à but lucratif, et l’application au secteur public de modes de gestion autoritaires directement inspirés des méthodes propres à l’entreprise privée, ce qui dégrade la qualité des services et les conditions de travail du personnel.

Or, la création de l’agence Santé Québec s’inscrit dans la continuité des réformes centralisatrices précédentes, y compris celle de 2015, pourtant unanimement dénoncée pour ses effets délétères constatés durant la pandémie. Dans un rapport publié récemment, la sous-ministre Dominique Savoie le reconnaît : depuis le début des années 2000, l’évolution des systèmes de santé canadiens conduit à leur centralisation, y compris au Québec, et la création d’une nouvelle instance centrale s’inscrit dans cette tendance.

Mais la tendance n’est pas seulement à la centralisation. Elle est aussi à l’élimination des nombreuses instances de participation citoyenne qui faisaient pourtant l’originalité du système public depuis sa création en 1971. Le PL15, qui prévoit que tous les postes de pouvoir au sein de la nouvelle structure seront pourvus par nomination verticale, est l’aboutissement de cette évolution.

Quant aux comités d’usagers, seules instances dont les membres sont élus, le PL15 ne leur accorde aucun pouvoir, et leurs activités seront supervisées et encadrées par un comité national des usagers dont les membres seront entièrement nommés par Santé Québec et dont le directeur sera « sous l’autorité directe » de son p.-d.g.

En ce qui a trait à la privatisation des services et aux modes de gestion importés de l’entreprise privée, les intentions du ministre Dubé sont très claires, comme le montre son intention de recourir à des « top guns » du secteur privé. Le PL15 s’engage dans une intensification des contrôles hiérarchiques et des exigences de reddition de compte quantitative et productiviste qui ne disent rien de la qualité des services. Au contraire, cette approche gestionnaire explique en partie la détérioration des conditions de pratique des professionnels et leur exode du réseau public.

Si les mots sont significatifs, il est intéressant de souligner que le terme « privé » apparaît 202 fois dans le PL15, contre 145 pour le terme « public ». Dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, qui a fondé le système public de santé et que le PL15 aura pour effet de remplacer, ces nombres sont respectivement de 155 et 222.

Depuis son analyse du deuxième rapport Castonguay en 2008, l’IRIS a montré que la centralisation, le déni de démocratie et le recours au secteur privé, qui étaient au coeur des réformes des dernières décennies, sont la source du problème, pas la solution. Notre recherche publiée jeudi montre que d’autres modèles existent et ont fait leurs preuves. Il est donc possible de s’en inspirer plutôt que de reconduire les erreurs du passé.

Ce texte est d’abord paru sous forme de lettre ouverte dans l’édition du 20 avril 2023 du Devoir.

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2 comments

  1. la qualité est déjà à la baisse. pour moi même travailler dans le réseau , actuellement la pénurie entraîne une baisse de la qualité des services.. on veut faire plus avec moins.. moins de monde pour faire les tâches et donc moins de qualité… retourner les gens plus vite à maison, offrez donc juste 3-4rencontres à quelqu’un pour passer au suivant. on impose à une bonne majorité de titre d’emploi d’augmenter leurs horaires de travail pour compenser l’absence de personnel… nous allons vers la destructions totale du système de santé, le PL entraînera l’exode des employés.

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