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L’autre personnalité de l’année 2013 : les oléoducs

14 janvier 2014

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4min

  • Philippe Hurteau

Nous en sommes à la troisième édition de notre « autre personnalité de l’année » de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS). En 2011, les agences de notation se sont vu décerner ce titre tandis que les camps de travail chinois se sont hissés au sommet de notre palmarès l’an dernier. Cette année, le choix fut difficile. Après maintes discussions, notre jury a pourtant tranché. Pour l’année 2013, les oléoducs de transport du pétrole arrivent au premier rang.

Contrairement aux éditions précédentes, notre choix n’est pas tombé sur un sujet dont l’on parle trop peu, mais bien sur un sujet dont on parle bien mal. Au Québec, surtout depuis la tragédie survenue à Lac-Mégantic en juillet dernier, les discussions entourant le transport du pétrole ont bien souvent pris d’étranges directions. Dès le mois d’août, des commentateurs ont vanté les mérites du projet d’inversion de la Ligne 9B, qui est a été élaboré pour acheminer jusqu’au Québec le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta, au nom de la sécurité et du développement économique. Suite au traumatisme que fut la tragédie de l’été dernier, la réaction des vendeurs de pétrole et de leurs experts fut rapide.

Oléoduc ou le fantasme du pétrole sans risque

Un des éléments troublants dans tout le débat entourant le projet d’inversion de la Ligne 9B, c’est la capacité des analystes qui y sont favorables d’utiliser sans gêne des arguments sans fondement. On nous a d’abord dit qu’il fallait accepter cette inversion en raison des retombées économiques générées par celle-ci. Or, ces retombées ne sont jamais clairement établies. Elles sont plutôt affirmées comme des évidences. Pourtant, quand ce travail d’évaluation est fait, les résultats sont minimes. On parle tout au plus de la création d’une centaine d’emplois et de très faibles retombées pour les finances publiques. Bref, rien qui ne justifie l’empressement généralisé de nos élites économiques et politiques de donner leur accord au projet.

Lorsque l’argument économique a du plomb dans l’aile, on nous sert une seconde parade voulant que l’approvisionnement en pétrole au moyen des oléoducs est plus sécuritaire et plus écologique. Pourtant, rappelons qu’en 10 ans, le bilan des oléoducs de la compagnie Enbridge (compagnie propriétaire de la Ligne 9B) n’est pas reluisant. Depuis une décennie, on compte plus de  70 déversements en moyenne annuellement sur le réseau de cette compagnie.

De plus, qui dit augmenter la production pétrolière dit aussi augmenter la part des sources d’approvisionnement les plus polluantes. Le pétrole des sables bitumineux, pétrole parmi les plus sales au monde, est globalement plus nocif que bien des types de pétrole d’importation. Par exemple, le pétrole des sables bitumineux est 67 % plus polluant que celui provenant d’Algérie, principal fournisseur du Québec.

Notre personnalité de l’année se démarque donc surtout pour la faiblesse des arguments en sa faveur. Les oléoducs, une fois que s’apaise quelque peu le bruit des arguments fallacieux, se révèlent pour ce qu’ils sont : une voie grande ouverte pour l’accélération de l’exploitation pétrolière, un point c’est tout.

Mentions spéciales et prédiction pour 2014

En début de texte, je disais comme il a été difficile d’établir « l’autre personnalité de l’année » de l’IRIS pour 2013. En rafale, voici la liste de nos finalistes :

  • Déficit zéro : Un classique, qui revient chaque année. Avec l’annonce du report de son atteinte, parions qu’il se classera encore bien haut dans notre liste l’an prochain.
  • Austérité : Mot en vogue partout dans le monde depuis 2008. À force d’être appliquée au nom de la rigueur, elle en vient même à mettre à mal les chances de reprise économique.
  • Libre-échange : Notre jury a hésité jusqu’à la dernière minute. Avec les pourparlers entourant la signature d’un accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne et la multiplication d’accords bilatéraux entre différents pays, le libre-échange (mais surtout les risques sociaux et environnementaux qui l’accompagnent) se place bien haut dans la liste de mauvais présages pour 2014.

Une prédiction pour finir. Avec le dépôt en 2013 du rapport D’Amours sur l’avenir des régimes de retraite, la présentation qui en a découlé d’un plan d’action par la ministre Agnès Maltais et la fixation morbide sur cet enjeu des maires de Québec et de Montréal, parions que ce sujet sera notre personnalité de l’année pour 2014.

Ce billet est d’abord paru sur le site du Journal de Montréal le 14 janvier 2014.

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