Sortir de la pandémie en autobus
10 juin 2021
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Je l’avoue, dans la dernière année, je n’ai pas utilisé le transport en commun une seule fois. À ma défense, je suis également rarement sortie de chez moi, et encore plus rarement de mon quartier. Je ne suis pas la seule dans cette situation. La pandémie a confiné bon nombre d’entre nous à la maison. La transition entre le lit et le bureau ne se fait pas en autobus quand on télétravaille et les activités sociales en ligne ne demandent pas de ticket de métro.
Malgré la baisse de l’achalandage observée dans la métropole, la Société de transport de Montréal (STM) a choisi de maintenir ses trajets et ses horaires. Les déplacements étaient peut-être réduits au minimum, mais, justement, le minimum qui restait était nécessaire. Plusieurs comptaient sur ce service pour se rendre au travail, que ce soit dans un hôpital, une épicerie ou une usine de transformation alimentaire. Pour répondre à leurs besoins, les horaires devaient rester réguliers et fiables. En d’autres mots, le transport en commun a été reconnu comme un service essentiel pendant la pandémie.
Bien entendu, de tels choix ont un coût. On apprenait récemment que l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) prévoyait de réaliser un déficit cumulé d’environ 1G$ d’ici 3 ans. C’est énorme, on peut en convenir. Cet important manque à gagner s’expliquerait par un lent retour à la normale dans les déplacements. L’organisme considère que les sociétés de transport pourraient devoir attendre 2032 avant de retrouver l’achalandage de 2019. De plus, le Réseau express métropolitain (REM), risque d’affecter négativement les statistiques de l’agence publique puisqu’il s’agit d’un PPP géré par CDPQ-Infra. En conséquence, plusieurs scénarios sont sur la table, comme hausser les tarifs ou réduire les services.
Dans une note récente de l’IRIS sur le financement des municipalités et leur rôle dans la transition écologique juste, nous avons abordé la question du transport en commun et les manières efficaces d’augmenter son utilisation. Selon notre recension, c’est en offrant un service de qualité, fiable et fréquent que les gens sont le plus prêts à délaisser leur voiture au profit d’un siège d’autobus. En d’autres mots, couper dans les services n’attirera pas plus d’usagers.
En outre, alors que le mois de juin est à peine entamé et que la première canicule de l’année a déjà eu lieu, faut-il rappeler qu’il y a urgence d’agir pour surmonter la crise climatique? Parmi les chantiers urgents à mettre en branle, il y a le recours encore trop élevé à l’auto solo pour les déplacements. Au Québec, les données de la SAAQ montrent que le parc automobile, qui comptait 4,8 millions de véhicules personnels enregistrés en 2019, croît d’année en année. On achète un peu plus de 450 000 nouveaux véhicules par an, dont près de la moitié sont des VUS, une option qui gagne en popularité. Certes, les ventes de véhicules électriques augmentent aussi, mais la progression est lente. Seulement 3,3% des véhicules vendus en 2019 (et 1,6% des VUS) étaient électriques.
Rappelons par ailleurs que le remplacement des véhicules à essence par des véhicules électriques n’est pas une panacée si on garde les mêmes habitudes de transport et de consommation. S’il est vrai que l’électricité au Québec est (relativement) propre, ce n’est pas le cas partout. De plus, les voitures, électriques ou non, demandent d’importantes ressources (non renouvelables) pour être fabriquées. Ajoutons également que le carburant qui propulse les moteurs importe peu aux chaussées que les roues usent.
Bien entendu, le trou budgétaire de l’ARTM est préoccupant. Cependant, il serait irresponsable de laisser l’Agence éponger ce déficit seul. Les dépenses en transport collectif ne profitent pas seulement à ses usagers et usagères, mais plutôt à l’ensemble de la société. Il faudrait donc les considérer comme des investissements à long terme. Le gouvernement doit faire sa part, mais les automobilistes devraient aussi contribuer davantage pour assurer un service fiable et équitable.
Dans la dernière année, je n’ai pas utilisé le transport en commun, mais j’ai hâte de recommencer à le faire. Espérons que le service sera encore décent et abordable quand la vie reprendra son cours.