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La caisse de dépôt et placement, actionnaire des partenaires de GNL Québec

4 juin 2021

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5min


Le 22 mai dernier, Le Devoir rapportait que l’entreprise GNL Québec (GNLQ), responsable du projet d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) à Saguenay, aurait conclu une entente avec un consortium européen. Cette entente non contraignante, confirmée hier par GNLQ, prévoit la livraison de GNL à un terminal d’importation qui doit être construit à Hambourg, dans le nord de l’Allemagne.

Une recherche plus approfondie sur les investisseurs à l’origine du projet de terminal d’importation allemand nous apprend que la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) est une actionnaire importante de Fluxys, l’investisseur désigné comme opérateur du futur terminal.

LA CDPQ A DES INTÉRÊTS DANS FLUXYS

Fluxys est une entreprise belge de transport et de stockage de gaz naturel. Principalement active en Europe avec ses 9000 kilomètres de conduites de gaz naturel, son chiffre d’affaires consolidé avoisine 1 milliard d’euros. L’organigramme suivant, tiré du rapport annuel de l’entreprise, montre la participation à hauteur de 19,88% de la CDPQ à son actionnariat.

Actuellement, Fluxys opère des terminaux d’importation de GNL en Belgique et en France. En mars 2021, l’entreprise est devenue actionnaire et partenaire stratégique du projet de construction de terminal d’importation de gaz naturel liquéfié à Hambourg, le projet Stade. Le consortium d’actionnaires du projet Stade est réuni sous l’entité Hanseatic Energy Hub. Fort de son expérience dans le domaine de l’importation de gaz naturel, Fluxys a été désigné opérateur principal du terminal. Il est toutefois impossible d’évaluer le poids de Fluxys dans le groupe Hanseatic Energy Hub, car les informations à propos des actionnaires du projet Stade ainsi que leur participation respective au capital ne sont pas publiques. Mais à la lumière de nos analyses, l’arrivée de Fluxys a été un événement déterminant dans le développement du projet de Hub d’importation de GNL.

Contrôlant 19,8% du capital de l’entreprise qui est désignée comme opératrice principale de Hub, on se demande quelle est la position de la CDPQ à l’égard de ce projet d’importation de GNL en Europe. À cet égard, notre mémoire présenté dans le cadre de la consultation organisée par le Bureau des audiences publiques en environnement (BAPE) conclut que l’exportation de GNL dans les marchés visés par GNLQ y freinerait la transition énergétique. Le BAPE était  d’ailleurs arrivé aux mêmes conclusions.

LA BAISSE DU PRIX DU GAZ NATUREL COMME EFFET PROBABLE DE LA CONSTRUCTION D’UN TERMINAL DE GNL EN ALLEMAGNE

L’Allemagne est la plus grande importatrice de gaz naturel en Europe. La moitié de son gaz naturel est importé depuis la Russie, un pays qui entretient une vive concurrence avec les exportateurs étatsuniens de GNL situés dans le golfe du Mexique. La société russe Gazprom est particulièrement intéressée à doubler la capacité de son gazoduc Nord Stream.

Du point de vue de l’Allemagne, qui ne possède aucun terminal d’importation de GNL, un investissement dans une infrastructure d’importation de GNL présente dans ce contexte au moins deux avantages: une diversification géostratégique, ainsi qu’une pression à la baisse sur le prix du gaz naturel importé. Ce second avantage entraînerait des conséquences désastreuses d’un point de vue écologique, la filière des énergies renouvelables pâtissant d’un prix baissier du gaz naturel.

La politique énergétique récente de la Lituanie représente un cas d’école en la matière. En 2014, ce pays d’Europe du Nord, fortement dépendant des importations de gaz naturel russe, se dotait de son premier terminal d’importation de gaz naturel liquéfié. Gazprom a rapidement réagi en baissant de 25% le prix du gaz naturel qu’elle vend à la Lituanie, une baisse de prix qui pourrait nuire aux objectifs du pays en matière de production d’énergies renouvelables.

LA CDPQ ET SES PLACEMENTS FOSSILES

Nous avons appris que la valeur actuelle des placements de la CDPQ dans les sables bitumineux avait doublé par rapport à l’année dernière. La coalition Sortons la Caisse du carbone rapportait pour sa part que les 50 principaux placements fossiles de la CDPQ avaient perdu 57% de leur valeur entre 2011 et 2020. En ce sens, les placements de la CDPQ dans les énergies fossiles sont à la fois écologiquement irresponsables et économiquement risqués.

Si GNLQ livrait du gaz naturel liquéfié au terminal Stade, la CDPQ participerait cette fois, par l’entremise de sa participation dans Fluxys, à la construction d’un terminal d’importation de GNL en Allemagne qui concurrencerait la filière des énergies renouvelables en Europe, en plus de miner le bilan d’émissions de GES du Canada. Ce placement ainsi que tous les autres de la filière des énergies fossiles éloignent la CDPQ de son objectif d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050, en plus de mitiger sa « contribution à la décarbonisation de l’ensemble de l’économie réelle ».

Rappelons que l’Agence internationale de l’énergie publiait récemment un rapport choc concluant à la nécessité de cesser tout développement de nouvelles infrastructures fossiles. Le 27 septembre 2019, les déposant·e·s de la CDPQ ont pour leur part exprimé dans le cadre d’une manifestation historique l’urgence de s’émanciper des hydrocarbures.

Considérant l’obligation fiduciaire qui lie la CDPQ à ses déposant·e·s, il semble logique de demander aux gestionnaires de la Caisse de répondre de leurs placements qui retardent la transition écologique au Québec et ailleurs dans le monde.

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