Faut-il interdire les publicités de voitures à essence ? (2)
28 janvier 2021
Au cours de l’année 2020 au Québec, il s’est vendu près de 20% de voitures neuves en moins qu’en 2019. Malgré cette conjoncture défavorable posée par la pandémie, le constructeur KIA est parvenu à battre le marché en enregistrant une hausse de ses ventes de 4% au Québec comparativement à 2019. Au sommet de son palmarès de vente, son tout nouveau VUS modèle « Seltos ». Quel est le secret du succès de KIA? Dans un communiqué de presse du 13 janvier dernier, KIA attribue sa veine à une savante campagne publicitaire qu’elle décrit sans ambages. Ce billet propose l’analyse critique d’une réussite publicitaire dont on pourrait se passer.
« Le pouvoir d’aider »
À propos du slogan de campagne de KIA, on peut dire qu’aider est effectivement un pouvoir, surtout lorsqu’on est assis sur un capital qui se compte en milliards. Lorsqu’ensuite on fait étalage de sa charité intéressée, la générosité devient vite un faire-valoir. La publicité sert alors à renforcer davantage le pouvoir dont dispose l’entreprise: en aidant les autres (« Kia est là pour vous » était le slogan de campagne au Québec), KIA s’aide elle-même. Ainsi, dans la description de la campagne publicitaire dont il est question ici, le fabricant sud-coréen ne se gêne pas pour mettre sur le même pied les stratégies promotionnelles dites classiques (l’embauche comme porte-parole d’une comédienne québécoise bien connue; le choix de la chanson en vogue Bad Guy pour accompagner une vidéo promotionnelle) et les stratégies promotionnelles usant de la charité (soutien à la « lutte contre la faim » en fournissant des voitures KIA à des organismes œuvrant dans le domaine; don de visières de protection à l’Agence de la santé publique du Canada). KIA montre en somme que tout lui paraît utile pour faire la promotion d’une marque, une pandémie et ses conséquences ne faisant pas exception à la règle.
Le constructeur Ford verse lui aussi dans la charité-spectacle, se vantant dans un communiqué d’avoir égalé les quelque 600 000$ donnés par ses employés pour lutter contre la COVID-19, distribuant ainsi 1,13 million de dollars dans 20 pays et 14 États américains. Rayonner dans le plus d’endroits possible a été le mot d’ordre, même si au prorata c’est ultimement 32 000$ qui ont pu être versés à chacune de ces 34 juridictions.
On peut certes voir dans ces pratiques une façon altruiste de canaliser des dépenses publicitaires de toute façon encourues. Or, si l’on garde à l’esprit que l’opération culmine en des ventes accrues de voitures à essence gros format, l’équation qui en ressort laisse perplexe : en contribuant à la lutte contre une crise (visières de protection, dons à des organismes), on en nourrit une autre, celle pas moins grave des changements climatiques.
Et lorsque cette crise climatique s’emballera et engendrera des conséquences désastreuses sur nos sociétés, que feront les KIA et les Ford de ce monde qui, rappelons-le, en auront été directement responsables? Feront-elles des dons publicitaires de masques ou de climatiseurs à l’Agence de santé publique du Canada?
En somme, peut-être que le don duquel nous avons collectivement besoin de la part des constructeurs automobiles ne réside pas dans du matériel de protection ou des ressources contre l’insécurité alimentaire, mais plutôt dans l’arrêt de la promotion agressive de véhicules à essence. Autrement dit, si KIA veut réellement être « là pour [nous] », qu’elle cesse d’encourager l’achat de marchandises qui participent à notre perte.
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