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Il faut fermer les garderies privées

18 novembre 2019

  • Philippe Hurteau

En réponse à la lettre de Suzanne Gagnon et David Haddaoui sur les garderies privées non subventionnées, « 65 000 enfants oubliés », publiée le 13 novembre.

Dans une lettre publiée le 13 novembre, deux représentants de l’Association des garderies non subventionnées en installation du Québec (AGNSI) affirment que l’abolition de la contribution additionnelle imposée aux parents qui envoient leurs enfants dans les services de garde subventionnés est inéquitable. Qui seraient les victimes présumées de cette iniquité ? Les parents ayant des jeunes inscrits dans les garderies privées non subventionnées.

L’argument semble logique à première vue : puisqu’une catégorie de parents jouit d’un avantage, pourquoi pas tout le monde !

Cependant, les faits viennent contredire cette apparence de logique. D’abord, il est faux de prétendre que le gouvernement a annoncé la semaine dernière un rehaussement du financement des services de garde subventionnés. Rien dans l’annonce du 7 novembre ne vient réellement désavantager les garderies privées non subventionnées. S’il y a hausse des transferts, ce ne sera que pour compenser les pertes de revenus liées à l’abolition de la contribution parentale additionnelle au 8,25 $ par jour de base.

Ensuite, la mesure contenue dans la mise à jour économique met en fait fin à une iniquité réelle : celle d’instaurer une double imposition touchant spécifiquement les parents. La contribution additionnelle, mise en place au début de la période d’austérité budgétaire des années 2010-2016, pénalisait indûment des parents qui, en plus d’être imposés par le régime fiscal, l’étaient aussi par leur CPE. Cette mesure, qui visait en fait à augmenter l’impôt de certains contribuables sans le dire, non seulement était inéquitable, mais aussi mettait à mal la cohérence d’ensemble du régime fiscal québécois. Pour cette seule raison, l’annonce faite par le gouvernement Legault doit être saluée.

Si injustice il y a envers les parents envoyant leurs enfants en garderies privées non subventionnées, ce n’est pas en raison de cette abolition. La véritable injustice découle du choix du gouvernement Charest, quelque part autour des années 2006-2008, de stopper net le développement des CPE et des services de garde en milieu familial. C’est ce choix qui a forcé les parents à se tourner vers des services privés, trop souvent de moins bonne qualité. Il y a quelque chose de foncièrement choquant de lire aujourd’hui les cris d’injustice des représentants des intérêts corporatistes de ces garderies.

Surtout, puisqu’il faut semble-t-il le rappeler, les garderies non subventionnées profitent déjà amplement des largesses de l’État.

En 2007, le crédit d’impôt pour frais de garde d’enfants a déjà été bonifié pour réduire l’écart payé par les parents entre les services subventionnés et non subventionnés. En l’espace d’un peu plus d’une décennie, le poids pour les finances publiques de ce crédit d’impôt a littéralement explosé, passant de 171 millions de dollars à 708 millions. La réalité est bien simple, les garderies privées non subventionnées ne le sont que de nom ! Ce serait avisé de s’en souvenir avant de se plaindre de subir une injustice.

La vérité est en fait bien simple : les propriétaires de ces garderies craignent pour leur modèle d’affaires. Leur principal argument de vente était leur coût relatif faible (après crédit d’impôt). Comment maintenant convaincre les parents d’y envoyer leurs enfants s’il ne peuvent plus s’y référer ? Pour bien comprendre l’enjeu, il faut le regarder non pas du point de vue de ce groupe restreint d’entrepreneurs, mais bien de celui du bien-être des enfants. Puisque ce sont les places en garderies subventionnées – plus spécialement celles en CPE – qui offrent les meilleurs services, toute politique visant leur renforcement mérite d’être soutenue et non de servir de prétexte pour mettre de l’avant ses intérêts particuliers.

La solution pourrait alors être d’incorporer les garderies privées dans le réseau des CPE. Parions qu’il se trouvera des propriétaires pour s’y opposer. Dommage.

Ce billet est d’abord paru sous forme de lettre dans l’édition du 18 novembre 2019 de La Presse.

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