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Le nouveau Plan Nord ne transforme pas grand-chose

21 avril 2015

  • Bertrand Schepper

Le 8 avril dernier, le gouvernement annonçait son nouveau Plan Nord. Bien moins ambitieux que celui du gouvernement Charest, le projet de Philippe Couillard semble tout aussi risqué.

Rappelons que le gouvernement souhaite investir 1,2 milliard de dollars en construction d’infrastructures dans le Nord afin de faciliter l’accès aux ressources aux minières, généralement étrangères. D’ici 2035, l’État compte sur des investissements d’Hydro-Québec de l’ordre de 20 G$ en projets pour dynamiser le Nord. (Il vaut la peine de mentionner ici qu’aucun détail sur ces investissements n’est disponible.)

La rentabilité pour les contribuables était déjà incertaine lorsque les prix des métaux étaient à un pic historique en 2011. Il y a donc peu de chances que le nouveau Plan Nord soit rentable, dans un contexte où les prix des métaux sont en baisse depuis 4 ans et que la croissance des pays comme la Chine est à son plus bas depuis des décennies. Considérant que le retour en redevances pour 2014-2015 est prévu à 65 M$ (d.71)  et que déjà les coûts de restauration des sites miniers devraient être de l’ordre de 1,2 G$,  tout porte à croire que la filière minière ne rapporte pas aux Québécois.e.s.

Québec a-t-il le choix?

Si le Québec veut absolument développer le secteur de l’extraction minière, ce dernier n’est pas rentable. Bien sûr, certaines entreprises tirent leur épingle du jeu, mais on a tendance à oublier que le Québec est un joueur marginal sur l’échiquier mondial. Au mieux, les extractions québécoises représentent autour de 0,6 % des extractions de fer mondial et autour de 1% pour l’or. En fait, considérant l’éloignement et les coûts de production de l’or, on se retrouve généralement dans le 3e et le 4e quartile lorsqu’on les compare au reste du monde. Donc, il y a au moins 50% des États producteurs miniers qui sont plus rentables que le Québec pour des investisseurs étrangers.  Une entreprise minière fera donc rapidement le choix d’aller exploiter un minerai plus accessible dans un endroit où la densité de minerai par m3 et les coûts d’extraction sont plus avantageux qu’au Québec. Cependant quand le Québec fait des cadeaux, il devient soudainement le 6e meilleur endroit mondialement où investir pour les minières.

Si Québec n’insiste pas sur la nécessité de transformer les produits extraits, les contribuables prendront le risque du développement de l’industrie minière sans réelle garantie de développement.

Or, sur ce point, le gouvernement se fait étrangement silencieux. Pourquoi?

Notons qu’au Québec le secteur de la transformation minière se définit de différentes façons. Le secteur de la transformation (pré)primaire qui consiste à convertir les métaux extraits en boulettes facilement exportables est celui qui est le plus présent dans le nord du Québec. Ce processus n’est pas particulièrement créateur d’emplois et pour développer une économie régionale, il faut aller plus loin. À ce niveau, le Québec a du travail à faire. Des 27,5 M de tonnages de fer extrait au Québec, seulement 11 % est transformé (p.4)  de manière plus consistante sur le territoire. Alors qu’une étude publiée pour la Chambre de commerce de Montréal Métropolitain démontre que chaque augmentation de 10% de transformation (première, deuxième et troisième) crée autour de 7 535 emplois tout en participant à l’augmentation du PIB de 758 M$ (p.6).

Pourquoi lorsque l’État prête 100 M$ à une minière chinoise, n’exige-t-il pas la création d’une usine de transformation sur le territoire? Les bienfaits pour le développement régional seraient bien plus intéressants tant pour la population que pour le retour sur investissement. À titre d’exemple, Terre-Neuve-et-Labrador a exigé que la minière exploitant la mine de Vosey’s Bay construise un centre de recherche d’une valeur de 13 M$ pour favoriser l’emploi régional. De leur côté, l’Ontario et les Territoires du Nord-Ouest ont réclamé que jusqu’à 10 % des diamants extraits sur leur territoire soient réservés pour être taillés localement.

Pourquoi le Québec ne pourrait-il pas lui aussi faire ce que ses voisins ont fait?

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